Samedi 23 novembre 2024

Politique

Des plats au plan

29/10/2018 Commentaires fermés sur Des plats au plan
Des plats au plan
Les trois personnes qui se disent exécutantes du complot d’assassinat de hautes personnalités du pays.

Le président du groupe parlementaire de la coalition Amizero y’Abarundi, Pierre Célestin Ndikumana, a été accusé par son ancien cuisinier de tentative d’élimination du président Nkurunziza et de plusieurs autres dignitaires.

Un cuisinier, un député, un coup d’Etat. Un film ? Un roman ? L’histoire ferait sourire, tellement elle semble irréelle. Mais elle ne fait pas rire du tout l’intéressé. Un député de la coalition Amizero y’Abarundi.

Pierre Célestin Ndikumana ne trouve pas l’histoire drôle : il est accusé de planifier l’assassinat de hautes personnalités du pays dont le président. L’accusateur, son ancien cuisinier.

Le 18 octobre, le ministère de la Sécurité invite les médias pour une communication au Service national de renseignement.

Là, trois jeunes hommes menottés sont présentés aux journalistes. Un des trois, un ancien domestique du député Pierre Célestin Ndikumana annonce que son ex-patron lui aurait donné la mission d’éliminer ses nouveaux employeurs. Le jeune homme est au service des députés du Cndd-Fdd, le couple Hilaire Ntahomvukiye et Justine Niyongabo.

Pierre Nkurikiye, le porte-parole brandit alors un papier. Selon lui, il est écrit de la main du domestique sous la dictée du commanditaire. Le papier détaille un vaste plan d’élimination de hauts dignitaires du pays : Le président Pierre Nkurunziza, les deux vice-présidents de la République, le président de l’Assemblée nationale, Pascal Nyabenda lui-même, Pierre Nkurikiye, tout cela avec l’aide du Cnared.

Le « plan » d’élimination de toutes ces personnalités laisse perplexe.
L’ancien cuisinier dit avoir rencontré par hasard le député Pierre Célestin en cours de route. « Il venait rendre visite à un proche lorsque nous nous sommes rencontrés à l’endroit appelé Kugakende ».

Cette rencontre fortuite va pourtant déboucher sur une proposition de tentative d’assassinat. « Il m’a proposé du poison à mettre dans la nourriture, j’ai refusé de tuer les enfants. C’est alors qu’il m’a demandé si je sais utiliser une arme, j’ai dit non. »

Mais dix minutes après cette déclaration, le domestique lance une autre version de l’histoire. Il dit avoir téléphoné le député, se plaignant d’être au chômage. « Le député a décidé de venir me voir là où je travaille… » Cette fois, il s’agit d’un vrai rendez-vous.

L’ancien cuisinier donne donc deux versions relatant sa rencontre avec le commanditaire. Une fortuite et une autre sur rendez-vous. Difficile de s’y retrouver.

Le député d’Amizero y’Abarundi réfute ces allégations et évoque un montage politique grossier. « M’attribuer une tentative de coup d’Etat que j’aurais orchestrée à l’aide d’un simple domestique de maison est une insulte à mon intelligence».

Ce qu’il craint, c’est un enchaînement rapide avec une levée de son immunité, puis son arrestation et emprisonnement. « Ils veulent faire taire une des rares voix dissonantes qui critique ouvertement le pouvoir dans différentes émissions des médias du pays.»

Nombreuses zones d’ombre

Le député Pierre Célestin Ndikumana dénonce un montage grotesque.

A part le témoignage de l’ancien cuisinier, la police dispose de très peu de preuve matérielle qui implique le député Pierre Célestin Ndikumana dans ce vaste plan d’assassinat. Aucune trace de ce poison évoquée par le domestique, aucune arme trouvée ou découverte au lieu du crime, le domicile de la famille visée.  Or, en matière pénale, une affaire criminelle ne peut pas reposer sur les seules déclarations d’une partie.

Le porte-parole du ministère de la Sécurité a montré comme « preuve » un écrit peaufiné selon Pierre Nkurikiye, à bord du véhicule de l’opposant.

Problème : le papier a été écrit par le domestique et non le député.
Pour beaucoup d’observateurs, il est très difficile de comprendre comment un simple député, avec l’aide de son ancien cuisinier, peut assassiner le chef d’Etat et les autres autorités étatiques. Bref, faire un véritable coup d’Etat.

De son ancien cuisinier, sûr que le député aurait préféré un meilleur plat que ce plan. La recette du cuisinier ne fait pas rire le député.

Analyse/ L’opposition scandalisée

Malgré toutes ces zones d’ombre, le ministère de la Sécurité lui semble avoir pris au sérieux les allégations des trois domestiques et a enclenché des enquêtes poussées. Une levée de l’immunité du député serait même envisagée. La machine judiciaire, bien huilée, serait prête à se mettre en branle pour faire la lumière sur cette affaire. L’opposition crie au scandale et parle d’un montage politique à la veille des élections de 2020 destiné à fragiliser la seule grande formation politique qui résiste sur terrain. « Le bras droit d’Agathon Rwasa est visé et il est difficile de ne pas penser que le pouvoir veut déstabiliser le leader de l’opposition interne, sa bête noire. » Cette affaire éclate au moment où la formation politique du député a constitué un dossier demandant l’agrément du parti politique nommé FNL Amizero y’Abarundi, il y a plus d’un mois.

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