Le ministre de l’Intérieur, du Développement Communautaire et de la Sécurité Publique a démis de leurs fonctions tous les comptables communaux. Les anciens comptables qualifient cette décision d’injuste.
La mesure a été prise vendredi 9 avril dernier. Les 119 comptables communaux que compte le pays ont été destitués notamment pour « avoir handicapé la collecte des recettes communales en complicité avec les anciens percepteurs précédemment démis de leur fonction». Ces comptables n’assureront plus la centralisation des recettes communales en attendant d’autres mesures des organes compétents.
C’était lors d’une rencontre tenue à Kayanza présidée par le ministre Ndirakobuca à l’intention des gouverneurs de provinces, les administrateurs communaux, les présidents des conseils communaux, les commissaires régionaux et provinciaux de police ainsi que des hauts cadres, pour évaluer les activités de janvier, février et mars 2021.
Sur base des résultats du mois “témoin”, plus de 3, 2 milliards de BIF ont été enregistrés au mois de mars 2021 tandis qu’en mars 2020, les recettes obtenues étaient de plus de 1, 4 milliards. C’est un écart de près de 1,8 milliards de BIF, soit un manque à gagner de 121,1%.
« Tout le mois de mars était un mois “témoin” pour toutes les communes du pays. Les résultats sont plus que satisfaisants et la même méthodologie se poursuivra jusqu’à la modernisation du système de collecte des recettes», a indiqué Gervais Ndirakobuca, ministre en charge de l’Intérieur, du Développement Communautaire et de la Sécurité Publique.
Le ministre Ndirakobuca affirme être engagé à ne ménager aucun effort pour combattre la corruption sous toutes ses formes. Il s’est dit déterminé à mettre tous les moyens au service de son personnel et à la population pour que cet objectif soit atteint.
Il demande la compréhension et l’implication de tout citoyen par des actions concrètes ou discrètes en dénonçant ceux qui s’accaparent illégalement les richesses du pays.
Il invite la population à s’inscrire dans cette ligne du gouvernement pour combattre la corruption. En plus des boîtes de suggestions, précise-t-il, il y a un numéro vert, le 413 qui reçoit des plaintes et dénonciations du public sans frais.
Les anciens comptables communaux se justifient
Les comptables communaux récemment limogés s’insurgent contre la décision du ministre en charge de l’intérieur qui les accuse d’avoir entravé la mission de collecte des recettes communales.
Selon ces derniers, un mois sur 12 est insuffisant pour déterminer s’il y a eu écart entre les recettes perçues par les anciens percepteurs et les nouveaux durant le mois “témoin”.
H.B., ancienne comptable dans une des communes de la province Bujumbura, s’indigne contre cette mesure qu’elle qualifie d’injuste. D’après elle, la comparaison de l’année 2020 et 2021 devrait tenir compte de la situation qui prévalait en 2020 notamment les élections qui inspiraient la peur pour les investisseurs.
Elle précise qu’il y a eu réticence des investisseurs qui ne voulaient pas investir avant de connaître l’issue des urnes. Et de faire savoir qu’au courant de l’année 2021, les activités taxables ont augmenté.
Elle déplore cette décision prise à la hâte et en violation de la loi. Elle ne comprend pas comment un simple contractuel qui n’a pas de pouvoir de décision peut être limogé sur l’accusation de saboter les activités du mois témoin. Elle souligne que son rôle était de collecter les taxes communales sans toutefois percevoir lui-même les taxes.
Son rôle, sur terrain était de sensibiliser les percepteurs de recouvrer toutes les taxes. Elle précise que le taux de taxation et les biens imposables ont aussi changé et augmenté. Et de donner l’exemple des cultivateurs qui ne payaient pas les taxes sur les biens qu’ils vendaient au marché en 2020. Elle cite un autre exemple d’une personne qui vend une volaille, un seul régime de banane ou une petite quantité de charbon de bois qui paie maintenant les taxes.
Elle nie avoir jamais entravé le travail des percepteurs des taxes car elle travaillait au bureau et attendait le montant collecté dans ce même bureau. Selon elle, c’est l’administrateur qui devrait répondre de toutes ces accusations car c’est lui le gestionnaire des affaires de la commune. Et d’épingler la faute d’immixtion des secrétaires communaux du parti CNDD-FDD dans la détermination des biens à taxer mais aussi la destination de l’argent collecté.
H.K., un ancien comptable dans l’une des communes de la province de Cibitoke, fustige la décision du ministre Ndirakobuca. Cet ex-comptable communal dit que la collecte des recettes communales s’est bien déroulée dans cette commune. Il rejette en bloc toutes les accusations du ministre .Selon lui, aucune activité d’entrave dans la collecte des impôts et taxes avec les anciens percepteurs ne s’est jamais manifestée dans cette commune.
Selon lui, plusieurs raisons expliquent l’écart des recettes communales qui existe entre l’année 2020 et 2021. Il s’agit de l’augmentation des activités imposables en 2021. Pour l’année, 2020 il y a eu faible production due aux conditions climatiques notamment des fortes précipitations qui ont emporté les champs des cultures.
Et de préciser que le mois témoin de l’année passée a coïncidé avec les préparatifs des élections. Et outre, le nombre de percepteurs d’impôts et taxes ont augmenté au cours du mois « témoin » ce qui a contribué à l’augmentation des recettes. Il fait savoir que l’année passée chaque poste comptait un seul percepteur des impôts et taxes ce qui a permis aux contribuables d’échapper aux paiements des taxes communales. Même les nouveaux percepteurs des impôts et taxes ont été touchés même des biens exonérés. Il ajoute qu’une personne vivant avec handicap était exemptée de l’impôt et taxe ne bénéficie plus de cette faveur.
Eclairage/ « Une décision prise en violation de la loi communale »
Le professeur Siméon Barumwete indique que la loi du 19 février 2020 régissant l’administration communale donne au ministre en charge de l’Intérieur le pouvoir de tutelle sur les communes. Il exerce la tutelle sur les actes des autorités communales et la tutelle sur les organes communaux.
Au premier degré, la tutelle sur les actes des autorités communales est exercée par le gouverneur de province ou le maire de la ville. Elle s’exerce par voie d’approbation ou d’autorisation, de suspension, d’annulation et de substitution. La tutelle sur les organes de la commune s’exerce par voie de suspension, de dissolution et de déchéance.
M. Barumwete souligne que l’article 114 de la loi communale stipule : «Lorsque les autorités communales sont en défaut d’exécuter les mesures qui leur incombent en vertu des lois et règlements le ministre ayant l’administration territoriale dans ces attributions et le gouverneur de province ou le maire, selon le cas peuvent après deux avertissements successifs, se substituer à elles en prenant toute mesure à cet effet.»
Il dit qu’aucun avertissement envers les comptables communaux démis n’a jamais été fait. Pour le cas d’espèce, le ministre en charge de l’Intérieur a pris une décision sans que cela soit un acte proposé par les communes.
Ce professeur précise que cette décision de démettre de leurs fonctions les comptables communaux a été prise en violation de la loi communale notamment l’article 8 de la loi communale qui stipule que « c’est la commune qui est chargée de la gestion administrative des travailleurs salariés. La commune a une personnalité juridique, morale et elle a une autonomie administrative ».
M. Barumwete indique que le comptable communal est recruté sur concours par l’administrateur communal après approbation du Conseil communal. Le candidat à cet emploi doit avoir un diplôme de niveau A2 dans les filières apparentées du poste ou l’équivalent ou jouir d’une expérience avérée. Et de renchérir : « Le comptable a un contrat avec la commune, pas avec le ministère en charge de l’Intérieur, raison pour laquelle celui qui les a destitués n’en avait pas la compétence ».
Le comptable communal est le responsable de la perception et de la comptabilité des recettes de la commune dans les limites des emplois autorisés par le conseil communal.
L’administrateur peut adjoindre au comptable un ou plusieurs aides- comptables. Ceux-ci sont placés sous la surveillance et le contrôle du comptable.
Le comptable, poursuit-il, est le seul chargé d’effectuer sous sa responsabilité et dans les limites des allocations budgétaires conformément aux dispositions du règlement sur la comptabilité communale, le paiement des dépenses autorisées et ordonnancées par l’administrateur. M. Barumwete fait savoir que tous les personnels communaux à part les conseillers techniques qui sont payés par le gouvernement, tous les personnels sont recrutés par la commune et ont un contrat envers cette dernière. Les comptables communaux, tient-il à préciser, sont donc liés à l’employeur par un contrat de travail pour la plupart à titre indéterminé. Selon ce spécialiste de la décentralisation, le limogeage devrait aussi tenir compte de la loi communale et du Code du travail. Et de marteler : « C’est un contrat pur et simple entre l’employeur et un employé où le comptable communal occupe un poste bien défini dans le manuel des procédures administratives, financières et comptables de la commune ».
Une mesure épinglée
Ce professeur souligne également que même s’ils avaient commis une faute grave d’handicaper la collecte des recettes communales durant le mois “témoin”, la loi communale prévoit comment l’administrateur peut mettre fin au contrat pour un personnel qui s’est méconduit ou qui a commis une faute grave et qui n’a pas respecté toutes les clauses du contrat.
« La commune, par le biais de son administrateur, devrait respecter la procédure usuelle en matière des sanctions disciplinaires en commençant par ouvrir un dossier administratif et en respectant toutes les étapes à suivre pour arriver à une destitution », fait observer.
En outre, ajoute-t-il, la loi communale protège le personnel communal au cas où ils auraient commis des crimes ou délits. Il revient au cours et tribunaux de les sanctionner une fois que la culpabilité est établie conformément à la loi. « On ne peut pas imaginer un instant où tous les 119 comptables communaux se seraient comportés de la même manière», s’indigne-t-il.
Ce professeur fait savoir qu’il y a des comptables qui accomplissent correctement leurs missions. Selon lui, il y a des comptables qui ont collaboré avec les agents du ministère en charge de l’Intérieur qui étaient chargés de la collecte des taxes durant ce mois “témoin”. « Il est impensable de généraliser que tous les comptables se seraient lancés dans une action collective de sabotage au même niveau ou degré partout dans le pays ». Il fait observer que s’il s’était avéré que les comptables ont entravé la collecte des recettes, cela serait une faute et on aurait ouvert le dossier disciplinaire et judiciaire. C’est l’administrateur communal, l’employeur direct, de se saisir du cas immédiatement.
Et d’ajouter : « Si les anciens percepteurs des impôts et taxes et les comptables communaux saisissent la justice sur cette décision et gagnent le procès, c’est la commune qui payera les indemnités parce que l’employeur direct c’est l’administration communale, et non pas le ministère en charge de l’Intérieur.»
Selon ce professeur, le ministre en charge de l’Intérieur devrait combattre la corruption, les détournements en s’attaquant aux vraies causes. Il suggère des primes d’encouragements pour les percepteurs sinon, prévient-il, à la longue, même ces nouveaux percepteurs pourront tremper dans les détournements.
Le ministre de l’intérieur a-t-il un conseiller juridique? Si oui, ce dernier a-t-il fait son travail comme il faut sur ce dossier des comptables communaux? Si oui le ministre, l’a-t-il écouté ? Sinon ce cas en est un d’abus de pouvoir flagrant. Il y a une loi qui régit les communes et leurs personnels, il est du droit de ces comptables communaux de recourir aux tribunaux.
@Kariburyo
Vous avez dit conseiller juridique? S’il y a des fonctionnaires les plus mal traités de la fonction publique dans notre pays, ce sont les conseillers. Ils n’ont aucune responsabilité. Aucune description de poste. On leur donne une chaise pour s’asseoir et un bureau puis on les laisse se tourner les pouces. J’en sais quelque chose!
Ces comptables ont le droit de recours, l’exercer relève de la prérogative constitutionnelle. Cet acte juridique de “destitution ou résiliation “, un acte administratif, qui doit être soumis à la procédure bien prévue par la loi, dite procédure de contrôle de la légalité de l’acte administratif. Les victimes ont d’un côté le droit de cours administrativement prévu par la loi. Mais juridiquement la situation peut sembler complexe du moment que les faits se décalent de la situation attendu tel que cela relève de la description contenu dans les textes de droit de travail et de la loi communale. Sachant que les victimes si on ne se trompe pas étaient des contractuels communaux” . D’un côté, il devrait y avoir eu certaines phases de sanctions (hiérarchiquement organisées) suivies de certains recours ( gracieux et contentieux, suivant la loi communal et le droit de travail), d’un autre côté la résiliation du contrat de travail qui se fait suivant les conditions prévues par le code de travail et la loi communale, de ce fait ces mêmes textes prévoient qui peut résilier le contrat et comment le recours contre une telle décision est organisé. Encore plus la difficulté se posera ici. Cette complexité inviterait les victimes à entreprendre plusieurs voies de recours. D’un côté, ils pourraient s’adresser à leurs employeurs pour demander la réintégration après avoir démontré l’illégalité de la résiliation du contrat par un tiers (au contrat). L’employeur aura la difficulté de modifier ou annuler la décision qu’il n’a pas pris. Ici la situation pourra toujours être bloquée. D’un autre côté, ces victimes pourront ou devraient attaquer cette décision dite de destitution (une notion juridiquement incongrue ici) dans les délais. Il faudra tenir compte de la qualité de l’auteur de l’acte pour s’adresse à la Cour (autorité compétente) CS (chambre administrative). Il serait utile de veiller à agir dans les délais pour ne pas perdre le droit de recours (forclusion) . De plus la situation n’est pas aussi simple ici. Faudrait-il commencer par le recours gracieux? Pour éviter d’être rejetés par la Cour, il sera utile qu’ils fassent un recours directe auprès de l’auteur de la décision (dans les délais). En cas de réponse insatisfaisante ou de non sans réponse, ils saisiraient l’autorité juridictionnelle (toujours dans les délais). Il faudra se faire assister par des avocats qui peuvent comprendre ce dossier juridiquement complexe.
Ivyo bintu binyibukije President Micombero qui, un jour a limogé tout son Gouvernement hahahhaha!!!
C’était la veille de la tragédie -ikiza- d’avril 1972. C’était loin d’être drôle. Le seul ministre de ce gouvernement resté en fonction fut Arthémon Simbananiye, à la fois ministre de la justice et procureur général de la République. Gardé en fonction pour orchestrer les procès expéditifs destinés à envoyer des mlliers d’ innocents de ce monde dans l’autre. La société burundaise en restera marqué à jamais.
@Magara
Je l’ai entendu une fois sur BBC dire que si c’était à refaire il le referait volontiers. Dommage qu’il ne vous lit pas ici pour vous répondre.
Yanikana,
Paradoxe qui ne manque pas de piquant, il paraît qu’il serait devenu pasteur et qu’il baptise à tour de bras! Parmi ses ouailles? des orphelins de 1972, j’en suis certain! Comme quoi…Para ailleurs, ne dit-on pas que quand le diable devient vieux, il se fait ermite?