Cinq militaires et policiers burundais ont été tués en RDC par des hommes en armes, le 4 octobre 2012. La PNB nie sa présence sur le sol congolais. Le porte-parole de la FDN parle d’une opération de routine inscrite dans la cadre de la CPGL.
<doc5553|left>Localité de Mutarule du groupement de Ruberizi, dans la plaine de Rusizi, à 70 kilomètres du chef-lieu d’Uvira (région du Sud-Kivu). N.H., un habitant rencontré sur place confie : « Six militaires et policiers ont été tués dans une embuscade tendue par des rebelles jeudi 4 octobre 2012. »
Il assure que tout a commencé vers 10 heures lorsque deux camionnettes, l’une de l’armée burundaise, l’autre de couleur blanche, apparemment du Service National des Renseignements (SNR) ont, ce jour-là, franchi la frontière en passant par Gatumba : « 21 personnes, certaines en tenues civiles, d’autres militaires étaient à bord de ces véhicules. Nous avons même reconnu un certain Kazungu du SNR.»
Dès leur arrivée, poursuit notre source, ces Burundais se sont directement dirigés chez Rugayi, un colonel des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et commandant du 4ème secteur. « Ils lui ont demandé l’autorisation d’effectuer une patrouille pour traquer les rebelles du FNL qui avaient attaqué certaines localités du Burundi », indique-t-il.
Après cet échange indique une autre source, le colonel Rugayi aurait accepté mais les aurait renvoyés chez le capitaine Kahombe alias foudre, commandant de la compagnie de Mutalure. Les militaires et policiers burundais, accompagnés par des militaires congolais, ont tenu une petite réunion à l’intention de la population avec le capitaine Kahombe, vers 11 heures. « Ils ont demandé à la population de se désolidariser avec les rebelles», affirme G.A. de Mutalure.
L’embuscade
D’après ce quadragénaire, ils ont alors décidé d’aller dans les montagnes surplombant la plaine habitée par des Barundi où sont signalés ces combattants. « Certains rebelles participaient à cette réunion et ont directement alerté leurs compagnons d’armes», précise G.A.
Entre 12 et 13 heures, racontent des habitants de Mutalure, ces militaires et policiers burundais se dirigent vers les moyens plateaux à la traque des FNL qui sévissent dans cette localité. « Ils ont sollicité un renfort des FARDC», explique un autre habitant de Mutalure.
Arrivés sur la rivière Ruberizi, vers 16 heures, poursuit la population de Tengetenge, ils tombent dans une embuscade de rebelles qui étaient bien informés de cette patrouille. « Des tirs nourris à l’arme lourde ont retenti et les Burundais ont battu en retraite », se souvient un habitant de Tengetenge.
Certains Congolais affirment avoir vu six cadavres, transportés par deux camionnettes de plaque d’immatriculation burundaise : « Les deux chauffeurs portaient les tenues de la police burundaise. » Parmi les morts, figure le major Jean Jacques Ihorihoze de l’armée burundaise, qui travaillait au service de renseignements extérieurs dans la 1ère région militaire. Et d’ajouter que son cadavre n’a pas été retrouvé.
Ces habitants parlent aussi d’un autre officier burundais tué qu’ils n’ont pas identifié : « Nous avons trouvé sur lui un pistolet et une kalachnikov que nous avons immédiatement remis à la police congolaise. A son tour, celle-ci a donné ces armes aux militaires burundais », témoigne K.U. de Tengetenge. La population a également identifié les cadavres d’un major et d’un adjudant-chef des FARDC.
Perte d’armes lourdes
Selon cette même population, d’autres cadavres gisent toujours dans la forêt. Pour H.M., un habitant de Ruberizi, les rebelles ont saisi quatre mitrailleuses des Burundais, une des FARDC et un lance-roquette. Aucune perte du côté des assaillants n’a été signalée par la population.
Lundi 8 octobre, signalent les habitants de Ruberizi, trois camionnettes venues du Burundi sont revenues en RDC. La population affirme avoir reconnu Kazungu, contrairement à ceux qui disaient qu’il a été tué en RDC. Selon ces habitants, le colonel André alias Kotazo, commandant du 111ème régiment (Luvungi, Ruberizi et Sange) les a accompagnés dans les localités où se sont déroulés les combats. « C’était pour retrouver d’autres cadavres qui se seraient éparpillés le long de la rivière Ruberizi», pensent ces habitants, qui, visiblement vivent la peur au ventre.
Ce mercredi, des rumeurs faisaient état d’une nouvelle infiltration des hommes en armes venus du Burundi. Mais jusque vers 13 heures, Iwacu n’a pas remarqué cette présence des militaires burundais au Congo.
Certains chefs de regroupement affirment que l’opération du 4 octobre 2012 n’était connue que par l’armée burundaise et les FARDC : « La police congolaise et l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) de la RDC n’étaient pas au courant. »
Forte tension sur les deux rives de la Rusizi
Cette insécurité dans la plaine de la Rusizi préoccupe énormément la communauté burundaise de Ruberizi. D’après un administratif proche du roi des Barundi, les incessantes incursions des militaires et policiers burundais pourraient avoir des conséquences sur eux.
Selon cet octogénaire, d’autres communautés congolaises pourraient attribuer toutes ces attaques aux Barundi de l’Est de la RDC. « Nous risquons d’être taxés de fauteurs de troubles qui déstabilisent la plaine de la Rusizi. Des représailles peuvent raviver les tensions qui avaient déjà causé des déplacements vers le Burundi ces derniers jours », craint-il. Et dans l’après-midi de ce mercredi, le bureau du mwami et tous les documents ont été brûlés par des Maï-Maï en présence des militaires et policiers congolais.
Sur la rive gauche, du côté burundais, la population s’inquiète. Pour Pierre Ntahonkiriye du secteur Ruhagarika en commune Buganda, les Congolais pourraient franchir la frontière pour se venger. Ce père de huit enfants espère que les relations entre le Burundi et la RDC seront renforcées davantage pour faciliter les mouvements transfrontaliers.
Interrogé, Elie Bizindavyi, porte-parole de la police nationale burundaise, confie ne pas disposer de rapport faisant état d’une quelconque perte des agents de la police. Concernant la présence des policiers burundais sur le sol congolais, Elie Bizindavyi indique que la PNB est un corps conçu, organisé et formé pour maintenir et rétablir l’ordre à l’intérieur du Burundi conformément à la Constitution.
<doc5554|right>L’armée reconnaît un officier tué
Le colonel Gaspard Baratuza, porte-parole de l’armée burundaise, indique pour sa part, que seul un officier a été tué dans une embuscade tendue par un des groupes armés présents dans la région : « C’était un officier burundais de la première région militaire. Il se rendait au Congo dans une mission de renseignement. C’était dans un cadre légal tracé par la Communauté Economique des pays des Grands Lacs (CEPGL). »
Selon Baratuza, il s’agit d’un travail de routine car des militaires des trois pays de la CEPGL entrent dans tel ou tel autre pays pour des raisons de renseignements. Il souligne que les agents de transmission (AT) qui étaient avec l’officier sont rentrés sains et saufs. Quant aux auteurs de cette embuscade, le colonel indique que c’est l’un des groupes présents en RDC. Pour lui donc, aucun officier congolais n’ignore que ces missions ont eu lieu dans les trois pays.
Qui est le major Jean Jacques Ihorihoze ?
Il est né à Bwegera en RDC, dans la chefferie des Barundi en 1968. Il a fait l’école primaire à Bwegera et les études secondaires à l’Institut Itara de Luvungi, toujours au Congo. Jean Jacques Ihorihoze aurait aussi fréquenté l’université de Bukavu pendant trois ans. Il a suivi une formation militaire dans les rangs des FNL au Congo avant d’intégrer le Cndd-Fdd en 1997. Major Jean Jacques Ihorihoze laisse une veuve et trois enfants. Il habitait en commune urbaine de Kinama.