Ces chenilles légionnaires sont en train de décimer une bonne partie de la grande forêt de la Kibira et ses environs. La colline Kirama de la commune Muramvya est la plus touchée.
Aucun insecticide ne vient à bout de leur invasion. L’agronome communal à Muramvya n’y voit que du feu. Selon Emery Kwizera, ces bestioles ont une résistance aux insecticides hors du commun. Elles sont très mobiles et deviennent plus agressives lorsqu’apparaissent les rayons du soleil. Ces chenilles se déplacent en groupe. Elles proviennent de la ponte des œufs des papillons en grand nombre ces derniers jours à la lisière de cette forêt. Il est 10 heures, on prend deux taxi-motos à partir du centre de Bugarama, avec l’agronome communal, Emery Kwizera et on se dirige vers Bukeye. A environ 2,5 km, on tourne vers la gauche. On s’enfonce dans la Kibira sur une route glissante. Tout autour, des arbres sans feuilles offrent un tout autre paysage. Il n’y a pourtant pas de trace de feu. Soudain, un bruit étrange dans les branchages. On dirait justement un feu de brousse. Du bout du doigt, l’agronome me montre une colonie de chenilles en train de ravager les feuilles d’un géant eucalyptus. Et dans les herbes tout autour, ces bestioles noires se déplaçant par arpentage sont entassées. Ces chenilles ne laissent rien sur leur passage. Un pâturage verdoyant devient en quelques heures littéralement ravagé, comme brûlé, décimé. Plus on avance, plus ces chenilles deviennent très nombreuses. A un kilomètre plus loin, on remarque que des hectares et des hectares de forêt sont déjà « partis en fumée », décimés par ces bestioles d’une voracité rare. Les arbres n’ont plus de feuilles, le paysage est apocalyptique. « Avec ces chenilles envahissantes, la verdure de cette forêt qui régule le climat disparaît. Elles noircissent les arbres sans feuillages », se lamente Kamwenubusa, un vieil homme de la sous colline Gatebe. Sans cette fôret, précise ce sexagénaire, il ne va plus pleuvoir : « Il faut sauver d’urgence notre source de vie. C’est vraiment terrifiant », implore le vieil homme, les yeux tournés vers le ciel.
La crainte d’une éventuelle famine
La main sur sa joue gauche, Claver Sindayigaya, de la colline Kirama ne trouve pas de mots pour exprimer son désarroi : « Mon fils, c’est désolant. Cette forêt, jusqu’hier verdoyante, change brusquement. On a peur. Imagine si ces chenilles arrivaient dans nos champs de haricots, d’éleusine, de blé ou de manioc, c’est la famine à coup sûr. » Au moment où les champs de haricot, de froment, de manioc, de fleurs, de petit-pois,…donnent de l’espoir quant à la prochaine bonne récolte, Eric Nkwirikiye, moniteur de la colline Kirama, signale que la population est inquiète : « Si par malheur ces chenilles arrivent dans les champs, tous nos cultures seront dévorées dans un laps de temps. » Il souligne que vu la surprenante mobilité de ces chenilles, même la commune Musigati (province Bubanza), aussi couverte par la Kibira, risque d’être attaquée. Il demande une intervention urgente des services chargés de l’agriculture.
Que faire ?
D’après Emery Kwizera, agronome communal à Muramvya, ces chenilles sont très résistantes. « On a déjà essayé de les anéantir avec un insecticide appelé Dursban de 8 cc dans 16 litres d’eau, mais ça n’a pas marché. » Il souligne qu’une autre solution est possible mais qu’elle est très dangereuse pour la vie humaine. Il s’agirait de faire un mélange de 6 cc du même produit dans 2 litres d’eau. Pour lui, la meilleure solution serait de faire recours au feu mais « on ne peut jamais se permettre d’utiliser le feu dans la Kibira. » Comme ces chenilles ne sont pas encore arrivées dans les champs, cet agronome indique que la Direction provinciale de l’agriculture et de l’élevage à Muramvya a mobilisé la population pour plus de prudence : « La population doit veiller pour que ces chenilles n’accèdent pas à leurs champs. » Il est demandé à chaque chef de colline et à tous les assistants agricoles collinaires de signaler toute anomalie constatée. Leurs numéros de téléphone mobile sont enregistrés : « Cela permet de sonner l’alerte à temps », souligne cet agronome communal apparemment désemparé.