La fin de la campagne nationale Inkebuzo en apothéose à Bujumbura a été gâchée par un message audio d’une administrative à la base à Nyakabiga appelant toutes les femmes et jeunes filles à paver de leurs tissus-pagnes le chemin que chef de l’Exécutif allait emprunter, au niveau du pont de la République. Un appel aux allures contraignantes.
Jusque-là son message passait plus ou moins, mais là où son appel clochait et interrogeait, ce sont les menaces à peine voilées de cette autorité aux récalcitrantes, celles qui n’allaient pas se munir de leurs tissus-pagnes et les étaler à même le sol en guise de tapis rouge pour le chef de l’Etat.
« Que celles qui ne vont pas s’exécuter sachent qu’elles n’auront pas du sucre dans les différentes boutiques de cette zone », a tenu à préciser cette administrative à la base dans son message.
Tout était bien préparé pour l’accueil du chef de l’Etat en triomphateur après sa campagne à travers tout le pays, mais il y a eu ce bémol : cet appel indiscret à la mobilisation.
Cette autorité ne s’en est pas arrêtée là. Elle a tenu à préciser qu’il ne faut pas y voir dans son message, une certaine coloration politique. Mais il y a eu cette histoire de sucre, un pavé dans la marre.
Cette zone était pourtant réputée réglo et citée en exemple pour la vente de ce produit devenu rare alimentant par voie de conséquence des spéculations ailleurs dans d’autres quartiers.
L’enjeu était de taille, il fallait une mobilisation générale de la population pour un accueil avec enthousiasme du chef de l’Etat après sa campagne nationale ponctuée notamment par cette « découverte d’une mine de cassitérite et de coltan à Murehe » en commune Busoni au nord du Burundi.
Selon des sources dignes de foi, des listes ont été confectionnées et distribuées pour cocher devant les noms de celles qui ont répondu à l’appel de cette autorité à la base.
Sauf que ce geste est d’habitude spontané, naturel, dicté par une loyauté, une dévotion, un amour inconditionnel à son leader. Dans le registre religieux, biblique, un tel accueil a été réservé à Jésus avec son entrée triomphale à Jérusalem.
« La foule nombreuse étendit ses manteaux sur le chemin, d’autres coupaient des branches aux arbres et les étendaient sur le chemin. Les foules qui le précédaient et qui le suivaient criaient en disant : Hosanna au Fils de David, Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des Cieux ! » Évangile selon Saint Mathieu au chapitre 21, verset 8 et 9.
Au Burundi, feu président Pierre Nkurunziza a eu droit à de tels honneurs, de même que le président Melchior Ndadaye, héro de la démocratie, c’est d’ailleurs lui qui probablement a inauguré ou suscité ce genre d’enthousiasme populaire.
Au sortir du maquis, une délégation conduite par l’actuel Chef de l’Etat, le Général Major Evariste Ndayishimiye, escortée par des militaires sud-africains en mission de maintien de la paix au Burundi, depuis le QG de Makamba, a été accueillie à Rumonge par une foule en liesse.
C’était au début du mois de décembre 2003, plusieurs dames n’ont pas hésité à étendre sur la route macadamisée leurs tissus-pagnes, sous un tonnerre de cris de joie, de chansons improvisées et de hourras de la foule. J’étais là.
Du côté d’une autre délégation du mouvement FDD conduite par feu Pierre Nkurunziza et Hussein Radjabu qui est passée par Gitega, c’était la même ferveur populaire : des tissus-pagnes étaient étalés sur le chemin au moment où une foule massée tout au long des routes brandissait des branchages.
Il y a une grande différence entre un tapis et un pagne. Les pagnes utilisés comme tapis peuvent être glissants pour le marcheur. J’espère que le responsable du protocole à la présidence a pensé à cette éventualité. Par ailleurs, le président a l’habitude de marcher dans les champs et dans la boue lors des travaux communautaires.
Et puis… Qui va laver ces pagnes par après? N’importe quoi!
C’est sur que ces braves dames qui etalent leurs pagnes en signe de culte de personnalite ne vont pas cesser de se plaindre que la vie devient chere a Bujumbura et que le service du transport est perturbe a cause du manque de carburant.
« Le culte de la personnalité est l’adulation d’un chef d’État généralement encore en vie. Ce culte étant exploité à des fins de propagande, il caractérise un grand nombre de dictatures. La glorification du « chef », élevé au rang de « leader charismatique », s’apparente à la vénération des saints et au culte du héros.
Fabriqué et entretenu par diverses techniques d’endoctrinement, le culte de la personnalité nécessite une médiatisation permanente. L’adhésion populaire qu’il est supposé rencontrer s’exprime au moyen de manifestations et de rassemblements présentés comme « spontanés », eux-mêmes ayant pour fonction d’alimenter la propagande officielle… »
https://fr.wikipedia.org/wiki/Culte_de_la_personnalit%C3%A9
Je ne savais pas que l’Etat Burundais (par le biais de ses administratifs) distribue gratuitement du sucre a la population.
Ça me fait rire. On en achète bien sûr. Croyez- vous que c’est gratuit ?