Désormais, les coques des drupes du palmier à huile ne sont plus inutiles. Un jeune homme de Bubanza les transforme en charbon pour la cuisson. Moins cher par rapport au charbon de bois, ce substitut est résistant et apprécié par les usagers. Reportage.
Zone Rubirizi, commune Mutimbuzi, province Bujumbura. C’est tout près de la Route nationale (RN9) Bujumbura-Bubanza qu’Eric Ndayikeza habite. Non loin de la grande plantation de palmier à huile de l’entreprise Savonor. Il est très attaché à cette plante : « Moi, je suis très lié au palmier à l’huile. C’est ma plante préférée depuis mon bas âge. » Il la surnomme la ‘‘vache laitière’’.
Natif de la zone Kayange en commune Musigati, Eric Ndayikeza n’a pas fait des longues études. Après la 10e année, juste quelques notions d’informatique de maintenance. Son grand rêve était de valoriser tous les produits du palmier à huile. Une question ne cessait de lui tarauder l’esprit dès la fin de son tronc commun : « Comment rendre utiles tous les résidus du palmier à huile ? »
Dès mon jeune âge, explique-t-il, j’étais gêné de voir certains résidus, comme les coques, jetés çà et là comme s’ils n’avaient aucune importance: « Comment cette matière aussi solide peut ne pas être utile ? » Pour s’en débarrasser, elles finissaient par les rivières. Curieux, le jeune homme a essayé, à plusieurs reprises, de les brûler, en vain.
Le test
Un jour, une idée lui est venu en tête. Nous sommes en 2014. Pour tester, il a décidé d’aller dans un atelier des forgerons à Gitura, commune Musigati. Dans son sac, quelques kilogrammes de ces déchets solides. Son but : expérimenter s’ils peuvent être utilisés à la place du charbon de bois dans un soufflet de forge. « J’ai été agréablement surpris. Même les forgerons n’ont pas compris. Nous avons réalisé que ces coques étaient plus efficaces, durables que le bois.»
Un déclic. Encouragé par les premiers résultats, cette fois-ci, il a fait des ajustements pour obtenir un produit amélioré. Le temps de songer aussi aux braseros pouvant fonctionner comme un soufflet de forge. Il a acheté une machine pour la carbonisation, une opération consistant en la transformation plus ou moins rapide d’une substance organique en carbone, sous l’effet de la chaleur. « Le charbon à base de coques du palmier à huile a ainsi été inventé».
Après ce charbon, son brasero
Eric Ndayikeza va procéder par tâtonnements. Il approche les ramasseurs des objets métalliques à Bujumbura. Là, il se procure des matériels tels les disques de frein de voiture et d’autres métaux. Pour avoir un brasero, de l’argile aussi et du ciment sont nécessaires. Malgré les avancées, il se pose une question : « Comment installer une sorte de soufflet de forge sur ce brasero ? Sans soufflet, son charbon s’éteint.»
Il a d’abord eu recours à un ventilateur d’un mixeur hors usage. Pour le faire tourner, il a branché les piles d’une radio. « Le résultat s’est avéré positif». Aujourd’hui, ses différents types de braseros utilisent des batteries d’une voiture ou des plaques solaires et du courant électrique. Pour ce dernier usage, l’intensité doit être inférieure ou égale à 12 Volts.
Le coût d’un braséro varie entre 15 mille BIF et 30 mille BIF. Les plus nantis peuvent également aménager des fours dans leurs cuisines. Le coût d’installation étant estimé entre 500 mille BIF et 800 mille BIF.
Un gain financier important
Avec l’utilisation de ce charbon à base des coques des palmiers à huile, Eric Ndayisenga ne doute pas que les forêts seront de plus en plus épargnées : « Notre charbon est durable, il ne produit pas de la fumée. Il contribue à lutter contre la déforestation.»
Ce charbon n’exige pas l’abattage du palmier à huile pour avoir de la matière première. Mais pour avoir du charbon en bois, fait-il remarquer, l’abattage des arbres est une condition sine quoi non. Ce qui accentue la déforestation.
Côté financier, M. Ndayikeza signale que son produit est bénéfique. Pour une famille qui dépensait 2500BIF par jour pour l’achat du charbon de bois, deux kg de son charbon suffisent. Le prix d’1 kg est fixé à 400BIF. Son charbon est de petite taille par rapport au charbon de bois. Le temps de la cuisson diminue aussi : « Pour une famille qui passait 2 heures en train de cuire le haricot, elle va cette fois-ci utiliser entre 45 minutes et une heure. »
Ce que confirme un des usagers de ce combustible. « Dans deux semaines, on utilisait 25 mille BIF pour le charbon. Mais, actuellement, on ne dépense que 20 mille par mois », confie une maman, rencontrée à son domicile, à Gahahe, commune Mutimbuzi, province Bujumbura.
Elle affirme aussi que ce charbon ne produit pas de fumée. Cette famille dispose d’un four construit par Eric Ndayikeza. « Le temps imparti à la cuisson a sensiblement diminué. La cuisine reste propre, pas de cendres en grande quantité».
Pour être plus opérationnel, Éric Ndayikeza a fondé une organisation appelée « Teza imbere ikigazi ». Il travaille avec d’autres jeunes ‘’chômeurs’’. Il fait un clin d’œil aux autres jeunes : « Désillusionnez-vous. L’Etat n’est pas capable de nous embaucher tous. Soyons alors créatifs.»
A 35 ans, Eric Ndayikeza se réjouit de vivre de son innovation. Grâce à la vente de son charbon, la fabrication des braseros et la construction des fours pour les ménages, il subvient aisément aux besoins de sa jeune famille.
Ce même document indique que la consommation annuelle estimée s’élève à 104.718 tonnes de charbon de bois par la seule population urbaine. Pour les deux villes (Bujumbura et Gitega), la consommation entraîne une perte annuelle de 3.505 à 4.673 hectares de couvert forestier.