Dans une correspondance envoyée au président de l’Assemblée nationale, le 2 mars 2025, des commissaires de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) sollicitent son intervention personnelle « en vue de sauver la CNIDH qui connaît actuellement une crise de gouvernance sans nom, et cela, depuis 2 ans. » Ils demandent également la démission du président de cette institution, Sixte Vigny Nimuraba, ainsi qu’un audit spécifique rigoureux sur l’utilisation des fonds de la commission.
« Nous estimons à plus de 1 124 700 000 BIF, le montant que le Président de la CNIDH doit justifier sur une période de 2 ans seulement », indiquent les commissaires de la CNIDH dans une lettre envoyée au président de l’Assemblée nationale, Gélase Daniel Ndabirabe.
La Commission nationale indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) du Burundi est au cœur d’une vive controverse en raison de la gestion jugée dispendieuse de son président. Les chiffres du budget 2025, récemment dévoilés, révèlent des choix budgétaires pour le moins surprenants, suscitant l’indignation de nombreux observateurs et acteurs de la société civile. Des dépenses de prestige qui font scandale.
Dans la ventilation budgétaire (exercice 2024-2025) opérée par Sixte Vigny Nimuraba, une somme astronomique de 476 000 000 BIF, soit 62,3% du budget total de l’institution, a été affectée aux voyages à l’étranger. Il est prévu vingt missions à l’étranger. Une allocation jugée exorbitante et non prioritaire. Au moins trois ministres, choqués, ont indiqué à Iwacu qu’ils n’ont même pas le tiers du budget de la CNIDH pour leurs voyages à l’étranger.
Des voyages à l’étranger qui ne rapportent rien à la Commission, selon les commissaires de la CNIDH, dans leur correspondance.
Les droits de l’Homme relégués au second plan
Alors que la mission primordiale assignée à la CNIDH est la promotion et protection des droits humains au Burundi, M. Nimuraba a affecté seulement 65 000 000 BIF (soit 8,5% du budget total) aux activités de protection des droits de l’Homme et 90 000 000 BIF (11,8%) aux activités de promotion des droits de l’Homme. « Cette situation a beaucoup fait reculer la CNIDH au vu de tous et comme l’une des conséquences, la Commission a récemment perdu son statut A, les séminaires et visites cachots ne sont plus organisés comme avant, car le gros du budget de la commission est affecté sur les voyages du Président à l’étranger et à la réparation des véhicules dans un garage qui appartiendrait à son proche », écrivent les commissaires. Le budget alloué à la réparation des véhicules s’élève à 133 000 000 BIF (17,4%).
Mais, ce n’est pas tout. Une autre dépense suscite la stupéfaction : le président de la CNIDH s’est fait commander un salon VIP pour un coût total de 149 544 352 BIF. Un chiffre qui donne du vertige et qui, selon plusieurs analystes, dépasse même le budget annuel alloué aux activités de promotion et de protection des droits de l’Homme. « Ce qui est inacceptable pour une commission qui vient de passer toute une année sans organiser les activités de promotion des droits humains et les visites cachots sous prétexte de manque de moyens », soulignent les commissaires. Le montant alloué à la rubrique « Equipement de la CNIDH » est de 540 643 811 BIF contre 12 643 811 BIF (2023-2024), soit une variation de 528 000 000 BIF.
Les critiques fusent de toutes parts. Des défenseurs des droits humains et des observateurs de la gouvernance publique s’interrogent sur la priorité accordée à ces dépenses de prestige alors que de nombreux défis en matière de droits humains persistent dans le pays.
Cette situation révèle une gestion controversée des fonds publics au sein d’une institution censée être exemplaire en matière de transparence et d’intégrité. Face à la montée de l’indignation, il reste à voir si ces dépenses seront maintenues ou si des réformes seront engagées pour redonner à la CNIDH sa mission première : la défense des droits humains au Burundi.
Une situation alarmante
D’après les commissaires de la CNIDH, le président de la commission a instauré un mode de gouvernance basé sur la menace, les divisions et les manipulations de tout genre. « Avec sa manière de gérer la CNIDH, nous vous assurons que les opinions des commissaires de la CNIDH n’ont plus de valeur à son égard et que la commission a du mal à accomplir les missions qui lui sont assignées par la République. »
De plus, assurent-ils, les plénières ne sont plus organisées alors que la loi régissant la CNIDH stipule qu’il faut tenir au moins une plénière chaque semaine. « Nous vous informons que depuis janvier 2024 jusqu’aujourd’hui nous n’avons tenu que 3 plénières et cela met en difficulté la commission vis-à-vis des requérants qui reçoivent difficilement nos réponses. » Et d’ajouter : « L’attention du président de la CNIDH se trouve particulièrement dans les missions à l’étranger tout en sachant que la compétence territoriale de la CNIDH se limite au Burundi. Cette situation affecte beaucoup le fonctionnement de la CNIDH. Ce qui fait qu’elle ne répond jamais aux appels de Son Excellence le Président de la République qui ne cesse de nous demander d’apporter notre expertise en vue de répondre aux préoccupations du Pays dans le secteur judiciaire et dans la lutte contre la corruption. »
La situation est très alarmante à la CNIDH. « Compte tenu de la précarité dans laquelle se trouve la CNIDH aujourd’hui et les reculs que nous enregistrons depuis 2 ans, nous sollicitons la démission du président de la CNIDH et d’ordonner à vos services de conduire un audit spécifique rigoureux sur l’utilisation des frais de mission, frais de représentation, réparation des véhicules et le carburant que le Président prend chaque mois. »
La CNIDH vit un calvaire d’après les commissaires. « L’année passée, nous avons connu le même calvaire, mais nous avons fait preuve de retenue et de diplomatie. Ce qui n’a pas empêché le Président d’élargir ses appétits dans la mauvaise gouvernance au lieu de se ressaisir en vue d’asseoir à la CNIDH, un bon climat de travail et de respect mutuel. »
Les commissaires déplorent que la mission d’audit de la Cour des comptes en 2024 n’ait jamais rencontré les commissaires pour avoir plus d’informations, car elle s’est entretenue uniquement avec le président. « C’est cette même situation qui a fait que le rapport financier ne soit pas présenté en même temps que le rapport annuel lors de la présentation du rapport de la CNIDH devant les élus du peuple. »
Pour rappel, les députés ont failli rejeter, le 29 janvier 2025, le rapport annuel 2024 de la CNIDH sur la situation des droits de l’Homme au Burundi. La cause : absence du rapport financier. « Nous ne pouvons pas approuver un rapport qui ne montre pas comment les fonds ont été utilisés durant cette période de budget-programme, » a indiqué Daniel Gélase Ndabirabe. Pour lui, la CNIDH ne peut pas demander des fonds sans présenter un rapport financier. « Nous devons vérifier si le travail a été bien ou mal fait et si les fonds ont été bien utilisés, car étudier un rapport sans données financières reviendrait à parler dans le vide. » Plusieurs députés avaient proposé d’ajourner la séance jusqu’à la présentation dudit rapport.
Dans la foulée, Sixte Vigny Nimuraba s’est plaint que la CNIDH n’a pas pu effectuer toutes les activités prévues à cause des moyens limités. Les députés lui ont recommandé de produire ses rapports en mode budget-programme, pour pouvoir d’abord évaluer les fonds utilisés par rapport aux activités prévues ainsi que celles qui n’ont pas pu être réalisées.

C’est dommage que de tels cas s’observent alors que le gouvernement du Burundi dépense toujours l’argent pour organiser des sessions de renforcement de capacités en bonne gouvernance et redevabilité. Malheureusement ces personnalités qui devraient s’imprégner de ces notions ne se présentent pas souvent. Il faut que le gouvernement suive de près les nominations des participants dans ces ateliers car bon nombre d’observateurs s’inquiètent que ceux qui devraient réellement bénéficier de ces ateliers et opérer des changements structurels au niveau de prise de décisions n’y participent pas.
Dans l’état actuel de gouvernance, la vision 25, 40 , 50 ou n’importe quelle année est une fumisterie.
Lorsque des choses pareilles arrivent: Vol au barrage Mpanda, gabegie à la CNDIH, etc…le premier responable est le gouvernement solidaire.
Sous d’autres cieux, la sanction est immédiate.
Pourquoi d’après vous, le Burundi est tombé si bas au point de n’être plus capable d’importer carburant et médicaments?
L’impunité de ceux qui gangrènent notre pays engage la responsabilité de tous. Les dirigeants des institutions corrompues détournent l’argent qui devrait servir la nation et l’utilisent à des fins personnelles. Le gouvernement doit se réveiller et instaurer un véritable État de droit où personne n’est au-dessus des lois. Sinon, parler d’une vision d’un pays développé d’ici 2060 ne sera qu’une pure illusion.
Merci à Iwacu pour ce bel article qui détaille la gabégie dont le CNDH est la victime et l’auteur n’est personne d’autre que Dr. Sixte Vigny Nimuraba. En effet, nous avons toujours dit que Vigny Nimuraba est une caisse de resonnaissance du CNDD. Plusieurs personnes ont été portées disparues sans que le CNDH sous la direction de Vigny lève son petit doigt pour le dénoncer.