Dimanche 22 décembre 2024

Editorial

Des pierres tombées du ciel…

28/06/2024 3

Après l’attaque par jets de pierres du siège du Journal Iwacu, dans la nuit de lundi à mardi 25 juin, des conseils pour porter plainte contre X nous ont été prodigués. Iwacu l’a fait, mais disons-le sans se faire beaucoup d’illusions. C’est en effet une deuxième plainte après celle déposée à la suite de la disparition de notre confrère Jean Bigirimana, le 22 juillet 2016. Elle n’a rien donné.

Abbas Mbazumutima

Et encore une fois, à l’instar de cette période de triste mémoire, les trolls, les vieux démons et les politiciens en perte de vitesse, les zélotes en mal de visibilité, rivalisant de dards, se sont réveillés. Sur les réseaux sociaux, ils se sont mis à vilipender Iwacu.

Visiblement, l’objectif est de faire peur, de traumatiser, de décourager, de lyncher en quelque sorte de prolonger la « lapidation » d’un organe qui tente depuis 16 ans de faire simplement du bon journalisme.

Heureusement, qu’il y a de nombreux messages d’encouragement, des voix réconfortantes, qui nous disent : « Tenez bon, nous sommes de tout cœur avec vous, votre lutte pour une presse libre au Burundi est une mission noble. Vous êtes, avec quelques journalistes dignes, les seuls à vous battre pour que l’espace public ne s’amenuise pas comme peau de chagrin ».

Au nom d’Iwacu et de tous les confrères soucieux de porter haut les couleurs de notre métier et de ce qu’il représente dans un État de droit, je tiens ici à les remercier, du fond du cœur.

Et je comprends le silence des autres confrères, y compris celui de “notre“ Maison de la Presse, organe fédérateur, il n’y a pas encore de leur part un mot pour dire courage, encore moins une note d’indignation ni de consolation.

Peut-être est-ce la peur ? L’indifférence ? Ou les deux ? Mais je ne leur en veux pas. La famille reste la famille, ils nous aiment, j’en suis sûr. Parfois, l’amour est timide.

Et des questions…

Pourquoi est-ce que le Conseil national de la Communication, dont la mission principale est de « garantir l’indépendance, notamment en matière d’information, des médias publics et privés », se mure dans un silence assourdissant au moment où il faut élever la voix, ne fût-ce que pour s’indigner suite à un tel incident qui s’ajoute à d’autres ?

Pourtant, cet organe de régulation des médias se dit engagé à « accompagner tous les acteurs, législateurs et praticiens, dans la construction d’un édifice chargé avant tout de produire chaque jour davantage d’espace pour la liberté d’expression », avec comme slogan bien visible sur son site web : « Ensemble pour une presse libre, professionnelle et responsable ». Ce n’est pas loin du mot d’ordre du chef de l’État : « Jamais sans les médias », salué par toute la presse burundaise.

Et des questions et encore des questions : qui sont les vrais commanditaires de l’attaque contre le siège du Journal Iwacu par des jets de pierres ? À qui profite ce crime, cette tentative d’intimidation ? N’a-t-elle pas réussi ?

Pourquoi est-ce que les vigiles assurant la garde d’une propriété se trouvant à proximité de Journal Iwacu, avec un mur mitoyen, n’ont pas voulu coopérer avec le chef de quartier accompagné pourtant par une dizaine de policiers, voire plus, en patrouille ?

Pourquoi, après ce constat, la police n’a-t-elle pas eu le réflexe de laisser quelques éléments sur place pour attendre le lever du jour, comme le veut la loi, afin de comprendre les raisons du refus de ces vigiles d’ouvrir le portail alors que les pierres lancées semblaient provenir de cette propriété au vu de la distance et de la trajectoire des projectiles ?

Bref, une enquête a priori facile. Mais au Burundi, rien n’est jamais facile. Peut-être qu’on nous dira que personne ne sait d’où sont tombées les pierres. Du ciel ? Qui sait… “Amatohoza aracabandanya” (Les enquêtes continuent), une formule consacrée au Burundi.

Abbas Mbazumutima

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. Michlin Mugnz

    « Les visites des lieux et les perquisitions ne peuvent avoir lieu avant six heures et après dix-huit heures.
    Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas en cas de flagrance ou de menace grave à l’intégrité physique des personnes et du terrorisme » art.126 du Code de procédure pénale.

  2. Eddy Boris ITANGITEKA

    Cet article me rappelle deux choses : la première est que » un bon journaliste est un journaliste vivant comme il le dit tjrs.La deuxième est qu’il faut tjrs comprendre le « silence » et la « peur »des autres dans tous que nous faisons.

  3. Turavukana

    *Amatohoza aracabandanya*. Jusqu’à l’infini? Espérons qu’un jour viendra où toutes les enquêtes encaissées produiront la vérité.

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