Il n’est pas rare de rencontrer des nourrissons portant un bracelet en plastique ou un fil noir autour de la taille, du poignet ou de la cheville. Simple embellissement ?
10h à un centre de vaccination, dans la zone Buyenzi. La salle est bondée de bébés dans les mains de leurs mamans.
Une chose ne passe pas inaperçue : presque la moitié des bébés porte un bracelet en plastique ou un fil noir autour de la taille ou du poignet. La plupart d’entre eux ont moins d’un an.
Il suffira de lancer la question sur leur signification pour créer tout un débat. Mille et une croyances autour de ce « bracelet magique ». Chaque maman donne sa signification.
Pour certaines, c’est pour protéger le bébé contre les acnés quand il se trouve dans les bras d’une femme en pleine menstruations. Pour d’autres, c’est pour le protéger contre les agitations de peur fréquentes chez les tous petits. Ou encore, le bracelet permet tout simplement de surveiller l’évolution du poids de l’enfant.
Ce n’est pas tout. Le fil autour des hanches permet à la petite fille de développer de belles formes. D’avoir des fesses galbées.
Un bébé de quelques mois porte un bracelet noir en plastique et un fil noir sur un même poignet. Sa mère confie que ce bracelet le protège contre le courant et la foudre. Le fil noir le prémunit des agitations de peur et permet la surveillance de son poids.
Toutes ces mamans sont convaincues de l’efficacité de ces bracelets.
Une pratique remontant à la nuit des temps
Ces croyances ne datent pas d’hier. Félix Rubangara, quinquagénaire, fait un saut dans la tradition burundaise. Originaire de la province Bujumbura rural, commune Mugongomanga, il se rappelle de ces bracelets « fétiches » que l’on mettait autour de la taille des nouveaux nés. Il confie avoir vécu cela.
« C’était une sorte de fil ou un morceau de tissu déchiré sur un vêtement usé que l’on mettait autour de la taille ou du poignet du nouveau né. L’on enveloppait sur ce fil un gri-gri, soit un petit morceau d’une peau d’un animal, soit une perle multicolore. Certains mettaient sur le gri-gri un médicament traditionnel.
M.Rubangara fait savoir que c’était pour protéger l’enfant de certaines maladies ou de mauvais sorts.
Avec le bracelet, pas de coliques (douleurs abdominales violentes naturelles chez les bébés de moins de trois mois). La sorcellerie n’avait pas de prise sur le bébé. Pas de diarrhée-vomissement pendant que les dents poussent.
Ce quinquagénaire fait remarquer que le bracelet autour des hanches était enlevé quand l’enfant commençait à marcher pour faire place à la scarification (incision superficielle de la peau humaine) qui avait le même sens de protection. Cette dernière pratique continuait même à l’âge adulte. « Sauf que moi, je m’y suis toujours opposé !»
Nibabaje mumasengero bave mubiheko
Ces croyances et pratiques d’un autre âge sont gentilles et inoffensives. Les parents font ce qu’ils peuvent pour protéger leurs enfants, allant même – dans certaines sociétés – jusqu’à leur donner pour un temps des noms péjoratifs, poour les soustraire à l’attention des démons.
Mais quand des croyances ancestrales conduisent au sacrifice d’albinos pour des rituels inavouables, ou que l’on assassine ceux que l’on soupçonne de pratiques de sorcellerie, ces vieilles croyances n’ont plus leur place dans une société du XXIème siècle…