Il ne s’agit pas d’un simple jeu de mots. Loin de là. C’est une petite analyse de la philosophie des propos de certains de nos chers dirigeants, en particulier ceux qui font l’actualité de ces deux dernières semaines : le ministre de la Justice et Garde des Sceaux et celui des Relations Extérieures et de la Coopération Internationale.
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Les opinions exprimées dans la rubrique "Tribune libre d’Iwacu" n’engagent pas la Rédaction.
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Que l’histoire a bon dos !
« Ce qui se passe aujourd’hui n’est rien d’autre que le fruit de l’histoire du Burundi ». On croit rêver quand de tels propos sortent de la bouche d’une si haute autorité comme le ministre des Relations Extérieures. Et, s’il vous plaît, devant un parterre des diplomates et autres représentants d’institutions internationales accrédités au Burundi. Ceux-là même qui sont les mieux informés que quiconque sur les moindres détails de ce qui se passe chez nous.
Bref, pour M. Laurent Kavakure, les assassinats, les tueries perpétrées par les agents de l’Etat, le grand banditisme, la corruption au grand jour, les malversations de tous genres, les emprisonnements arbitraires, les innombrables violations des droits de l’homme, et j’en passe et des pires, tout cela, c’est juste…l’histoire. Ah, l’on comprend donc mieux pourquoi dans notre très démocratique patrie – comme dirait l’autre –, personne ne semble répondre de rien, sauf de pauvres boucs émissaires. Ah, peut-être serait-on à la recherche de madame…heu…Histoire… pour qu’elle réponde de tous ces méfaits !
Il est de notoriété publique que les Burundais, à commencer par les autorités au plus haut niveau, ont toujours fait fi de la responsabilité individuelle. Mais delà à justifier l’injustifiable par la simple histoire, il y vraiment un pas à franchir. C’est à la fois trop simple et trop gros à avaler.
Des mots en maux, disais-je… Par des déclarations de ce type, les auteurs des divers crimes ne peuvent que se sentir encouragés, puisque…l’histoire en répondra à leur place. Si c’était pour amener les partenaires bilatéraux et multilatéraux à regarder le pays sous un nouvel angle d’un Etat de droit, de démocratie et de paix et à lui accorder à nouveau leur confiance et leur aide, eh bien, il n’y avait pas meilleur moyen de rater son coche.
Peut-être s’agit-il d’une maladresse…Pour un homme présenté lors de la prise de fonctions dans les colonnes du journal Iwacu comme un diplomate professionnel et plutôt droit, bien apprécié par ses divers interlocuteurs, accordons au ministre le bénéfice du doute.
« Je n’ai jamais dit… »
Pour un dédit, il n’y a sans doute pas plus champion que le ministre de la Justice. M. Pascal Barandagiye a déclaré « n’avoir jamais dit qu’il n’y a pas de corruption au sein de mon ministère… ». Dans ce cas, il n’a qu’à changer de porte-parole. A la suite de la plainte du ministre contre le courageux Faustin Ndikumana de PARCEM, Marcel Nshimirimana n’a-t-il pas rameuté toute la presse locale et internationale pour crier sur les toits du monde : « Je jure, je le répète et je l’assume, il n’y a pas de corruption dans notre ministère. Que celui qui dispose de preuves de cette corruption les montre… ».
L’on peut aisément imaginer les conséquences de ces railleries sur le justiciable, avec les juges et autres magistrats qui ne cessent de rançonner les pauvres gens qui font recours aux cours et tribunaux, qui n’ont sans doute pas raté l’occasion de ricaner et de chambrer ceux qui se plaignent de leurs actes ignominieux.
Tiens, un passage dans le speech du ministre qui semble être passé inaperçu : « Je n’ai jamais dit que ce que disent Gabriel Rufyiri, Pierre Claver Mbonimpa et euh, l’autre, l’autre là qui est à Mpimba, était faux… ». On comprend bien sa peine de prononcer le nom de celui qui, depuis deux semaines, hante ses nuits. Mais qu’il aurait oublié son nom ! Que nenni, car Faustin Ndikumana, tous les Burundais épris de justice et la communauté internationale n’avaient de cesse de lancer des appels pour sa libération. En fait, l’activiste est tellement devenu son cauchemar que le nommer en devient une véritable torture.
Mais, comme on dit, vaut mieux tard que jamais. Deux hauts faits dans une même journée de mardi : le dédit et, bien sûr, la libération de … Faustin Ndikumana… sous caution. Une libération conditionnelle qui, naturellement, ne vient pas pour autant honorer le ministre. Les regards restent toujours tournés vers celui-ci. Maintenant qu’il reconnaît le comportement mafieux de ses ouailles, l’on attend beaucoup de sa part : retrait de sa plainte contre le président de PARCEM, présentation d’excuses publiques – je rêve debout – pour abus de pouvoir et, mieux encore, démission de ses fonctions – je rêve encore debout, mais comme c’est permis…
Des mots en maux, disais-je…Qu’est-ce que les corrompus de tout poil ont dû se sentir fiers de leurs forfaitures ! Plus forts et plus honorés que jamais ! Qu’est-ce que le pauvre justiciable a dû déchanter, lui qui croyait que les choses ne pouvaient être pires qu’avant !
Vaut mieux tard que jamais, avais-je dit. Dans cette bataille contre la corruption, admettons tout de même que c’est une bonne nouvelle que d’apprendre que des magistrats nouvellement nommés l’ont été au regard de leur probité et de leurs capacités à mettre l’intérêt général et du justiciable avant toute autre considération. On leur souhaite bon vent, mais que cela ne soit qu’un jalon pour rassurer davantage le citoyen lambda.