Lundi 07 octobre 2024

Économie

Détournements de fonds : une impunité préoccupante

Détournements de fonds : une impunité préoccupante
Martin Ninteretse : « Les sanctions sévères ont été appliquées, y compris le changement ou l’arrêt du travail »

Lors de la séance plénière du 2 octobre 2024, l’Assemblée nationale a dénoncé de graves irrégularités dans plusieurs communes, notamment des détournements de fonds et la faible mise en œuvre des recommandations de la Cour des comptes.

La séance plénière à l’Assemblée nationale a réuni les députés autour du rapport de 2019 de la Cour des comptes concernant la gestion financière des communes burundaises.

Le ministre de l’Intérieur Martin Niteretse a été invité pour s’expliquer sur les faibles taux de mise en œuvre des recommandations formulées dans ce rapport, notamment dans les communes de Ngozi, Kayanza, Kirundo, Makamba, Rutana et Kayogoro.

Le rapport soulignait que seulement 21 % des recommandations avaient été appliquées, mais le ministre a affirmé que « 80 % des recommandations sont actuellement réalisées ».

La Cour des comptes recommande une gestion rigoureuse des fonds publics, une transparence accrue dans les marchés communaux, et des sanctions strictes contre les responsables de détournements. Elle appelle également à une formation continue des administrateurs pour renforcer leurs compétences en gestion.

Les députés ont dénoncé les détournements de fonds au niveau communal, pointant du doigt l’impunité dont bénéficient certains responsables de ces malversations. Bien que des cas de mauvaise gestion aient été signalés, les sanctions ne suivent pas toujours.

Le rapport de la Cour des comptes révèle une mise en œuvre partielle des recommandations dans les communes auditées. Dans les communes de Ngozi, Kayanza et Kayogoro, seulement 27 % des recommandations ont été totalement appliquées, 10,2 % partiellement, et 58,7 % n’ont pas du tout été suivies. Le président de la commission permanente chargée des finances a souligné l’« incompétence notoire des administratifs communaux », ajoutant que cela reflète une négligence préoccupante.

En réponse aux interrogations des députés, le ministre Martin Niteretse a justifié cette situation par des difficultés liées à la transition entre les anciennes et les nouvelles équipes communales après les élections de 2020.

« Le contrôle de la Cour des comptes a été effectué vers la fin de la législature précédente, et les administrateurs communaux sortants n’ont pas transmis les recommandations à leurs successeurs », a-t-il expliqué.

Toutefois, il a insisté sur le fait que cela ne saurait excuser le manque de mise en œuvre des recommandations, puisque celles-ci figuraient dans le manuel de procédure administratif et financier des communes.

Des résultats contrastés selon les communes

Les performances dans la mise en œuvre des recommandations varient considérablement selon les communes. À Kirundo, seules 6 recommandations sur 31 (19,35 %) ont été appliquées, tandis que 70,96 % des recommandations sont restées sans suite.

La commune de Makamba présente des chiffres similaires, avec seulement 28,1 % des recommandations exécutées et plus de la moitié non suivies. Pour Rutana, la situation est tout aussi préoccupante : 25 % des recommandations ont été mises en œuvre, 17,5 % partiellement appliquées et 57,5 % ignorées.

Le ministre a reconnu que certains administratifs ont été négligents en ne donnant pas la priorité à ces recommandations, mais a précisé que des actions correctives ont été prises, notamment la suspension de plusieurs administrateurs, comme ce fut le cas à Kayogoro en août 2022 et à Kayanza en août 2023.

Grâce à ces mesures, les taux de mise en œuvre ont considérablement augmenté dans certaines communes : « À Ngozi, 100 % des recommandations ont été réalisées, 94 % à Kayanza, et 89 % à Kayogoro », a expliqué le ministre de l’Intérieur.

Face aux inquiétudes des députés concernant l’absence de sanctions appropriées pour les responsables des détournements, le ministre a insisté sur les efforts déployés pour redresser la situation.

« Un suivi rigoureux a été mis en place, incluant des rapports sur la mise en œuvre des recommandations et le renforcement des capacités des comptables et des responsables de la comptabilité », a-t-il déclaré. De plus, des formations ont été organisées pour les trésoriers communaux afin de pallier leurs insuffisances en matière de gestion financière.

Cependant, certains députés ont soulevé des préoccupations plus larges, notamment sur les erreurs commises dans la gestion des fonds communaux, telles que l’absence de planification budgétaire, la mauvaise imputation des comptes, ou encore des mandats sans pièces justificatives. Le ministre a répondu que « les fautes sont dues à un manque de savoir-faire, d’où l’importance des formations que nous avons instaurées ».

Traduire en justice les auteurs de détournements des fonds

La société civile et les partis politiques ont réagi aux explications fournies par le ministre et aux conclusions du rapport de la Cour des comptes. Gaspard Kobako, président du parti AND, Alliance Nationale pour la Démocratie, a critiqué la faible mise en œuvre des recommandations, affirmant que « réaliser seulement 21 % des recommandations relève d’un véritable scandale administratif ».

Selon lui, les administrateurs responsables de ces échecs devraient être démis de leurs fonctions sans délai. Il appelle à mettre fin à la nomination de responsables basés sur des affiliations politiques, afin de ne pas compromettre la vision 2040 et 2060.

Pour le président du parti AND, « il est inacceptable de nommer des personnes incompétentes à des postes de responsabilité simplement en raison de leur appartenance politique, sinon la vision 2040 et 2060 sera un leurre ».

De son côté, Hamza Venant Burikukiye, représentant légal de l’association, CAPES+, a souligné que « rien ne sert de dénoncer les malversations si personne n’est interrogé ».

Il appelle à des actions concrètes pour traduire en justice les responsables identifiés et récupérer les fonds détournés. « L’essentiel pour le pays, c’est d’arrêter ce délit et de traduire en justice les auteurs de détournements pour leur forcer de retourner les biens communs dans le trésor public », ajoute-il.

Le représentant de l’organisation CACEDEBU, Jérémie Ndihokubwayo s’est également indigné du manque de sanctions. Il a exprimé son incompréhension face à l’inaction des autorités locales.

Selon lui, « l’association CACEDEBU ne comprend pas pourquoi ces responsables ne sont pas traduits en justice et remarque que les instances habilitées ont peut-être attendu l’intervention du ministère de l’intérieur alors que la première réaction devrait être la mission des autorités locales ». L’association CACEDEBU lance un appel vibrant aux concernés de se ressaisir et de reprendre en mains ce dossier.

Malgré ces critiques, le ministre Martin Niteretse s’est dit confiant quant à l’avenir des réformes en cours. Il a souligné que son ministère travaille à réformer les lois régissant les taxes et les impôts communaux afin de renforcer la collecte des fonds, tout en insistant sur l’importance de la digitalisation des services dans 12 communes pour améliorer la transparence financière.

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