De la commission d’enquête sur les violences électorales au comité d’experts pour mettre en place la CVR en passant par la CNIDH, le gouvernement semble déborder de bonne volonté pour mettre en place des organes longtemps réclamés. Mais pour certains, il y a anguille sous roche.
Certaines étaient prévues par l’Accord d’Arusha, d’autres réclamées par la communauté internationale et la société civile. La Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) et la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) auraient dû être mises en place avec la législature qui vient de s’achever, mais le gouvernement s‘était plutôt illustré par sa mauvaise volonté. Cependant, depuis un certain temps, la première a vu le jour, saluée par beaucoup, tandis qu’une équipe d’experts vient d’être nommée pour préparer la mise en place de la seconde à un rythme plutôt louable. Mais d’aucuns se posent des questions sur cette bonne foi du gouvernement, surtout au lendemain d’une visite d’une délégation burundaise à Genève, au siège du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme.
Une commission technique de huit membres, à majorité des juristes, avait été créée par la 1ère vice-présidence qui pilotait le projet de Justice Transitionnelle (JT), lors de la première législature du Cndd-Fdd. Cette commission avait fait un travail précis, à partir duquel il y avait moyen de lancer les deux mécanismes de JT. Mais personne ne l’évoque plus. Entretemps, le programme de JT a été transféré de la 1ère vice-présidence à la présidence. « Pour que le Cndd_Fdd le contrôle mieux », estime une certaine opinion.
Une manœuvre dilatoire…
Aujourd’hui, il vient d’être créée une autre commission de ce genre, « totalement inutile, puisque le travail qu’elle devra accomplir a été fait par la première », indique Jean Baptiste Manwangari.
En la mettant en place, remarque-t-il, l’on a ignoré les recommandations des consultations nationales, dans lesquelles la population a plutôt exprimé sa plus grande confiance en la société civile pour cette question de réconciliation et de justice,. En effet, la société civile semble avoir été exclue de ce processus qu’elle a pourtant suivi dans tous les aspects. Pour M Manwangari, il est clair que le gouvernement veut juste gagner du temps, et que les mécanismes risquent de ne pas voir le jour. A ce propos, Léonce Ngendakumana semble être du même avis puisque, selon lui, la mise en place de ces commissions est une manœuvre pour tromper l’opinion. Il met en doute leurs résultats, au vu de la composition du comité.
Peut-on alors en conclure que le gouvernement veut juste s’attirer la sympathie de l’opinion en général, et de la communauté internationale, en particulier?
… courtisane ?
Vue sa mauvaise posture financière, la première hypothèse est la plus valable. En créant ces commissions, hier réclamées mais non mises en place, le pouvoir veut avoir les finances, le soutien et une assise sociale forte. Si les bailleurs de fonds reconnaissent ces actions du gouvernement, ce sont eux qui vont plaider pour lui, en disant qu’il fournit des efforts, et ce discours sera relayé par celui du gouvernement lui-même, pour avoir quelques dividendes. « Cela est une bonne chose car, après l’acquisition de la légitimité électorale, il reste à acquérir la légitimité par action », observe le politologue Jean Salathiel Muntunutwiwe.
Il est vrai que, si ces commissions sont bien organisées, si elles sont libres et indépendantes, elles vont bien travailler. Mais le risque serait que leurs membres s’identifient plus à leur parti d’origine, avec la possibilité qu’il les manipule. Et si le risque de manipulation est grand, la possibilité d’acquérir la vérité historique sera réduite.