Certains jeunes éprouvent encore des difficultés à concevoir des projets bancables, tandis d’autres doivent recourir à d’autres personnes. Des avis divergents du public cible sur la Banque d’Investissement pour les Jeunes (BIJE), après un an de fonctionnement.
« Ce n’est pas chose facile », réagissent quelques jeunes membres des coopératives interrogés. J.M. est membre d’une coopérative constitué de 20 personnes qui veulent investir dans l’agriculture. Ils ont acheté un terrain à Makamba et projettent d’acheter un autre à Bubanza. Mais, regrette le jeune homme, ils ne sont pas encore en mesure de concevoir un projet bancable à la BIJE. «Nous avons approché un concepteur de projet, mais il exige beaucoup d’argent. 600 mille BIF uniquement pour un projet sans le moindre accompagnement, » a-t-il témoigné. Il fait savoir que la coopérative est à la recherche d’un concepteur de projets moins cher qui pourra l’accompagner dans tout le processus de réalisation de leur projet : «Quelqu’un nous a promis de nous montrer un concepteur passionné par l’accompagnement des jeunes qui peut aider sans exiger une autre somme d’argent quand bien même il y aurait des modifications du projet.»
Demander aux jeunes de concevoir des projets bancables, jugent certains jeunes membres des coopératives, est un piège. « Faire un projet est un travail de titan car la présentation d’un projet au financier ne suffit pas. Il faut que cela soit un projet qui aura de bons résultats financiers. Et le financier a des experts qui vérifient si c’est votre cas. »
La distance, un autre handicap
« Peut-être ceux qui habitent à Gitega où se trouve son siège profitent de la BIJE », commente un jeune homme, membre d’une coopérative agricole en province Cibitoke. Sa coopérative était parvenue à présenter un projet à la BIJE. Mais il regrette que la banque ait refusé son financement. « Comme nous sommes dans la plaine de l’Imbo, nous voudrions faire la culture du riz, des légumes et des fruits », s’est-il désolé. S.B. confie que le plan d’affaires de sa coopérative a été rejeté alors qu’une personne expérimentée l’avait aidée à bien l’orienter. « Nous espérions que nous allions avoir un crédit sans difficulté, mais cela n’a pas été le cas».
Habitant loin du siège de la banque, il fait savoir que lui et ses collègues ont consommé une somme d’argent conséquente pour les frais de restauration, de déplacement et de logement dans des hôtels avec leurs avaliseurs. Si une coopérative ne fait pas attention, analyse-t-il, elle risque de gaspiller tout son capital en cherchant un crédit. Ce leader d’une coopérative semble découragé. Connaissant plus de 5 autres associations qui se sont vues refuser leurs projets, il jure de ne plus se tourner vers la BIJE.
Les membres des coopératives approchés souhaitent que la BIJE soit plus accessible : « Des branches de la BIJE sont nécessaires dans toutes les provinces du pays. Car se rendre à Gitega et revenir avec ce que tu es allé chercher n’est pas possible en une journée pour tous les jeunes. »
Un financement pour certaines coopératives
D’autres coopératives sont parvenues à décrocher un financement de la part de la BIJE. C’est le cas d’une coopérative de pisciculture de Muyange en commune Mutimbuzi de la province de Bujumbura. « BIJE nous a donné un crédit de 10 millions sur un taux d’intérêt de 7% », s’est réjouie Annonciate Harerimana, membre de la coopérative UPESCO. Elle indique que le crédit sera payé sur une échéance de deux ans. Elle se dit optimiste vu la production déjà obtenue. « Trois ou quatre poissons peuvent peser un kg», révèle la jeune dame. Si le projet ne se heurte pas à des malfaiteurs qui empoisonnent ou volent les poissons, assure-t-elle, elle espère que le crédit pourra être remboursé avant l’échéance pour se lancer dans d’autres projets.
Elle reconnaît que la coopérative a fait recours à d’autres personnes rodées en matière de plans d’affaires et à des encadreurs. D’après cette dernière, la BIJE leur a demandé le capital dont ils disposent, le terrain, le titre de propriété du terrain acheté, avant de se rendre sur les lieux pour vérification. «Sinon, la banque n’aurait pas pu nous donner un crédit».
Annonciate Harerimana encourage d’autres coopératives et associations à emprunter à la BIJE : « Elle n’exige pas l’impossible, mais il faut qu’elles trouvent des gens qui les aident en cas de difficulté. »
Le Coordinateur national du Réseau des Organisations des Jeunes en Action (REJA) estime que les jeunes ont d’abord besoin d’une sensibilisation sur les produits offerts par la banque à leur endroit, des informations sur les modalités d’accès au crédit. Sans oublier d’acquérir des compétences nécessaires pour élaborer des projets et des plans d’affaires bancables.
Eric Ndayikengurutse propose donc la tenue d’une table ronde de tous les intervenants en matière de l’entreprenariat des jeunes. « Ainsi, chacun selon sa spécialisation va concourir à la réalisation de l’objectif, à savoir la promotion de l’auto-emploi des jeunes».
Rosette Irambona, porte-parole du ministère des Affaires de la Communauté est africaine, de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, appelle les jeunes qui se trouvent bloqués dans leur processus de recherche de financement de se confier à leur ministère : « Le ministère est là pour cela. Qu’ils viennent, nous allons les envoyer dans des services spécialisés qui vont les orienter. » Elle rappelle que la BIJE et d’autres volets du ministère donnent des renforcements de capacité aux jeunes leaders des coopératives à travers tout le pays. « Les jeunes leaders vont à leur tour partager leurs connaissances avec les autres». Si un jeune va au ministère en charge de la Jeunesse, poursuit la porte-parole, il peut faire la connaissance d’un jeune formé qui va l’aider avant de se rendre au ministère. Il faut que les jeunes viennent nous voir, insiste-t-elle, nous sommes là pour eux.
Iwacu a contacté l’administrateur directeur général de la BIJE pour savoir le nombre de coopératives financées, les montants des crédits accordés au cours de sa première année d’exercice, mais ce dernier a botté en touche : «Même d’autres banques ne peuvent pas divulguer ces informations, la BIJE fonctionnant comme d’autres banques.»