La commune Mukaza veut aménager et assainir ses quartiers. Depuis le mardi 26 janvier, des kiosques construits sans respect des normes de l’urbanisme ont été démolis . Des propriétaires se retrouvent sans aucune autre ressource pour survivre.
La décision de l’administration locale est irrévocable : les kiosques en bois vont être démolis. Une grave décision. Au départ, les propriétaires de ces boutiques n’ont pas pris au sérieux cette décision.
Le 26 janvier, les premières démolitions sont faites dans le quartier de Buyenzi. Une dame en train de rassembler des restes de morceaux de bois baigne dans la tristesse : « Je n’ai plus rien à dire, c’est grâce à cette boutique que j’arrivais à nourrir mes enfants et payer leurs frais de scolarités. Que vont-ils devenir, des mendiants ? », demande-t-elle.
Amer, un vendeur des matériaux de construction, en face du marché de Ruvumera, se demande pourquoi ils lui ont laissé payer des impôts alors que sa boutique ne remplissait pas les normes de l’urbanisme : « Je versais une somme de 5000 franc bu chaque mois sur le compte de la mairie. Pourquoi m’ont-ils laissé payer alors que ma boutique est construite de façon anarchique ? »
Après Buyenzi, le 27 janvier c’était le tour de son voisin Bwiza. Cette zone cosmopolite, très commerciale compte des boutiques sur toutes les avenues .
Quand l’annonce a été faite, personne ne semblait y croire. Probablement que certains habitants pensaient que c’était « du bluff. »
Les propriétaires des kiosques visés par les autorités n’étaient pas inquiets outre mesure malgré ce qui s’était passé la veille chez leurs voisins de Buyenzi. Plus d’une dizaine de kiosques et de ponceaux en bois y avaient été détruits.
« Dans ma prière matinale, j’ai imploré Dieu pour qu’il nous épargne de ce malheur », se lamente la propriétaire des boutiques démolies : « C’est grâce à ces boutiques que nous arrivons à payer nos factures d’électricité et d’eau. Qui va nous venir en aide alors ? »
Le 28 janvier, c’était le tour de Nyakabiga. Le chef de zone leur avait ordonné de les détruire de leur plein gré. Mais personne n’a voulu exécuter cet ordre : « Nul ne peut détruire sa propre maison », explique un propriétaire d’un petit restaurant.
Le lendemain Nyakabiga a broyé du noir sous la supervision de l’administrateur de la commune Mukaza et du chef de zone de Nyakabiga. Ce dernier appelait en criant le nom d’un certain Gihugu, le « Rambo » de la démolition. Lui, il n’avait pas besoin de marteau, juste ses mains et des coups de pieds suffisaient pour mettre à terre un kiosque.
Depuis la démolition de leurs boutiques, les propriétaires ne savent plus à quel saint se vouer. C’est grâce à ces boutiques qu’ils gagnent leur pain quotidien. Aujourd’hui, plus de kiosques, plus de vie. Certains se voient déjà réduits à la mendicité : « Que vais-je devenir, un mendiant alors que je gagnais ma vie facilement grâce à ce kiosque ? Je n’ai pas de diplôme et ce petit commerce m’aidait à survivre », se lamente un vendeur de charbon.
Tous ont une tête d’enterrement. Personne ne peut les consoler. Des questions se lisent sur leurs visages : qui va payer mon loyer ? Qui va donner à mes enfants de quoi mettre sous la dent ? Qui va payer mes factures d’électricité et d’eau ? Des questions sans réponses.
Deux poids deux mesures
« Ici c’est chez Delphin », a crié le chef de zone Nyakabiga. Ce dernier a téléphoné au propriétaire de ce kiosque en bois, juste pour lui dire qu’ils venaient de passer chez lui. » Pourtant, cette petite boutique à la 10ème avenue à Nyakabiga II est construite de façon anarchique. Curieusement, elle est sauvée.
Tous ceux qui sont là sont étonnés. Des questions surgissent de partout : « Pourquoi ce kiosque n’est pas détruit alors qu’il ne remplit pas les normes de l’urbanisme ? » D’autres murmurent : « Ce kiosque appartient à l’un des leurs. »
Ce n’est pas le seul kiosque rescapé de la démolition. Devant et à côté des bureaux de la zone Nyakabiga, des kiosques en bois n’ont pas été détruits.
« Pas sur les caniveaux ou sur la voie publique ! »
Selon Rénovat Sindayihebura, l’administrateur de la commune urbaine de Mukaza, ces kiosques ne respectent pas les normes de l’urbanisme et gênent la circulation et beaucoup d’entre eux n’avaient pas d’autorisations : « Ces boutiques et ces ponceaux sont à l’origine des déchets qui s’accumulent dans les caniveaux et gênent la circulation et plus de 90% n’avaient pas d’autorisation », a-t-il expliqué.
Les propriétaires concernés par les démolitions eux affirment qu’ils ont des autorisations : « Nous payons des impôts et la somme va dans le compte de la mairie, comment je peux les payer alors que je n’ai pas une autorisation de travailler ?» demande le propriétaire d’un secrétariat public détruit.
M. Sindayihebura fait savoir que les concernés ont été avertis une semaine plutôt : « Nous avons adressé une mise en demeure à tous les propriétaires de ces petites boutiques pour leur donner une semaine afin qu’ils puissent les enlever eux-mêmes ».
Ces derniers rétorquent que l’information de détruire leurs boutiques a circulé la veille de bouche à l’oreille e: « Ils ne nous ont pas donné du temps, nous ne l’avons su qu’hier soir », fait-il savoir.
Ces démolitions ont commencé la semaine passée et elles vont se poursuivre dans d’autres quartiers. L’administrateur de la commune Mukaza suggère aux petits commerçants de s’organiser en coopérative.