Ce jeudi 30 Août 2012 devait se tenir un sommet d’une journée organisé par le Discovery Invest Leadership dans le quartier huppé de Johannesburg appelé Sandton. Et le thème de la rencontre était le leadership considéré comme inséparable de la moralité. Des personnalités du monde versées dans ces questions tel l’ex Vice-Président Américain Al Gore ou l’ex premier ministre Britannique Tony Blair devaient y prendre la parole. Le Prix Nobel de la Paix, Desmond Tutu aussi était invité. A la surprise générale, il a annulé sa participation de peur de s’asseoir aux côtés d’un Tony Blair qui a cautionné l’invasion de l’Irak sous de fallacieux arguments avancés par l’administration américaine au Conseil de Sécurité des Nations Unies.
L’intransigeance de l’archevêque Tutu consistant à refuser toute concession morale face à une option politique basée sur le mensonge, la manipulation et l’esprit du lucre machiavélique est une interpellation retentissante à la conscience de l’humanité entière. Aujourd’hui, au nom de la raison d’état, de l’argent ou de groupes d’intérêts ; des guerres sont menées et des crimes perpétrés. Et le tout couvert d’une feuille de vigne appelée, selon les cieux et les circonstances, « une cause juste », « la défense de la démocratie », « la défense du monde libre », « la guerre antiterroriste », « le combat de forces négatives », « la sécurité de l’état », « l’ordre public ». Etc.
Par son geste, Desmond Tutu rappelle que les premiers à devoir montrer un exemple d’intégrité et d’honnêteté sont les leaders des nations et des communautés humaines. Si ces femmes et ces hommes se gaussent de belles paroles et de beaux principes qui ne sont appliqués qu’au bénéfice de certains et en des circonstances précises, les valeurs universelles de respect de l’humanité défendues par les Nations Unies depuis la fin de la deuxième guerre mondiale sont en péril. Et le risque d’un troisième cataclysme mondial resurgit d’autant que les générations qui gouvernent aujourd’hui n’ont pas vécu 39-45 pour s’en prémunir à tout prix.
Par son geste, le lauréat du prix Nobel de la Paix enseigne au monde des valeurs que nous partageons avec sa culture : {Ubuntu}. On ne peut prétendre être un humain dans toute sa quintessence si on n’est pas guidé par la vérité : {« Ukuri guca mu ziko ntigusha »} (la vérité peut passer par l’épreuve du feu, mais elle ne se consume point). Il n’est pas vrai que la raison d’état peut tout justifier ; il n’est pas normal qu’il y ait des humains qui ont droit à la vie, à l’éducation, à la santé et d’autres pas ; il n’est pas admissible de manipuler le public pour l’utiliser à des fins inavouables. C’est tout cela que le prélat Sud Africain a voulu mettre en exergue.
En refusant de participer aux assises de Sandton, plus que jamais Desmond Tutu a marqué de sa présence et de sa magnifique stature le débat sur le leadership et la moralité.