Ces vaches devaient provenir de l’Ouganda à destination de 11 provinces (Bubanza, Cibitoke, Kayanza, Muramvya, Bururi, Makamba, Mwaro, Bujumbura rural, Ngozi, Gitega et Karusi). La réception, les procès-verbaux et la qualité de la marchandise n’ont pas suivi les clauses du dossier d’appel d’offres. L’affaire est en justice.
Ne pas être fonctionnaire, ne pas avoir une vache, avoir une culture fourragère d’au moins 20 ares (40 mètres x 50 mètres) et avoir planté des fourrages sur les haies (autour de 400 mètres). Telles sont les conditions à remplir pour bénéficier d’une vache dans le cadre de l’Initiative des Pays Pauvres et très Endettés (IPPTE) 2011. Chaque province devait avoir 90 bovins. Le marché a été octroyé en août 2011 à un certain Kanani. Et les vaches ont été livrées en septembre de la même année.
Le secrétaire permanent au Ministère de l’Agriculture et de l’Elevage (Minagrie), Joseph Nduwimana, affirme que les critères de distribution de ces vaches étaient bien connus à l’avance, à travers des réunions que le ministère avait organisées à l’endroit des DPAE. La vétérinaire de la commune Rusaka, Joselyne Nkunzimana, assure que les vaches ne remplissaient pas les conditions requises. D’après elle, on leur a envoyé des veaux pesant entre 200 et 250 kg, alors qu’on devrait amener des vaches d’au moins 350 Kg. Elle faisait partie de l’équipe chargée de contrôler la santé et la régularité de ce cheptel.
Des exemples frappants : à Mwaro, le gouverneur, le Directeur Provincial de l’Agriculture et de l’Elevage, ainsi que 7 chefs de services de la DPAE se sont attribués en tout neuf vaches sur celles destinées à la population de cette province. Heureusement, sur injonction des autorités du Minagrie, ils les ont remises aux vrais bénéficiaires le 12 décembre 2011. Le directeur provincial de l’Agriculture et de l’Elevage a, par la suite, été limogé le 27 décembre 2011. Le DPAE à Mwaro, Gilbert Ntemako, a décidé de donner 10% de ce cheptel, soit 9 bovins, aux autorités pour « servir d’exemple » aux populations rurales. Sauf qu’ainsi il violait sciemment les critères arrêtés. A Gitega, seulement cinq vaches remplissaient les conditions, etc.
<doc6604|left>Frédéric Manirambona, directeur National de Contrôle de Passation des Marchés Publics reconnaît que les vaches livrées ne remplissaient pas les conditions requises. Mais, rassure-t-il, le fournisseur n’a pas encore été payé (près d’un milliard Fbu) : « Parce que le procès verbal n’a pas été validé par les organes habilités, en l’occurrence les ministères des Finances et de l’Agriculture et Elevage. Nous considérons qu’il n’y a pas encore eu réception du marché. » Le problème est survenu, indique-t-il, au niveau de la réception. « Dans certaines provinces (Cibitoke, Makamba, Karuzi, …), elle s’est déroulée en l’absence des représentants de notre direction », s’étonne le DNCMP. Ensuite, les procès verbaux (PV) devaient contenir des éléments clés : il s’agit de spécifier de quel marché s’agit-il, des membres de la commission de réception, de la situation administrative et financière du marché, de l’administration contractante, du fournisseur, de l’avance en argent pour le démarrage, des délais d’exécution,… Rien n’a été spécifié dans les PV que M. Kanani a présentés.
D’après Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de la Lutte contre la Corruption et les Malversations Economiques, ce marché n’est pas conforme à la loi : « Les vaches devaient être réceptionnées à la frontière rwando-burundaise. Mais le fournisseur du nom de Kanani s’est arrangé avec la Direction Nationale de Contrôle des marchés publics et le ministère de l’Agriculture et de l’Elevage pour les rassembler à Rukoko. » Il doute si réellement ces troupeaux ont été importés : « Seuls 5% réunissaient les conditions requises. »
M. Kanani affirme que ces bovins remplissaient les critères. La preuve, explique-t-il, le Minagrie a signé sur les fiches de réception de ces troupeaux. Et de préciser que les bovins réceptionnés à Rukoko appartenaient à la province de Bujumbura seulement. « M. Kanani n’a pas voulu que l’affaire soit traitée à l’amiable », fait savoir le directeur National de contrôle des marchés publics. Kanani a déjà porté plainte contre le gouvernement burundais, l’affaire est en justice.
|Les critères que devaient remplir les vaches fournies
– Génisses gestantes de race laitière (Frisonne ou Ayrshire), pures ou croisées, d’au moins ¾ de sang amélioré et une gestation d’environ cinq mois, issues d’une matrice Sahiwal, Ankolé ou Boran, pesant au moins 350 Kg
– Des jeunes taureaux de race Frisonne ou Ayrshire, purs ou croisés, Sahiwal, Ankolé ou Boran, ayant au moins 7/8 de sang exotique (étranger), âgés de 18 à 30 mois
– Indemnes de maladies infecto-contagieuses à déclaration obligatoire, de tares héréditaires ou congénitales, contre la théilériose
– Accompagné d’un certificat sanitaire délivré par le service compétent et habilité du gouvernement du pays d’origine|
