Ce 18 juin 2022, le président Evariste Ndayishimiye va souffler deux bougies à la tête du pays. Promesses non tenues, parfois des contradictions entre le discours et les actes, ambivalence, manque de suivi, etc. Certains observateurs n’y vont par quatre chemins et sont très sévères sur le bilan du Président. D’autres, au contraire, encensent le chef de l’Etat. Iwacu a donné la parole aux deux camps.
Par Fabrice Manirakiza et Rénovat Ndabashinze
« Nous entendons bâtir le Burundi sur des bases solides à savoir : la bonne gouvernance, le respect et la protection des droits de la personne humaine », a martelé le président Evariste Ndayishimiye dans son discours d’investiture, le 18 juin 2020, au Stade Ingoma de Gitega.
D’après le président investi, la bonne gouvernance commence par la mise en place d’un gouvernement pour tous où le Chef de l’Etat, garant de la bonne marche des institutions, se soucie en permanence de l’avenir de ses citoyens, qui en retour lui doivent respect et obéissance.
Le chef de l’Etat avait reconnu que tout n’est pas rose dans le secteur de la justice. Il s’est engagé à le reformer. « Tous ceux qui commettent des délits, membre du gouvernement ou autres dignitaires, qu’ils soient traduits devant les juridictions compétentes. Tous les délits doivent être punis pour éviter de retomber dans les mêmes erreurs du passé. »
Esprit de redevabilité
« Nous allons mettre en place un gouvernement responsable qui gère en bon père de famille, qui écoute le peuple et qui l’invite à dénoncer la corruption et les malversations de toute nature. » Lors de son investiture, il a indiqué qu’ils vont essayer d’éradiquer l’esprit des combats politiques pour les postes de responsabilité et « semer un esprit de redevabilité devant le peuple. »
Et de demander aux partis politiques de préparer déjà leurs contributions à ce processus. « Nous allons renforcer le dialogue entre tous les Burundais, sans exception. Unissons nos forces, levons-nous comme un seul homme en renonçant à toute forme d’exclusion, car nous sommes complémentaires dans la diversité et le Burundi a besoin de tous ses fils et filles », disait-il.
Entre effet d’annonce et rétropédalage
Dès son investiture, le président Evariste Ndayishimiye a toujours mis en avant la lutte contre la corruption. « En effet, certaines personnes résistent même à l’action du Saint-Esprit, mais nous n’allons pas relâcher pour autant, nous persisterons jusqu’à ce que nous parvenions à une vision commune avec ces gens-là. Le plus important est que les personnes qui se sont rendues coupables de corruption, d’injustice ou de détournements de fonds soient sanctionnées et bannies du collège des dirigeants », a-t-il menacé lors de son discours à la Nation au 31 décembre 2021.
Aujourd’hui, nombre d’observateurs estiment que ce mot d’ordre est resté’ un effet d’annonce. Ils rappellent le cas du barrage de Mpanda en commune Musigati de la province Bubanza. Effectivement, le 15 octobre 2021, le chef de l’Etat a visité le barrage de Mpanda. Il a été scandalisé par la perte d’environ 54 milliards BIF « partis en fumée », sans résultats tangibles.
« Un projet qui n’a pas pu être exécuté dans les délais, des bâtiments de service construits s’affaissent d’eux-mêmes. » Il n’en croyait pas ses yeux. « C’est une honte. Et moi aussi en tant que président, je suis sidéré. Nous sommes pour le moment dans un Etat de droit, nous nous sommes engagés à combattre les voleurs et les corrompus. Primo, nous n’allons pas abandonner le projet. Secundo, le montant empoché par un groupe de gens doit revenir. » Dans la foulée, il a ordonné au ministre de l’Energie et des Mines de tout faire en deux semaines pour préciser les pertes et par conséquent établir les responsabilités de chaque intervenant dans le projet.
« Nous avons tous applaudi de deux mains. Mais, nous avons attendu les résultats en vain. Les présumés coupables continuent de se la couler douce », commente un observateur de la politique burundaise.
Interrogé sur les dossiers sur les barrages de Mpanda et de Kajeke, lors de l’émission publique du 29 décembre 2021, le président de la République a répondu : « Les commissions ont fait leurs enquêtes et elles m’ont déjà transmis le rapport. Bientôt, les responsables seront traduits en justice et l’argent du pays volé sera remis dans les caisses de l’Etat. »
Un autre dossier qui a suscité beaucoup de remous est la déclaration des biens des mandataires publics et des hauts fonctionnaires de l’Etat. Le 23 août 2020 à Buye, commune Mwumba de la province Ngozi, le président Evariste Ndayishimiye avait appelé les membres du gouvernement à déclarer leurs biens « afin de servir de modèle d’honnêteté au reste de la population. » Là encore, avait a donné un délai de deux semaines pour le faire.
Un mois après, lors de l’émission publique du 25 septembre 2020, le langage a changé. « Nous savons que la Constitution nous oblige à le faire, mais nous avons trouvé que c’est impossible. Certains passeraient une semaine à faire la liste de leurs biens. La richesse d’une personne est un secret. Nous allons voir à la fin du mandat si rien ne cloche. » Quant à ceux qui ont terminé leurs mandats, le président de la République a trouvé que c’est aussi difficile. « Combien de personnes avaient- déclaré leurs biens ? » Le président de l’Olucome, Gabriel Rufyiri n’en croyait pas ses oreilles d’autant plus que c’est une exigence constitutionnelle. « C’est écrit noir sur blanc. »
Des mesures décriées
Parmi les mesures prises au cours de ces deux années, deux remportent la Palme d’or pour leur impopularité. Il s’agit de la démolition des constructions anarchiques. Le ministre de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique, Gervais Ndirakobuca, a expliqué que la démolition concernait les constructions érigées dans un périmètre de 6 m de part et d’autre des routes nationales et les constructions qui ne respectaient pas les bornes de l’Urbanisme dans les quartiers viabilisés.
Les citoyens assistaient impuissants à la démolition de leurs maisons. « Les gens risquent de développer des maladies mentales comme la dépression, les troubles anxieux, les états de stress post-traumatiques. D’autres vont piquer des accidents vasculaires cérébraux suite à une anxiété permanente », ont prévenu les psychologues. D’après eux, de telles conséquences sont inévitables étant donné que les propriétaires des maisons ne s’y étaient pas préparés.
Pourtant, des experts ont estimé que la grande responsabilité incombe à l’Etat. « Ceux qui se sont succédé à la tête de l’urbanisme devraient rendre des comptes. Pourquoi ont-ils laissé les gens construire dans ces espaces interdits ? Ils ont même donné des documents de propriétés. » Ce qui ne signifie pas que les propriétaires de ces maisons sont innocents. Pour ceux qui sont en possession des documents valides, ils devaient être dédommagés. « Il faut mettre en application ce qu’on appelle une « action récursoire. » Ce sont ces anciens cadres de l’urbanisme, du ministère de l’urbanisme qui devraient payer ces dédommagements. Car, ils ont induit sciemment en erreur la population. »
L’autre mesure décriée est la délimitation du périmètre de circulation des motos, des vélos et tricycles en Mairie de Bujumbura. Cette mesure a été prise, le 23 février 2022, par le ministre Gervais Ndirakobuca. Pour les conducteurs et les usagers de ces moyens de transport, cette mesure est inique.
Pour expliquer cette mesure, le ministre a évoqué la sécurité routière. Selon les chiffres donnés par ce ministère, 3449 accidents de véhicules contre véhicules, 1543 de véhicules contre tricycles, motos et vélos ont été enregistrés au courant de l’année 2021. La décision a été prise pour stopper cette recrudescence des accidents de roulage et le désordre dans les rues de Bujumbura, a expliqué le ministre.
Cette mesure a mis sur la paille plusieurs familles, car la mairie de Bujumbura comptait plus de 8000 motos, 4275 tricycles et 8124 vélos à usage commercial. La mesure a eu des effets sur différentes catégories des personnes : les familles des propriétaires, familles des chauffeurs, celles des employés et propriétaires des entreprises vendeuses des motos, vélos, Tuk-Tuk, celles des mécaniciens qui réparent ces moyens de transport ainsi que des vendeurs des pièces de rechange, les petits commerçants, les élèves, étudiants et écoliers, des petites et moyennes entreprises pour leurs services ainsi que des fonctionnaires et autres agents qui utilisent ces outils de transport pour se rendre aux bureaux.
Plusieurs personnalités ont dénoncé cette mesure : « Une mesure qui choque, prise à la va-vite », « Une initiative malheureuse » … Mais, le ministre Ndirakobuca est resté campé sur ses positions en déclarant la mesure « irréversible ».
Au cours de ces deux années de la présidence d’Evariste Ndayishimiye, le Burundi a connu des pénuries récurrentes : devises, carburant, sucre, produits Brarudi, engrais chimiques, ciment … Certaines perdurent même jusqu’aujourd’hui.
L’image du pays un peu redorée
Levée des sanctions, des médias autorisés à émettre et journalistes libérés, dégel des relations diplomatiques avec quelques pays, l’image du pays a retrouvé un peu de rayonnement depuis 2015.
Les deux ans d’Evariste Ndayishimiye ont été marqués par le retour du Burundi sur la scène internationale. Le 8 février 2022, le Conseil européen a décidé d’abroger la décision qu’il avait prise en 2016, par laquelle il imposait la suspension de l’aide financière directe à l’administration ou aux institutions burundaises. « L’abrogation de la décision permettra donc à l’UE de reprendre ce type de coopération avec l’administration burundaise », a annoncé le conseil.
C’était une grande joie pour Gitega. « Je salue la décision sage de l’Union européenne et ses Etats membres pour avoir pris la mesure de lever avec effet immédiat les sanctions économiques contre mon pays. Le Burundi est disposé à coopérer avec tous les partenaires. Ensemble, tout est possible », a réagi le chef de l’Etat. Pour le chef de la diplomatie burundaise, Albert Shingiro, c’était un ingrédient pour le réchauffement des liens bilatéraux entre le Burundi et l’Union européenne. L’UE a également fait savoir qu’elle avait pris acte des progrès accomplis par le gouvernement burundais, depuis les élections de 2020. C’est notamment en ce qui concerne les droits de l’Homme, la bonne gouvernance et l’Etat de droit, ainsi que des engagements pris dans sa feuille de route en vue de nouvelles améliorations dans ces domaines. Ce qui n’est pas l’avis des organisations nationales et internationales des droits de l’Homme.
Le 18 novembre 2021, les Etats-Unis ont annoncé la levée des sanctions individuelles à l’encontre de huit personnalités burundaises : Alain Guillaume Bunyoni, Premier ministre ; Godefroid Bizimana, chargé des missions à la présidence de la République ; Godefroid Niyombare, ancien chef du SNR ; feu Cyrille Ndayirukiye, ancien ministre de la Défense et un des meneurs du putsch raté de 2015 ; Gervais Ndirakobuca, ministre en charge de l’Intérieur ; Léonard Ngendakumana, ancien chef de missions à la présidence de la République et accusé d’être impliqué dans la tentative de coup d’Etat de 2015 ; Joseph Mathias Niyonzima alias Kazungu, agent du SNR, et Alexis Sinduhije, président du MSD. Ces sanctions consistaient en un gel des avoirs de ces personnages et une interdiction d’entrée sur le territoire américain.
La Maison-Blanche a également évoqué des signaux positifs, comme l’alternance au sommet de l’Etat en 2020, la réduction de la violence et les réformes engagées par le président Evariste Ndayishimiye dans plusieurs secteurs et la lutte contre la corruption.
Au cours de ces deux années, le président Ndayishimiye a effectué plusieurs voyages à l’étranger, ce que ne faisait pas son prédécesseur feu président Pierre Nkurunziza depuis 2015 : au siège des Nations unies à New York, au Vatican, en Belgique, dans les pays de l’EAC sauf le Rwanda, en Egypte, Guinée équatoriale.
Du côté du Rwanda, il y a toujours un hic
En mars 2022, une délégation rwandaise de haut niveau a été reçue au Palais présidentiel de Gitega par le président de la République, Evariste Ndayishimiye. Elle est conduite par le ministre rwandais de la Défense, Général major Albert Murasira. Elle était porteuse d’un message du président rwandais, Paul Kagame. « Cette rencontre qui s’est tenue à huis clos s’inscrit dans le cadre de la poursuite du dialogue en faveur de la normalisation des relations entre le Burundi et le Rwanda voisin. (…) Le dégel des relations en cours pourrait aboutir à l’ouverture des frontières du Burundi et à l’extradition des putschistes », a annoncé Gitega.
Le 10 janvier dernier, le président Kagame avait accordé une audience à une délégation burundaise conduite par le ministre burundais des Affaires de la Communauté Est-Africaine, de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, Ezéchiel Nibigira. Il était accompagné par le Général de Brigade Silas-Pacifique Nsaguye, Chef de Service chargé du Renseignement militaire à l’Etat-major général de la Force de Défense nationale et de Mme Laurentine Kanyana, Chef de cabinet civil adjoint du président de la République. « Le but de la visite était de promouvoir les relations bilatérales et renforcer les liens historiques entre les deux pays », a fait savoir le ministère chargé des Affaires de la Communauté Est-Africaine.
Malgré ces signes de normalisation, il existe toujours un grand point de discorde : la question des présumés putschistes du coup d’Etat raté de 2015 contre feu président Pierre Nkurunziza. Gitega exige leur extradition vers le Burundi. Et Kigali répond que cette question est une affaire qui relève du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR).
Toutefois, le 19 octobre 2021, les autorités burundaises avaient remis 11 présumés combattants du Front national de libération (FLN), aux autorités rwandaises. Une remise faite en présence du Mécanisme conjoint de vérification élargi (MCVE) un organe de la Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), de l’Union africaine (UA), de l’ONU. C’était à la frontière burundo-rwandaise de Gasenyi-Nemba dans la province de Kirundo. Au mois de juillet de cette année, les autorités rwandaises avaient remis, à leur tour, 19 présumés rebelles du mouvement rebelle burundais Red-Tabara.
Des opposants rentrés et les médias autorisés d’émettre de nouveau
Au cours de la présidence d’Evariste Ndayishimiye, plusieurs opposants politiques sont rentrés au bercail. Il s’agit entre autres de Jean-Bosco Ndayikengurukiye, secrétaire général de la Coalition des forces de l’opposition burundaise pour le rétablissement de l’Accord d’Arusha (CFOR-Arusha), Jérémie Ngendakumana, l’ancien patron du parti Cndd-Fdd, Pancrace Cimpaye, Anicet Niyonkuru, …
En ce qui concerne le secteur médiatique, les 4 journalistes d’Iwacu ont été libérés. Du 27 au 28 janvier 2021, le président Evariste Ndayishimiye, au cours d’une rencontre avec les responsables des médias et des porte-paroles des institutions, a demandé au Conseil national de la Communication (CNC) d’engager des pourparlers pour que la question des médias suspendus depuis la crise de 2015 soit vidée.
Le 23 février 2021, la Radio Bonesha FM a été autorisée d’émettre de nouveau après 5 ans de fermeture. Le 30 mars 2022, le CNC a décidé d’autoriser de nouveau la diffusion des émissions de la radio britannique BBC au Burundi.
Des défenseurs des droits humains ont été libérés comme Germain Rukuki, ancien employé de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture Burundi (ACAT-Burundi) qui a été libéré le 30 juin 2021. Nestor Nibitanga a été libéré le 27 avril 2021 dans le cadre de la grâce présidentielle du 5 mars 2021. Il était le représentant de l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH) dans la région centre est du Burundi. Toutefois, l’avocat Tony Germain Nkina et défenseur des droits de l’Homme a été condamné à 5 ans d’emprisonnement.
Booster l’économie nationale
Pour faire du Burundi « un pays émergent d’ici 2040 », le président Evariste Ndayishimiye a organisé, le 18 novembre au Palais des Congrès de Kigobe, un Forum national de développement. Des intellectuels burundais, des membres du gouvernement, des experts nationaux et internationaux ont donné leurs propositions sur plusieurs sujets en rapport avec le développement rural et l’autosuffisance alimentaire, à la gouvernance, et le cadre macroéconomique pour la stabilité et la relance économique soutenue …
Parmi les recommandations urgentes issues de ce forum figuraient la question des devises, la célérité dans le suivi de la gestion et la mise en œuvre des projets financés par les partenaires techniques et financiers, le suivi et le traçage des recettes d’exportation et de l’usage des devises octroyés pour le financement des importations,
le suivi des mécanismes d’octroi et de suivi des exonérations et le suivi de l’exécution du budget public … « Avec la mauvaise gouvernance qui règne, les réformes risquent de prendre du temps », commente un économiste qui a requis l’anonymat.
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Tatien Sibomana : « Un bilan mitigé »
Pour Tatien Sibomana, un homme politique, le bilan des réalisations du président Evariste Ndayishimiye, sur les deux ans, est largement mitigé : « A son investiture, il avait suscité beaucoup d’espoir. Il avait énoncé des choses ambitieuses qui avaient créé de l’enthousiasme d’une façon ou d’une autre. Deux ans après, je ne crois pas que le même enthousiasme perdure. La traduction de la parole dans les actes n’a pas suivi. »
M. Sibomana rappelle la promesse selon laquelle chaque bouche doit avoir à manger, et chaque poche doit avoir de l’argent : « Je pense que la réalité est tout autre aujourd’hui. Outre la rareté des produits de première nécessité, les prix ont grimpé (parfois ont même doublé, voire triplé). Ce qui fait que finalement, loin d’avoir à manger en suffisance, les Burundais en manquent cruellement. Loin d’avoir de l’argent en poche, même le peu qu’il en avait risque de ne pas en avoir. »
Concernant la lutte contre la corruption, il souligne que le président avait sommé les dignitaires qui devraient entrer en fonction de déclarer leurs biens endéans deux semaines. « Mais deux semaines après, au lieu de faire l’état des lieux, il a dit finalement qu’il s’était rendu compte finalement que la richesse des uns et des autres relève du top secret alors que c’est prévu de façon ferme par la Constitution. »
Ici, M. Sibomana revient aussi sur l’application de la loi sur les incompatibilités : « Il y a des fonctions qui ne se marient pas avec certains métiers, notamment celui de commerçant. »
Selon lui, si on analyse les réalités actuelles dans le pays, c’est beaucoup plus ces dignitaires qui font du commerce. « Ce qui n’est pas favorable au libre exercice du commerce. Ce qui ne permet pas aussi la lutte contre la corruption, contre les trafics d’influence. » En effet, explique-t-il, quand ces derniers exercent du commerce, cela ne favorise pas réellement la libre concurrence. « Parce qu’il y a des avantages dont bénéficient ces dignitaires contrairement aux commerçants ordinaires. Et cela va causer de préjudice au trésor public. »
Quid de la tolérance zéro contre le détournement des deniers publics ? Pas d’avancée importante aussi selon M. Sibomana : « C’est vrai, on note qu’il y a certains qui auraient remboursé une partie des montants détournés. Mais, comme juriste, je suis sidéré. On dirait qu’ils remboursent des crédits régulièrement contractés. Celui qui est coupable de corruption, il est d’abord pénalement répréhensible. »
D’après lui, cette pratique n’est pas bonne : « Les autres ne vont pas s’empêcher de rééditer l’innommable. Parce qu’ils se disent, je ne serai pas emprisonné, s’il faut que je vole 5 milliards, je vais le rembourser sur un échéancier de dix ans. Personne n’aura jamais peur de se servir. »
M. Sibomana trouve néanmoins qu’il y a un léger mieux, côté diplomatie : « Le président Ndayishimiye a permis l’ouverture du pays en participant dans des fora internationaux en essayant aussi de favoriser le contact et le dialogue entre différents pays et organisations partenaires au Burundi. »
Mais là aussi, nuance-t-il, il faut se rendre à l’évidence que les relations internationales ce n’est pas à sens unique. « Vous devrez vous rendre compte que vous avez à recevoir, mais vous avez aussi à donner. Même pas matériellement, mais du moins au niveau du respect de certains principes par rapport à la gouvernance, qu’elle soit politique, économique. »
Concernant le respect des droits et libertés, il note quelques faits et gestes positifs telle la libération des journalistes, du défenseur des droits de l’homme Germain Rukuki, etc.
« Mais cela ne suffit pas, il y en a qui croupissent en prison pour des raisons politiciennes, d’autres qui sont arrêtés pour être accusés d’appartenir à une organisation politique autre que le Cndd-Fdd, des cadavres découverts ici et là, etc. »
Au niveau de la justice de façon générale, M. Sibomana indique qu’il avait avoué jusqu’à pleurer devant le peuple que la justice fonctionne mal. « Mais, on attend toujours les solutions. »
Gabriel Banzawitonde : « Un bilan positif »
« Le parti APDR apprécie les avancées nettement visibles dans plusieurs secteurs de la vie nationale », indique Gabriel Banzawitonde, président de ce parti. Côté sécurité, il signale que le président Evariste Ndayishimiye a pu maîtriser la sécurité nationale en luttant toute infiltration pour déstabiliser le pays. Concernant la diplomatie, il souligne qu’il a rétabli des relations internationales et bilatérales. « Ce qui a permis au pays de redorer son image ternie depuis 2015. »
Politiquement, M. Banzawitonde note des avancées : « Les différents leaders politiques cohabitent pacifiquement et les activités des partis politiques se passent sans entrave. » En ce qui est de la bonne gouvernance, il trouve que le président a lutté contre la corruption dans des services du pays et il a banni les gens qui se croyaient être au-dessus de la loi (ibihangange).
Le président du parti APDR signale aussi que le président Ndayishimiye a développé le secteur agricole. En résumé, pour lui, le bilan est positif.
Jean De Dieu Mutabazi : « Des avancées significatives »
Pour Jean De Dieu Mutabazi, président du parti RADEBU, le bilan du président Ndayishimiye est positif. « La paix et la sécurité sont primordiales pour tout pays. Le Burundi est un îlot de paix si tu regardes ce qui se passe à gauche, à droite, entre le Rwanda et la RDC, entre l’Ouganda et la RDC, en Centrafrique, en Somalie, etc. Le Burundi est un havre de paix. » Il apprécie aussi les séances de moralisation centrées sur l’importance de la sécurité, qui renforce la sécurité, de l’unité et de la cohésion sociale.
D’après lui, grâce au président Ndayishimiye, il y a absence totale de discours de haine, des gens qui caressent la corde sensible ethnique, régionale, religieuse ou politique
Au niveau diplomatique, M. Mutabazi note des avancées dès la première année du régime Ndayishimiye : « Le pays a retrouvé sa place dans le concert des Nations. Aujourd’hui, il reste à rendre la coopération effective pour que le principe Win-Win puisse être mis en œuvre. Je peux dire que le Burundi n’a plus d’ennemis, il n’y a que des amis. »
Un autre point positif du bilan du président Ndayishimiye est, selon M.Mutabazi, la participation dans les missions de maintien de la paix dans d’autres pays pour lutter contre le terrorisme. Concernant la justice, il parle du désengorgement des prisons
M. Mutabazi reconnaît que tout n’est pas rose surtout au niveau économique : « Il y a des défis qui sont liés à la guerre en Ukraine avec la montée des prix des hydrocarbures, et d’autres produits locaux. Mais, cela n’est pas de la volonté des Burundais. »
Gaspard Kobako : « Certaines promesses n’ont pas été tenues »
Pour Gaspard Kobako, politicien membre du parti Cndd, le bilan est un peu mitigé : « Certaines promesses ont été tenues, d’autres, nous attendons toujours. »
Sur le plan politique, il signale que l’intolérance politique vis-à-vis de certains partis, notamment le CNL reste une réalité : « Les jeunes sont en perpétuel affrontement. Ce qui aboutit souvent à des violences physiques, des destructions. Il donne l’exemple de la commune Kiremba, à Ngozi. »
En ce qui est du respect des droits de l’homme, il déplore qu’il y a toujours des disparitions des personnes : « Quelque chose qui a été d’ailleurs signalé par la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (Cnidh) dans son dernier rapport »
Sur le plan sécurité, il revient sur les des incendies du marché de Kamenge et celui de la prison de Gitega qui a fait plusieurs victimes.
Au niveau socio-économique, ce politique estime que le bilan n’est pas du tout reluisant. Il dénonce un deux poids, deux mesures dans l’opération des destructions des constructions anarchiques. « Certaines ont été tolérées alors qu’elles portaient des croix. » Il décrit aussi une situation d’extrême pauvreté dans les ménages, dans le pays : « On voit une flambée des prix des produits de première nécessité, les produits alimentaires. »
Selon lui, chaque bouche n’a pas encore de quoi manger, encore moins, chaque poche n’a pas de sous, comme l’avait promis le Président.
Côté bonne gouvernance, beaucoup reste à faire selon lui : « Il n’y a pas une bonne ouverture aux membres d’autres partis politiques. Elle est assurée par les gens du parti au pouvoir. »
Pour M.Kobako, les hautes fonctions ne sont pas compatibles avec les activités agro-pastorales du chef de l’Etat auxquelles il consacre beaucoup de temps.
Revenant sur le barrage hydroélectrique de Mpanda, il déplore que la mesure prise par le chef de l’Etat de punir les auteurs de l’argent qui était destiné à sa construction n’ait pas été mise en application et que même cet argent n’ait pas été remboursé.
Cependant, il reconnaît aussi qu’il y a eu, sous le régime Ndayishimiye, une certaine ouverture : « Contrairement à son prédécesseur, le président Evariste Ndayishimiye a promis lors de son investiture d’organiser des rencontres avec les partis politiques. Chose dite, chose faite. » Il affirme que deux rencontres ont déjà eu lieu. Il salue aussi la libération des prisonniers politiques et le mouvement de rapatriement massif.
Enfin, il relève des avancées au niveau diplomatique : « Il y a eu l’ouverture du Burundi au monde extérieur. » Il apprécie aussi le processus de normalisation des relations avec le Rwanda.
Gabriel Rufyiri : « Des réussites, des échecs »
Pour Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (OLUCOME), les deux ans de règne du président Ndayishimiye ont été marqués par certaines actions positives. « Il y a un discours qui montre la volonté politique de lutte contre la corruption et les infractions connexes. » Il indique que le président lui-même et son ministre de l’Intérieur ont appelé souvent les mandataires, la justice … à ne pas se lancer dans la corruption, au respect du citoyen.
« Nous avons aussi apprécié l’instauration d’un budget-programme. C’est capital. Actuellement, l’argent sera donné sur base des activités déjà identifiées. » Il pense que des critères ont été fixés pour une évaluation objective et que les performances seront tenues en compte.
L’autre réussite, selon M. Rufyiri, c’est l’insertion dans le budget général, dans ses annexes, le budget qui était alloué aux communes et celui des sociétés paraétatiques. « Ils étaient gérés en dehors du budget général de l’Etat. »
D’après ce militant contre la corruption, le président Ndayishimiye a aussi marqué des points en ce qui est de la diplomatie : « Il a su négocier la levée des sanctions contre le Burundi » La mise en place de la chambre pour juger les mandataires politiques et les gestionnaires publics défaillants est aussi une avancée, analyse-t-il.
Néanmoins, sur les deux ans, il relève aussi des manquements : « Les discours n’ont pas été accompagnés par des actes concrets. » Il déplore en outre le non-respect de l’article 69 de la Constitution stipulant que tout citoyen doit protéger la chose publique : « La corruption, les détournements surtout à travers les marchés publics n’ont pas cessé »
Gabriel Rufyiri regrette aussi que l’article 95 de la Constitution et 29 de la loi portant prévention et la répression des actes de corruption n’aient pas été respectés. « Les mandataires publics ne font pas la déclaration de leurs patrimoines comme l’exige la loi. »
Le recouvrement des fonds volés ou détournés n’a pas eu lieu. Ici, il cite les cas du barrage de Mpanda et celui de Kajeke où, selon M. Rufyiri, plus de 70 milliards BIF ont été détournés.
« Malheureusement, les auteurs se la coulent douce»
Quid du développement ? Là, il indique que le Burundi reste le premier pays pauvre au monde avec un taux de croissance presque nul. Et de déplorer que même les recommandations du Forum national sur le développement ne soient pas mises en application.
Et de laisser un conseil au président de la République : « Pour arriver à son rêve d’un Burundi émergent d’ici 2040, il doit faire une évaluation sincère et procéder à des corrections. « Les premiers ennemis de ce Burundi émergeant sont ces mandataires qui ne pensent qu’à leurs intérêts. Il doit balayer à l’interne et nommer des gens capables de faire décoller le pays. C’est possible, et j’y crois fermement. »
Carina Tertsakian : « Il y a un fossé béant entre les promesses du président de la République et la réalité»
« Au début, il y avait de vrais espoirs. Après les cinq années sanglantes depuis la crise de 2015, l’arrivée d’un nouveau président pouvait signaler le début d’une ère positive, plus tolérante, moins répressive », relève cette chercheuse à l’Initiative pour les droits humains au Burundi (IDHB). Selon elle, les discours d’Evariste Ndayishimiye et ses premiers actes ont nourri des espoirs. « Par exemple, il a ordonné aux Imbonerakure de ne plus attaquer leurs opposants. Il a montré une certaine ouverture envers les médias. Les quatre journalistes d’Iwacu et le défenseur des droits humains Germain Rukuki ont été libérés. Mais depuis, la situation s’est de nouveau dégradée. » Aujourd’hui, poursuit-elle, l’avocat et ancien défenseur des droits humains Maître Tony Germain Nkina a déjà passé plus de deux ans et demi en prison, le service national de renseignement continue de torturer les présumés opposants, parfois jusqu’à la mort et les Imbonerakure ont repris leurs mauvaises habitudes. « Nous sommes donc déçus au bout de ces deux premières années. »
Carina Tertsakian trouve qu’Il y a un fossé béant entre les promesses du président Ndayishimiye et la réalité et un manque de suivi à chaque fois. « Prenons l’exemple de la justice. Le président n’arrête pas de répéter que la justice doit être indépendante, que personne n’est au-dessus de la loi, quel que soit son rang ou son affiliation. Mais où est le résultat ? Le manque d’indépendance du système judiciaire burundais est flagrant et l’impunité persiste. » Pour elle, la liberté d’expression et les principes démocratiques qu’il a promis de restaurer.
« Certaines autorités font comme si le président n’avait jamais prononcé ces discours. » Bien sûr, reconnaît-elle, les réformes plus larges ne se font pas du jour au lendemain, mais au bout de deux ans, on pouvait tout de même s’attendre à un minimum de progrès. « Je ne sais pas s’il s’agit d’un manque de volonté ou si les mesures annoncées par le président sont bloquées par des autorités de l’aile dure du Cndd-Fdd qui n’ont aucun intérêt à ce que ces réformes soient réalisées. »
Depuis Nkurunziza, on a vire dans une rhetorique politique base sur des promesses(sans actes) et sur l’exceptionalisme burundais(le fait que la population Burundaise croit ou fasse semblant de croire religieusement y aide enormement) et cela a marche pour plusieurs annees, ce n’est donc pas surprenant que son successeur adopte une meme approche politique.
Est ce qu’a la fin de ses 15 annees au pouvoir, y aura-t-il des changements concrets, j’espere mais je doute qu’avec une approche economique centre sur un laissez-faire capitalisme pour un pays extremement pauvre, il y aura une reduction de la pauvrete et de la securite alimentaire
Et Carina, l’amoureuse des Imbonerakure vient faire quoi dans l’article? Pourquoi elle et pas d’autres étrangers? Une relation spéciale avec les auteurs du billet ou avec Iwacu?
Pour le reste je mets au defi quiconque citera un seul pays au monde où toutes les promesses électorales/politiques sont tenues. Souvent il plus facile de dire que de faire. Et cela tant en politique que dans la vie courante. Ne jetez donc pas le bébé avec l’eau de bain.
@Kagayo
Concernant Ndayishimiye, on peut dire qu’il n’est pas encore temps de faire le bilan. Il lui reste encore 5 ans peut-être 12 ou 19 sait-on jamais. Néanmoins, si l’on devait procéder à une évaluation in itinere, on serait surement surpris.
Aucun dirigeant ne peut réaliser toutes les promesses de campagne puisque certaines ne sont atteintes que longtemps après la fin du mandat, du moins chez les dirigeants qui ne les renouvellent pas à l’infini.
J’aurais une petite question: quelles promesses, M. Ndayishimiye a-t-il déjà tenues?
Etre à la tête du pays le plus pauvre du monde n’est pas chose facile. Pas de devises, pas de business, pas d’emplois, surpopulation etc donc impssible développement
Il est stupéfiant de de voir les appreciations/ commentaires de certains politiciens.
Les Mutabazi ne voient plus, ne dénoncent plus la corruption qui gangrène le pays, la misère el l’injustice d’aujourd hui
Quand nous combattions ensemble dans les années 80, nous avions les même idéaux.
Maintenant ils mangent et voient tout en rose.
Ndabivuze
@Jambo
« Quand nous combattions ensemble dans les années 80, nous avions les même idéaux. »
Mutabazi combattre dans les années 80? Mon oeil! Il a (entre) ouvert l’oeil au plus tôt dans les années 90! Pour le refermer aussi tôt!
Jewe mbona opposition yico gihe 80’s ivyo yaharaniye yarzbigezeko. Uwobaza aba opposants bico gihe niba muvyo baharanira kwisonga harimwo bonne gouvernance, respect de la vie de tout burundais, ntavyarimwo témoignage kuri YouTube zirahari ntawobiharira. Uvuze uti ils voient rose, ils ont raison puisque ivyo bavuga baharanira mbona vyose barabironse. Ikibazo jewe mbona yuko umuntu iyo agiye muvyatazi ntagate umwikomo kubo batari kumwe. Kazoza ku Burundi ko sinzi.
A son entrée en fonction, 75% de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté.
Après 2 ans, nous n’avons gagné aucun point.
2) Le degré indigne de corruption n’a pas changé.
Donc, de quoi devrions nous nous vanter?
Par contre, toujours les même bikorane pour dire que nous sommes bénis des dieux.
I am always speechless when I see all the ministers and MP singing and saying that we are the best country in the world.
Jesus Christ 🤗🤔
Quel homme politique qui peut satisfaire toutes les sensibilités ? Cependant, il y a des points, entre autres, qui ne trompent pas à mon avis : le niveau de vie des ménages, le niveau de l’enseignement et l’accès aux soins médicaux.
@Mazarahisha
1. Vous écrivez:« Quel homme politique qui peut satisfaire toutes les sensibilités?… »
2. Mon commentaire
Dans son discours du 27 juillet 2015 au Safaricom Indoor Arena à Kasarani (Nairobi, Kenya) le président américain Barack Hussein Obama a dit:
« Democracy is sometimes messy, and for leaders, sometimes it’s frustrating. Democracy means that somebody is always complaining about something. (Laughter.) Nobody is ever happy in a democracy about their government. If you make one person happy, somebody else is unhappy. Then sometimes somebody who you made happy, later on, now they’re not happy. (Laughter.) They say, what have you done for me lately? (Laughter.) But that’s the nature of democracy. That’s why it works, is because it’s constantly challenging leaders to up their game and to do better…. »
https://obamawhitehouse.archives.gov/the-press-office/2015/07/26/remarks-president-obama-kenyan-people
@Stan
Merci beaucoup.
« …That’s why it works, is because it’s constantly challenging leaders to up their game and to do better…. ». Toujours faire mieux. » Vous nous jugerez à nos actes et votre satisfaction sera notre fierté » ; une phrase connue presque par toutes nos générations.