L’Office Burundais des Mines et des Carrières(OBM) a suspendu, fin septembre, les activités des coopératives de fabrique des briques. Motif : Rétablir l’ordre et la conformité dans le secteur. Les concernés ne savent pas à quel saint se vouer.
Lundi 19 novembre, 10h. Sur le site de fabrication des briques de Kiziguye, commune Bukeye de la province Muramvya, localité connue pour ses briques de qualité, il y règne un calme absolu. Plusieurs fours, des restes des briques non cuites détruites par les eaux des pluies, du bois de chauffage sont visibles dès l’entrée. Toutes les activités sont à l’arrêt. Pas d’agitation habituelle d’employés. Ce site comptait plus de 500 manœuvres.
Depuis cette suspension, un bon nombre sont au chômage. La lassitude, le désespoir, la peur, se lisent sur leurs visages. «Alors que nous vivions de la fabrication et de la vente des briques depuis notre jeune âge, il nous est aujourd’hui formellement interdit d’exercer notre métier», s’indigne un quadragénaire croisé sur les lieux. Aujourd’hui, ils peuvent passer la journée sans rien manger. «Nos familles sont en train de mourir de faim.» La fabrication des briques était le seul gagne-pain pour de nombreuses familles de cette localité. «Aujourd’hui, ils n’ont rien à faire. »
D’après lui, plus de 80 % des habitants vivaient grâce aux revenus tirés de la fabrication des briques. Ce qui ne les arrange pas pour trouver un autre emploi. En conséquence, certains ont commencé à voler des vivres dans les champs de leurs voisins. Ils n’ont pas d’autres choix. Personne n’a actuellement confiance envers eux. «Nous ne pouvons pas même demander un petit crédit aux commerçants pour nous procurer de la nourriture. Les commerçants nous disent que nous ne serons pas capables de le rembourser ».
Ce père de cinq enfants estime, par ailleurs, que cette décision est injuste. «Ma coopérative était en ordre.» Au total, elle exploitait cinq sites. Le permis d’exploitation de trois d’entre elles devrait prendre fin en février et les deux autres en avril prochains. «Exiger de nous de rechercher d’autres permis n’est pas fondé ».
Cette suspension lui a déjà coûté cher. Son manque à gagner s’élève à 2 millions BIF par semaine. Comme cette mesure est tombée par surprise, indique-t-il, les fortes précipitations ont détruit plus de 300 mille briques non cuites. Elles avaient une valeur de 6 millions de BIF. Il demande à l’OBM de lever cette suspension le plus vite possible.
Plusieurs documents sont requis
N.F., un des responsables de la coopérative «Dufyature turwanye nyakatsi », ne mâche pas ses mots : «Cette suspension vise à renflouer les caisses de l’Etat seulement. Cela s’explique par la multitude de documents exigés par l’OBM pour avoir le permis d’exploitation d’un site.» Il évoque notamment l’attestation de vacance du terrain, l’attestation d’impact environnemental (400 mille BIF), le registre du commerce (35 mille BIF), le certificat d’enregistrement à l’API (40 mille BIF), le numéro d’identification fiscale (10 mille BIF) et l’agrément de l’OBEM (700 mille BIF).
En plus, chaque coopérative doit payer 1 million de BIF à l’Office burundais des recettes, etc. Au total, un permis d’exploitation d’une superficie d’un hectare coûte 2 500 000 BIF alors qu’on payait 10 mille BIF auparavant. Un montant que les coopératives de fabrique des briques ne peuvent pas supporter compte tenu de leurs moyens financiers. Avec ce montant, souligne-t-il, on ne peut rien gagner.
Ce père de 7 enfants rejette, par ailleurs, les accusations de l’OBM. « Elles ne sont pas fondées. Les coopératives respectent scrupuleusement le régalement minier.» Il assure que sa coopérative était en ordre. Elle avait reçu l’autorisation d’agrément d’une année en août dernier. Il évalue son manque à gagner à 10 millions BIF.
Ce fabricant de briques dénonce, par ailleurs, la manière dont l’OBM exige des coopératives le terrain d’une superficie d’un hectare sur un même site. « Cela est impossible. Nous exploitons de petits lopins de terre achetés aux habitants. Et très peu d’entre eux ont une superficie d’un hectare ».
Cette décision a déjà entraîné la hausse des prix sur le marché des briques. «Le prix augmente de jour en jour», témoigne TK., un chef de chantier rencontré non loin du site de Kiziguye. « Une brique de 10 cm de large et 20 cm de longueur s’achète désormais à 35 BIF contre 20 BIF auparavant ».
Le monde des affaires n’a pas été épargné. TK., commerçant du matériel de construction au chef lieux de la commune Bukeye, témoigne que ses ventes ont été réduites à plus de 90 %. Avant cette décision, il écoulait facilement 700 sacs de ciments. Mais actuellement, il peut passer toute une semaine sans vendre même un sac. Les maçons et les aides maçons figurent parmi ceux qui sont touchés.
L’OBM tranquillise
Paul Ndarihonyoye, directeur des Opérations à l’Office Burundais des Mines et Carrières (OBM), se veut rassurant : «Les coopératives reprendront leurs activités dès qu’elles seront en ordre.»
M. Ndarihonyoye explique, par ailleurs, que la suspension des activités des coopératives de fabrique des briques émane du Conseil national de sécurité(CNS) et non de l’OBM. D’après lui, son office n’a exécuté que la décision du CNS.
Il indique par ailleurs que le CNS a voulu mettre de l’ordre et de la conformité dans le secteur. Le CNS a constaté une baisse significative des recettes provenant du secteur minier depuis le mois de février dernier. La plupart des coopératives ne respectaient pas le règlement minier en vigueur alors qu’elles en ont été informées depuis 2014. « Elles ne réhabilitaient pas leurs sites d’exploitation alors que ça fait partie de leurs engagements.» D’autres coopératives dépassaient délibérément la superficie des terrains pour lesquels elles ont reçu l’autorisation. Au maximum, chaque coopérative doit exploiter un hectare.
M. Ndarihonyoye précise que chaque coopérative doit avoir une autorisation valable délivrée par le ministère en charge des Carrières au niveau provincial et communal. Certaines coopératives reçoivent les autorisations mais n’informent pas l’administration locale pour le suivi. Elles doivent tenir un registre où l’on doit chaque fois écrire la quantité qui provient cette exploitation.
Le directeur des Opérations à l’OBM souligne que l’autorisation d’exploitation d’un site de fabrication des briques nécessite 12 documents. Notamment l’accord écrit de l’autorité publique lorsque le terrain appartient à l’Etat, l’accord écrit authentifié entre le propriétaire du sol et le demandeur lorsque le terrain appartient à une tierce personne. Autres documents exigés : une copie certifiée conforme à l’original des statuts de la société coopérative, le numéro d’identification fiscal, l’attestation de non redevabilité fiscale, les substances pour lesquelles le permis est demandé, la carte du périmètre demandé avec les coordonnées géographiques, une étude d’impact environnemental et le siège social de la coopérative, etc.