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Des conférences pour mémoire …

05/04/2012 Commentaires fermés sur Des conférences pour mémoire …

Commémorer pour assumer le passé et construire l’avenir. A la veille de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance, cinq émissions portant sur l’histoire du Burundi intitulé « Conférences pour mémoire ». Perspectives historiques de Grands acteurs » seront diffusées par les médias burundais. Rencontre avec le professeur André Guichaoua, coordinateur de ce projet.

Des « conférences pour mémoire » : pourquoi maintenant ?

Ces conférences pour mémoire ont été conçues à la fin de l’année 2011. Lors de discussions ici à Bujumbura, avec différentes personnalités. Nous avons été surpris par l’intensité du travail mémoriel que des commémorations de 50 ans, 40 ans, 20 ans allaient susciter. Certaines commémorations étaient majeures comme l’assassinat du Prince Rwagasore, les événements de 1972, l’assassinat du président Ndadaye, etc. Tous ces événements correspondent à des épisodes douloureux de l’histoire du Burundi.

Une histoire donc douloureuse…

Mais les commémorations pouvaient aussi être conçues sur la base d’une grille de lecture différente. Une grille qui chercherait à mettre en avant ce qui, au cours de ces 50 ans d’indépendance pourrait être considéré comme des acquis, des points d’ancrages importants pour les années récentes. Des points de repères pour l’avenir.

Parce que tout n’a pas été négatif durant ces décennies ?

Justement. Nous nous sommes attachés à mettre en valeur les expériences positives qui pouvaient être dégagées de cette histoire quelquefois tragique, souvent douloureuse. Des conquêtes auxquelles désormais les populations tiennent. Les élites ont progressivement été amenées à prendre en compte, voire à respecter, leurs aspirations, peut-être aussi à établir un type de rapport différent vis-à-vis d’elles.

Quels genres d’aspirations ?

La soif de paix, le pluralisme. Les populations attendent des comportements nouveaux de la part de leurs élites et ont su manifester à chaque scrutin leur niveau d’exigence à leur égard.

Quid du choix des invités lors des émissions ?

Nous avons invité les personnalités adéquates aux thématiques abordées comme par exemple des représentants directs des institutions concernées : de hauts officiers, des représentants éminents des Eglises, des hommes politiques en position d’analyser avec distance les actions qu’ils ont pu mener au cours de leurs mandats.

Comment sont conduites ces émissions ?

Au travers de cet exercice, nous avons voulu prendre un peu de distance avec les enjeux immédiats, introduire des approches plurielles, donner la parole à des personnes qui ont pris le risque de témoigner, de s’exprimer publiquement y compris sur des périodes de leur carrière pouvant prêter à débat. Nous avons voulu que le contexte des émissions soit à la hauteur de l’objectif.

Et sur le plan de la conduite pratique des émissions ?

Ces émissions ont été conçues avec l’ensemble des médias publics et privés majeurs du pays ; c’est-à-dire les radios, les télévisions et la presse écrite représentative, non pas sous la forme de publireportage, mais véritablement d’une organisation concertée et solidaire. Aussi bien au niveau de la formulation que de la mise en œuvre et, j’insiste, de la prise en charge.

Les médias burundais sont donc complètement impliqués ?

Absolument. Ce sont des médias burundais en concertation qui assument et couvrent l’ensemble du cycle. Cela se traduit de manière symbolique par ces émissions en synergie le samedi matin.

Vous avez reçu d’autres appuis hors des médias burundais ?

Des appuis se sont manifestés. Ils sont de deux ordres. Premièrement, ce sont des radios étrangères. La première émission a été couverte par radio Okapi, la radio soutenue par les Nations unies et la Fondation Hirondelle. Elle a donné lieu à une retransmission à la radio nationale congolaise et plus largement sur l’ensemble de la sous région via la radio Okapi. Il y a d’autres expériences à venir pour les prochaines productions avec RFI, Voice of America et d’autres partenaires étrangers. Nous avons aussi bénéficié du soutien constant, de l’appui technique et financier de la coopération suisse.

Que ce que vous espérez de la part des auditeurs de ces émissions ?

Beaucoup d’efforts ont été faits pour définir un format d’émission un peu original. Le premier objectif est d’atteindre un large public. Le kirundi, relayé par l’ensemble des médias, sera l’élément central. Ensuite, je soulignerai que les intervenants ont volontiers accepté des formes de débat ou d’expressions très ouvertes, je ne peux donc que souhaiter de la part des auditeurs une écoute qui ne soit pas immédiatement dictée ou conditionnée par des grilles de lectures trop souvent stéréotypées et réductrices.

_______________

Cinq thématiques ont été retenues…

– L’une est centrale et conditionne même l’avènement des autres. Elle concerne les forces de défense. Le Burundi dispose désormais, selon les textes et dans la réalité, d’une armée intégrée, gardienne des institutions.

– Le deuxième thème tourne autour de la question du pluralisme, de son ancrage et de la transition démocratique engagée au début des années 1990 et poursuivie au cours de la décennie des années 2000. Pour la première fois dans l’histoire du Burundi, deux mandats électoraux successifs se sont succédé. À chaque occasion, les populations ont manifesté un fort attachement à cette forme d’expression, elles se sont mobilisées en grand nombre et se sont engagées en conscience.

– Le 3ème point concerne les Eglises. Il est clair que les relations entre le pouvoir et les Eglises ont toujours été ambivalentes. Ce n’est pas le propre du Burundi. Mais dans le nouveau contexte qui est en train d’apparaître, on assiste à un repositionnement général autour du cœur de la mission des confessions religieuses.

– Le 4ème point illustre lui aussi des évolutions positives marquantes. Pendant des décennies, les mobilités se sont essentiellement exprimées sous la forme de la contrainte faisant de cette région un des pôles internationaux en termes d’effectifs de populations réfugiées, déplacées, etc. On assiste désormais à une sorte de normalisation des mobilités pour des motifs économiques, d’études, d’affaires, etc. On entre donc dans une période de mobilité choisie.

– La dernière émission fera un peu le bilan. Elle reviendra sur le processus des négociations d’Arusha, non pas pour débattre du bilan constitutionnel qui a été formalisé, mais pour insister sur ce que le processus a représenté comme instauration d’un fonctionnement politique nouveau. Certes, il y a des volets qui ne sont pas encore concrétisés, et on assiste toujours à des compétitions politiques difficiles. Mais le fait d’avoir pendant un certain nombre d’années vécu des moments relativement intenses de dialogue, de concertation reste dans l’esprit de la population et des élites comme une référence à laquelle il est difficile de renoncer sans sacrifier les acquis de ces dernières années. C’est justement ce que veut illustrer cette émission-bilan.

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