Le 9 janvier 2025, une délégation du ministère ayant les infrastructures dans ses attributions s’est rendue à Gasenyi pour rencontrer les propriétaires des parcelles concernées par le projet de délimitation du domaine présidentiel. Lors de cette réunion, il leur a été promis que les mesures définitives seront communiquées d’ici un mois. Malgré cette assurance, les habitants demeurent sceptiques.
Lors d’une émission publique tenue le 27 décembre 2024 à Karusi, le chef de l’État, Évariste Ndayishimiye, a révélé que l’espace initialement prévu pour le palais présidentiel à Gasenyi ne serait plus utilisé. « Après des investigations, il a été établi que le palais de Kiriri a été construit sur un domaine public. Ainsi, le palais présidentiel restera à Kiriri », a-t-il déclaré.
Cette annonce a suscité des réactions mitigées chez les résidents de Gasenyi, qui espèrent enfin obtenir des éclaircissements sur le sort de leurs terres après des années d’incertitude. Égide Nijimbere, secrétaire permanent au ministère des Infrastructures, de l’Equipement et des Logements sociaux a rassuré les habitants en affirmant que la délimitation du périmètre présidentiel serait finalisée dans un délai d’un mois. Cependant, il a rappelé que toute activité dans cette zone reste interdite jusqu’à nouvel ordre.
Sur place, à Gasenyi situé dans la commune Mutimbuzi de la province de Bujumbura, évoquer les parcelles situées dans les 160 ha concernés reste un sujet sensible. « Beaucoup de propriétaires deviennent nerveux lorsque ce sujet est abordé, » confient des jeunes masses près d’une boutique de la localité. Les habitants, pour la plupart, attendent de voir si les promesses seront tenues. « Espérons que ce délai d’un mois ne sera pas une nouvelle fois dépassé », murmurent certains avec méfiance.
Sous couvert d’anonymat, un autre habitant de Gasenyi exprime sa frustration. « Nous sommes fatigués de voir nos parcelles interdites d’accès depuis tant d’années. Que ce délai soit enfin respecté et que justice soit faite ! », hurle-t-il.
D’autres préfèrent par contre attendre avec espoir les résultats du processus. « Peu importe la décision qui sera prise concernant ma parcelle. Je m’y conformerai. J’ai confiance dans la transparence annoncée par les autorités », raconte calmement par exemple une femme rencontrée sur place.
Une indemnisation pas suffisante
Consolate Uwimana, une résidente de Gasenyi ayant participé à la réunion, se réjouit de l’annonce du président. « Enfin, nous pourrons exploiter nos terres en toute tranquillité, du moins pour ceux qui se trouveront en dehors du périmètre », dit-elle avec un soupir de soulagement. Elle confirme également la réduction des 160 ha initialement prévus.
Selon elle, les autorités ont annoncé que les résidents concernés par l’expropriation seront indemnisés. Les autres qui se trouvent hors du périmètre pourront récupérer leurs parcelles. Néanmoins, certains habitants restent inquiets. « La somme prévue, soit cinq millions de FBu par are, risque d’être insuffisante pour acheter une nouvelle parcelle où se construire une autre maison », déplore une propriétaire.
Un manque de planification
Pour Emery Niyukuri, spécialiste du droit foncier et professeur d’université, ce projet a souffert d’un manque de planification. « La volonté du président est louable. Mais, ce processus a été marqué par une mauvaise anticipation », analyse-t-il.
Il rappelle que le code foncier burundais, dans son article 411 exige une indemnisation juste et préalable : « Le paiement de l’indemnisation d’expropriation pour cause d’utilité publique, est en tous les cas préalables, à toute action de déplacement de la personne expropriée. »
Il en est aussi ainsi dans la Constitution burundaise dans son article 36. Le juriste soutient et explique la mesure d’interdiction de toute autre construction dans ce périmètre. D’après lui, il y aurait une perte à deux niveaux sur le compte de l’Etat. L’État indemniserait en effet et pour la terre et pour les constructions qui vont être détruites à la fois.
Ceux qui étaient dans le périmètre où est construit l’immeuble présidentiel ont d’abord été expropriés puis indemnisés par après. Pourtant, dans l’ ordonnance ministérielle conjointe (signée par le ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage et le ministère des Finances, du Budget et de la Planification économique) N°710/540/553 du 24 mai 2022 portant actualisation des tarifs d’indemnisation des terres, des cultures et des constructions en cas d’expropriation pour cause d’utilité publique ,il est stipulé qu’« en cas d’urgence constatée et dans tous les cas après paiement de l’indemnité d’expropriation, l’autorité compétente peut ordonner de faire quitter urgemment l’exproprié nonobstant tout recours judiciaire.»
Il y aura collaboration et transparence
Égide Nijimbere a tenu à rassurer les résidents en promettant un processus transparent. La délimitation sera effectuée par une équipe technique du ministère ayant les infrastructures dans ses attributions en collaboration avec un comité des représentants des propriétaires de parcelles locaux, a-t-il fait savoir. Cette approche vise à renforcer la confiance et à dissiper les doutes.
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