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Des doutes sur la nouvelle carte d’assistance médicale (CAM)

05/05/2013 Commentaires fermés sur Des doutes sur la nouvelle carte d’assistance médicale (CAM)

Quatre mois après le démarrage de la nouvelle carte d’assistance médicale CAM, le défenseur des droits des malades est sceptique quant à sa réussite. De son côté, le directeur du département chargé de l’offre et de la demande des soins au ministère de la Santé se veut rassurant.

<doc5337|left>Une nouvelle carte d’assistance médicale (CAM) a démarré depuis le mois de mai 2012. Elle remplace l’ancienne carte d’assurance maladie (CAM) instituée en 1984, qui n’était pas fonctionnelle depuis un certain temps. Elle permet l’accès aux soins des populations du secteur informel sans couverture médicale. Ainsi, les usagers ont droit aux prestations offertes au niveau des centres de santé et des hôpitaux publics. De plus, l’acquisition est volontaire et ouverte à tout Burundais âgé de 21 ans.

L’échec de l’ancienne carte d’assurance maladie (CAM) a été causé par les dettes de l’Etat envers les établissements hospitaliers. Avec la nouvelle, il n’y a même pas de garantie de payement puisqu’il n’y a pas de prévision budgétaire. « C’est une bonne politique sanitaire, mais mal préparée. Le ministère de la Santé publique s’est précipitée sans avoir tous les moyens nécessaires pour son démarrage », regrette Moise Ntiburuburyo, défenseur des droits des malades.

Pour la réussite de la nouvelle CAM, M Ntiburuburyo souligne qu’il était bien spécifié qu’elle devrait être bien financée : « Ce qui n’est malheureusement pas le cas. » Il précise que le démarrage de la nouvelle politique sanitaire a commencé avec un budget de plus d’un milliard de Fbu, alors qu’elle devrait débuter avec au moins 24 milliards de Fbu. Un problème qui n’en est pas un, pour Dr Rubeya, directeur du département chargé de l’offre et la demande des soins au ministère de la Santé publique et de la lutte contre le Sida. « Après une analyse des coûts, le budget sera augmenté chaque année. Nous avons démarré avec 2 milliards et jusqu’à présent, nous n’avons pas de problèmes liés aux moyens. »

Un faible taux d’adhésion

Pourtant, les résultats se font attendre. Le taux d’adhésion des ménages au niveau national n’excède pas les 4%. « C’est lié essentiellement à un manque d’information et de communication », explique le Dr Rubeya Claudel, tout en déplorant que les ménages ont tendance à acheter la CAM uniquement en cas de maladie. Ce qui met à mal le principe de solidarité et la pérennité de ce mécanisme d’assurance. Néanmoins, il assure que le ministère va remédier à cette situation dans les plus brefs délais en collectant des fonds pour organiser des campagnes de sensibilisation.

Même constat « navrant » pour le défenseur des droits des malades. Selon lui, il fallait d’abord commencer par sensibiliser avant de démarrer ensuite inciter la population à y adhérer.

En plus, les bailleurs avaient demandé la séparation des fonctions, mais c’est le ministère de la Santé qui s’occupe de la vente, de la gestion des fonds et de l’évaluation. « C’est un cumul de fonctions. L’inconvénient est que le ministère ne pourra jamais s’évaluer négativement », constate M Ntiburuburyo. Dr Rubeya Claudel explique que le ministère a évité de commettre les mêmes erreurs commises avec l’ancienne CAM. Auparavant, les fonds générés par la CAM étaient collectés par l’administration communale et n’étaient plus utilisés pour rembourser les prestations sanitaires, mais plutôt pour subvenir aux besoins des communes : « C’est pourquoi la gestion est désormais assurée par le ministère de la Santé. »

Embrouillement concernant le coût du paquet minimum

Les plaintes déjà enregistrées prouvent que la nouvelle CAM aura du mal à être acceptée par les bénéficiaires et par les établissements hospitaliers, d’après Moise Ntiburuburyo. Il cite l’exemple de l’hôpital Roi Khaled qui n’accepte pas de faire les examens médicaux pour les usagers de la nouvelle CAM : « Cela est dû en grande partie au fait qu’il existe une incohérence du coût du paquet minimum que couvre cette carte. » Pour un centre de santé, normalement, le coût d’une consultation est de 50F bu. Si le malade a besoin de calmants et qu’on lui donne du paracétamol, le coût des prestations, pour un patient qui n’utilise pas la carte d’assistance médicale, est estimé autour de 350 fbu. Paradoxalement, un usager de la CAM payera 800 Fbu pour les mêmes prestations.

Il indique, en outre, qu’un bénéficiaire gagnera plus s’il utilise la CAM en cas d’intervention chirurgicale. Toutefois, cet acte médical entraînera un manque à gagner pour cet hôpital : « De simples opérations coûtent normalement autour de 300 mille Fbu. Pourtant, l’Etat va payer 156000 Fbu et le patient 39000Fbu. » De ce fait, les hôpitaux auront tendance à reporter leurs programmes de chirurgies pour décourager les patients et ainsi les inciter à utiliser d’autres moyens de paiement.

Régression indéniable du mouvement des mutualités

Les retombées négatives ne vont pas tarder à se faire sentir, selon le défenseur des droits des malades, car « d’autres mutualités vont profiter de la mauvaise organisation de l’Etat pour faire de la publicité. » Il pense qu’elles combleront ce vide. Mais le problème est qu’elles offrent à leurs affilées une couverture médicale limitée.

Ce n’est pas l’avis d’Engelbert Dusabimana, secrétaire permanent de la Plateforme de Concertation des Acteurs des Mutuelles de santé au Burundi (PAMUSAB). Même s’il reconnaît que leur rôle non négligeable dans le système de santé du pays, s’il advenait que la nouvelle CAM soit un échec, cela fera régresser le mouvement des mutualités qui commençait timidement à émerger, il y a deux ans.

D’après lui, le paysan ne payera pas les 10 ou 15 milles Fbu par an, comme contribution demandée par ces mutuelles alors qu’il a à sa disposition une carte qui coûte moins cher à cause du très faible revenu des masses paysannes. De surcroît, leurs affiliés seront tentés d’user de la nouvelle CAM. Plus tard, ils se rendront compte qu’ils ne bénéficient même plus des soins auxquels ils avaient droit puisque les hôpitaux refuseront de les accueillir à cause des dettes de l’Etat. « Les malades seront tôt ou tard obligés de faire un payement direct pour les soins de santé », déplore-t-il.

Couverture de la mutuelle burundaise

La mutuelle de la Fonction publique couvre les fonctionnaires et les salariés du secteur public et parapublic, qui représentent 10% de la population burundaise. La mutualité burundaise regroupe, en outre, sept mutuelles privées dont cinq actives. Il s’agit de la MUSCABU (Mutuelle de santé des caféiculteurs du Burundi). 23100 ménages sont affiliés et elle se trouve sur tout le territoire national excepté Ruyigi et Cankuzo. Egalement, l’Appui au Développement Intégral et à la Solidarité sur les collines (ADISCO), la mutuelle de l’archidiocèse de Gitega (3676 ménages), celle du diocèse de Muyinga (1376 ménages). Enfin, l’ICODE assure une couverture sanitaire de 1366 ménages à Ngozi, Kirundi et une partie de Kayanza. Deux autres mutuelles sont en train d’être mises en place. Il s’agit de MEMISA Belgique, qui œuvre à Muramvya et Muyinga et celle de la FVS/Amade.

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