Samedi 23 novembre 2024

Économie

Dépréciation exponentielle, inflation « contenue »

Fort cours du dollar sur le marché noir, augmentation de prix des produits importés : l’économie va mal. La Banque de la République du Burundi, BRB tranquillise.

Flambée de prix sur les articles d’habillement
Flambée de prix sur les articles d’habillement

« Un dollar contre 2400 Fbu. Du jamais vu au Burundi, même du temps de l’embargo. » Explication des commerçants et consommateurs au sujet de la flambée de prix des produits importés constatée sur le marché. Pas de rêve des lendemains qui chantent. «Si malgré l’inflation les prix sur la quasi-totalité des produits importés est encore soutenable pour l’acheteur, c’est que les importateurs disposent encore des stocks d’avant l’envolée du cours du dollar. Les prix ne seront plus abordables dans quelques mois, si la carence de devises perdure ». Témoignage d’une commerçante au marché de Kamenge.

La dépréciation du franc burundais (BIF) et l’inflation qui en est la conséquence vient du fait que la banque centrale ne dispose pas d’assez de réserves en devises à combler la demande des banques commerciales. Celles-ci ne peuvent plus honorer dans un délai raisonnable les factures des commerçants pour qu’à leur tour, ils payent les fournisseurs étrangers. Des factures des fournisseurs peuvent passer deux ou trois mois sans être honorées.

Le peu que ces banques mettent sur le marché est raflé par les gros importateurs : ceux qui opèrent dans le secteur des produits « stratégiques » : carburant, médicaments, fertilisants et intrants industriels.

Selon Antoine Muzaneza, président de l’Association des commerçants du Burundi (Acobu), à part les importateurs des produits stratégiques, aucun autre commerçant n’est autorisé à avoir plus de 50 mille dollars par an dans les banques.

Des banquiers indexés

Des employés de la BRB et des banques commerciales seraient aussi à l’origine de la carence de devises à distribuer aux petits commerçants. Selon des sources concordantes, dans les bureaux de change, les prix affichés sont très en deçà de ceux réellement pratiqués. Aujourd’hui, le dollar s’obtient à 2400 Fbu alors que le prix officiel affiché est de 1680. C’est cette marge qui attire ces banquiers cupides. Au lieu de servir les petits importateurs au taux officiel, ces banquiers déversent des devises sur le marché noir pour réaliser le maximum de profit.

Comme conséquence, Noël Nkurunziza, président de l’Association des consommateurs du Burundi (Acobu), constate que la pénurie de devises a entraîné même une augmentation du prix du carburant et du sucre. « Ces deux seuls produits sont capables de provoquer une perturbation des prix des produits de base au Burundi », fait-il remarquer.

« Le marché noir ne peut pas déstabiliser l’économie »

A la BRB, Audace Niyonzima, reconnaît que depuis deux ans, il y a baisse de réserves de changes. La carence de devises s’explique par la diminution de réserves de changes, conséquence de la suspension de certains projets qui étaient appuyés par la coopération étrangère. Il y a aussi l’imprévisibilité de transferts reçus de l’étranger.
A part la carence de devises, la dépréciation du BIF s’explique aussi par l’appréciation du dollar par rapport aux autres devises, d’une façon générale. Comme facteur interne, la dépréciation du BIF s’explique par le fait que la demande est supérieure à l’offre.

Mais M. Niyonzima précise que le taux qui est appliqué par la banque centrale et les banques commerciales n’a pas encore changé et que le marché parallèle ne finance qu’environ 20% des importations. Il finance certes beaucoup de petits importateurs de produits divers. Quand les prix montent, ça devient visible vis-à-vis du public. « Mais les produits qui influencent significativement l’économie sont financés par le circuit bancaire. Le marché noir ne peut pas déstabiliser l’économie », martèle-t-il. Et de souligner que l’inflation est faible de manière globale par rapport à l’année 2015. Elle était de 2,7% à la fin mai. Toutefois, il peut s’observer une augmentation exagérée sur certains produits.


Une synergie de solutions

Noël Nkurunziza, président de l’ABUCO-TI

Noël Nkurunziza
Noël Nkurunziza

D’après lui, il n’y a pas de solution à court terme. Tout dépendra de la stratégie du gouvernement pour renouer la coopération avec les bailleurs de fonds afin d’équilibrer le déficit de devises par rapport au besoin. Selon le président de l’Abuco-TI, le Burundi doit essayer de promouvoir la diversification des produits et services exportables : le tourisme, la transparence dans l’exploitation et vente des minerais, l’exportation des fruits, légumes et fleurs, etc. Il fait savoir que le premier produit le plus vendable et stabilisateur de l’économie, c’est la sécurité : « Il y a des pays qui deviennent prospères parce qu’ils ont investi pour avoir la sécurité ».

Un économiste anonyme

Ce dernier indique que le Burundi doit s’adresser à la Banque Mondiale et au Fonds monétaire international. Les institutions de Brettons Wood ont des instruments financiers pour donner des avances nécessaires pour financer la balance de paiement. Généralement, ces institutions donnent des aides ou des dettes à des taux d’intérêts préférentiels

Selon cet économiste, à moyens termes, le Burundi doit renouer avec les bailleurs de fonds. Il doit promouvoir le tourisme et la multiplication des produits d’exportation. Il estime que le Burundi doit aussi créer un climat libéral, de détente et de confiance pour pousser les Burundais de la diaspora et les investisseurs à épargner au pays.

Antoine Muzaneza, président de l’ACOBU

Antoine Muzaneza
Antoine Muzaneza

Il estime que le gouvernement devrait contracter une dette auprès de la Banque mondiale. En plus, selon lui, il faut augmenter la production du café et du thé et se lancer dans l’exportation d’autres produits comme le piment, le poisson, etc. Il faut aussi encourager la création de la petite industrie de transformation comme le raffinage plus poussé de l’huile de palme. Enfin il propose que les opérateurs économiques se regroupent en associations pour importation ou pour exportation.

Audace Niyonzima

Audace Niyonzima
Audace Niyonzima

D’après lui, il faut une stratégie pour encourager les recettes liées à l’exportation et explorer comment canaliser dans le circuit bancaire les recettes liées à l’exportation des minerais. Selon lui, le public doit ajuster sa consommation, si ces produits ne sont pas indispensables.

Forum des lecteurs d'Iwacu

14 réactions
  1. Theus Nahaga

    Tout cela était prévisible, reste à se demander le but visé par Nkurunziza et sa clique qui sont maître du Burundi et qui comptent le rester pour les années à venir fort d’un soutien d#une certaine majorité de Burundais.
    Il y a dans le jeu de Nkurunziza et sa clique des Burundais qui ne devraient pas continuer à vivre au Burundi. Par intimidations, par menace et par la faim pernicieuse, Nkurunziza et sa clique les feront partir et s’il le faut il y aura des assassinats ciblés. Les tueries de masse restent la solution ultime, il n’est pas question de se mettre la CPI sur le dos, mais cette vermine devra quitter le Burundi. Le prix à payer pour les autres, ceux qui dans la vision de Nkurunziza et sa clique sont les seuls vrais Burundais? Il ne sera pas léger. La misère et la faim les frapperont mais Nkurunziza les passeront à la cas pertes-et-profits, ils sont convaincus qu’il aura encore une majorité pour se faire élire pour d’autres mandats dans ce climat délétère.
    Pour nous qui ne veulent pas prendre les armes quelle réponse pouvons-nous apporter à cette situation qui va dégrader de facon définitive le Burundi et le peuple Burundais? Comment parvenir à ne pas nous résigner et ne plus rien attendre que la mort comme seule délivrance? Comment ne pas prendre le chemin de l’exil? Comment ne pas abandonner les nôtres qui ne sont pas à même de prendre le chemin de l’exil? Remarquez qu’on peut aussi poser la question autrement et se demnder comment on pourrait organiser l’exil de 2-3.000.000 de gens et laisser le Burundi à ceux qui se prétendre les seuls vrais Burundais?

  2. Regard croisé.

    @RUGAMBA RUTAGANZWA
    Le grand problème au Burundi c’est que on raisonne sous le couvert de l’ethnie.

  3. Maya

    Cher Audace Niyonzima, ntimuduhende kuko abatari bake turazi inge ayo mabanki n’ivyo mwita ngo na ma bureau de change kandi atariyo n’agayo. Usez de votre pouvoir pour prendre des mesures nécessaires pour combattre le trafic! Sinon, nous risquons de croire vous êtes complices! Ce n’est pas du tout normal qu’une banque vende les devises comme au marché noir. Il n’est pas compréhensible que la Banque centrale ne soit plus en mesure de contrôler et les banques commerciales et les soi-disant bureaux de change! En réalité, il n’y a plus de bureaux de change, il n’y a que des spéculateurs! Si du moins vous ne pouvez pas contrôler le marché noir, vous devriez au moins surveiller les maisons qui sont agrées chez-vous!

    • NIJIMBERE MATHIEU

      @MAYA,

      L’économie, y compris les taux de change, en général se régule. On n’a pas besoin de policiers devant chaque Bureau de change pour surveiller comment cela se passe. C’est une question simple d’offre et de demande. Les devises qui, presque à 100% provenaient des aides financières manquent car ces dernières ont tari et le Burundi ne vend rien (à part tendre la main) pour renflouer les caisses de sa banque centrale en devises fortes. Pardon, c’est aussi simple et logique que cela, je crois..!

  4. Malheureux Wi.

    Le peu de dollars qui restaient pour le Burundi et son peuple a été gaspillé dans la construction des stades fantaisistes ou l’achat des jeeps pour dignitaires, etc… D’autres devises sont stockées dans les caves des villas de certains messieurs tristement célèbres, etc…
    En meme temps, les types ont violé les droits de l’homme, massacrer les habitants des quartiers contestatires ce qui violait en soit les conditionnalités sur les droits de l’homme.
    Et comme si cela ne suffisait pas, ils ont meme empeché le travail des vrais hommes d’affaires qui pouvaient produire au Burundi, vendre à l’étranger et rapatrier les devises

  5. Jereve

    La finance déteste l’instabilité : aussi longtemps que cette situation de ni guerre ni paix persiste, les investissements continueront à fuir.

    • Stan Siyomana

      @Jereve: « La finance deteste l’instabilite »
      Le journaliste financier sud-africain Stafford Thomas a en effet ecrit il y a un mois:
      « Bond market investors have been getting more than their fair share of WHAT THEY HATE THE MOST: UNCERTAINTY. »
      (Voir Stafford Thomas: Edging into bond markets. http://www.bdlive.co.za, 13 June 2016).

  6. Mayisha Gashindi

    Ah oui. Le maudit 3ème mandat ou le mandat de tous les maux.
    Il y’a un Général qui était à la tete de la tristement célèbre SNR et qui a sorti un rapport en 2013 au Président Nkurunziza pour l’alerter sur les conséquences de sa réélection pour un mandat de trop! Par les conséquences douloureuses figuraient le sang des Burundais, la chute de l’économie, ….Et voilà!

    • Budangwa Mariya

      @ Mayisha Gashindi
      Tu vas chanter le mandat jusqu’à la fin du monde? Le mandat est là que tu le veux ou pas maintenant on doit chercher les solutions au problème qu’on et ça s’arrête là!

  7. cherie

    Je m’en moque de ces personnes interviewées. On dirait qu’elles tombent du ciel pour ne pas savoir la cause de cette chute dangereuse de l’économie burundaise. Tant que le faux président Nkurunziza sera au pouvoir, la situation continuera à s’empirer. Le seul moyen de résoudre cette crise économique est de le chasser dans l’urgence. Sinon, bonjour les dégâts.

    • Kirinyota

      Je suis complétement d’accord avec vous. Qu’il parte vite ce monstre pour qu’on construise notre très cher Pays. Tant qu’il est là, la situation ne changera jamais. Il a été incapable pendant 10 ans, il le sait. Qu’il arrête de prendre en otage le pays et les citoyens. Les gens ont faim, ils sont appauvris, ils sont massacrés …..
      Qu’il parte et nous laisse tranquille.

    • Budangwa Mariya

      @Cherie
      Tu préfères le faux président issu des coups d’État? Non merci le peuple a parlé que tu le veuilles ou pas!

      • karabona

        Le « peuple a parlé » et maintenant il se demande s’il n’aurait pas du se mordre la langue

      • RUGAMBA RUTAGANZWA

        @BUDANGWA MARIYA
        « Tu préfères le faux président issu des coups d’État? Non merci le peuple a parlé que tu le veuilles ou pas!

        Ne vous inquiétez pas nous savons comment tout cela s’est passé en commençant par l’échec en mars 2014 de changer l’article de la constitution qui empêche Président Fondateur de se présenter à un 3è mandat et en passant par toutes les manipulations des institutions et autres mensonges auxquels on a assisté impuissants. Le vin est donc tiré et il faut le boire.
        Mariya BUDANGWA, ce n’est que le début. Le pire est malheureusement devant nous. Celui que vous soutenez bec et ongles a déjà fait du Burundi le pays le plus affamé, le plus corrompu et le plus pauvre du monde en 10 ans de mandat. Comme si cela ne suffisait pas il veut rempiler et régner en Roi sur ce pauvre pays sans aucun sens de redevabilité aux citoyens burundais qu’il continue d’appauvrir alors que lui, sa famille et ses amis nagent dans l’opulence ! Ce n’est pas juste, je pense.. !

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