Les enseignants nommés dans les Ceci ont du mal à être réintégrés dans leurs fonctions. Ceux des autres ministères l’ont été sans encombre. Pour le ministère de la Fonction publique, la balle se trouve dans le camp du ministère de l’Education.
Dans la perspective du référendum, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) transmet le 15 février au ministre de la Fonction publique une liste des fonctionnaires qu’il a nommés membres des commissions électorales communales indépendantes. Pierre-Claver Ndayicariye l’informe de leur détachement pour une période de 5 mois.
Ils sont plus de 140 dont plus de 137 sous la tutelle du ministère de l’Education, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. D’autres proviennent du ministère de la Santé publique, du ministère du Commerce, de celui de la Communication, de la mairie de Bujumbura, etc.
Le président de la Ceni invoque l’article 38 du Code électoral : « […] Au niveau de la province, de la commune et de la colline/ quartier, la Commission électorale nationale indépendante est assistée par des Commissions provinciales et communales dont les membres sont nommés par la Commission du niveau directement supérieur […].»
En outre, il parle du décret de 2012 sur l’organisation et le fonctionnement de la Ceni en son article 15 : «Le personnel nommé sur décision de la commission est placé en position de détachement lorsqu’ils proviennent de la Fonction publique ou de tout autre secteur public régi par un statut spécial.»
Après le référendum du 17 mai, le président de la Ceni écrit de nouveau au ministre de la Fonction publique le 28 mai. Il l’avertit de la fin du détachement en vue de leur réintégration. «Ces fonctionnaires ont été nommés pour une période de 5 mois pour appuyer les élections du référendum et leur mandat prend fin le 15 juin». Le président de la Ceni tient à mettre en annexe la liste des fonctionnaires concernés.
Du deux poids deux mesures…
Tous les autres fonctionnaires regagnent leurs fonctions sans encombre. A leur surprise, les enseignants se voient refuser leur droit de réintégrer automatiquement le travail. Ils sont renvoyés au mois de septembre, au début de l’année scolaire 2018-2019.
Cependant, aucun cadre au ministère n’accepte d’en parler ouvertement ni d’assumer cette décision. La question gêne. La direction des ressources humaines et les directions provinciales de l’enseignement (DPE) renvoient l’une aux autres ces enseignants. «Les directeurs provinciaux de l’enseignement (DPE) exigent de nous une lettre du ministre. Celui-ci nous renvoie à son tour aux directeurs. Nous ne savons pas comment nous y prendre».
D’après une source sous couvert d’anonymat au ministère de l’Education, ces enseignants ont été remplacés pendant les 5 mois de leur détachement. «Nous avons une particularité, après leur départ à la Ceni, des élèves ne pouvaient pas rester sans enseignants. Nous avons recruté des vacataires».
Et de dire que le temps n’est pas opportun à la réintégration : «c’est la période des examens. Peuvent-ils évaluer des élèves qu’ils n’ont pas enseignés ?». Après les examens suivra la période des vacances d’été : «Celle-ci est chômée et la réintégration n’est pas envisageable d’autant plus qu’ils ne pourront pas alors directement travailler».
La Fonction publique s’en lave les mains
Jean Pierre Gahimbare, porte-parole du ministère de la Fonction publique, indique que son ministère n’est pour rien dans le retard de réintégration de ces enseignants. «La balle se trouve dans le camp du ministère de l’Education. C’est le ministre de tutelle qui doit notifier à son collègue de la fin du détachement».
Et de souligner que le fonctionnaire doit scrupuleusement écrire au préalable à son ministre endéans deux mois. «Nous considérons la date à laquelle il a demandé sa réintégration. Le fonctionnaire portera plainte sur base de cette dernière si l’employeur traîne les pieds».
M. Gahimbare conseille aux enseignants concernés de demander individuellement leur réintégration : «Dans sa lettre, la Ceni a informé le ministre que le détachement prend fin le 15 juin. Cependant, il revient à chacun de demander la réintégration individuellement. C’est cela la procédure».
«La Ceni a écrit une lettre collective »
Les enseignants ne l’entendent pas de cette oreille. Ils s’étonnent que cette procédure soit exigée à eux seuls. «Les fonctionnaires des autres ministères n’ont pas écrit chacun une lettre en plus de celle du président de la Ceni», s’indigne un enseignant qui a requis l’anonymat.
Cet éducateur au secondaire se demande pourquoi leur ministère leur réserve un traitement différent de celui des autres : «Pourtant, nous sommes tous régis par le même statut. En plus, nous avons été appelés pour une même mission».
Un autre abondant dans le même sens s’interroge si les enseignants sont victimes de leur dévouement au président de la République. «Nous avons été nommés sur base d’un décret présidentiel. Celui-ci précise que nous devions être en position de détachement. Et la loi est claire quant à la réintégration. Elle est automatique». Il demande au ministère de l’Education de les rétablir dans leurs droits. «Sinon, qu’il nous montre formellement de quoi nous sommes accusés».
Laconiquement, le porte-parole du ministère de l’Education, Juma Edouard, tranquillise : «La ministre peut signer leur lettre à tout moment. »