La majorité des partis politiques ont signé la feuille de route à Kayanza. L’opposition rejette le document. Quatre questions pour comprendre le désaccord.
1. Quid de l’authenticité et de la valeur du document ?
Certains leaders de l’opposition s’interrogent sur l’authenticité du document final et de sa valeur juridique. En effet, la Feuille de route rendue publique par le ministère de l’Intérieur et de la Formation patriotique comporte deux documents.
L’un avec les différents points qui la composent est paraphé en bas de page et l’autre montre la liste des participants avec leurs signatures. «La liste des signataires est-elle assimilable à celle des participants ? », se demande M. Sibomana, absent à Kayanza. Mais Térence Ntahiraja, assistant du ministre, persiste et signe. « Elle a bel et bien été signée. Seul le Frodebu et le Ranac n’ont pas apposé leurs signatures sur ce document.» Phénias Nigaba, représentant le Frodebu, ironise. «Sur la liste des participants, il apparaît même deux signatures du parti libéral. Une façon de gonfler le nombre de participants». Une simple erreur dira le porte-parole du ministère de l’Intérieur.
Pour M. Sibomana le document en circulation n’a aucune valeur, n’est pas signé mais « paraphé. »
2. Le temps était-il suffisant ?
L’opposition se demande si quatre heures suffisent pour confectionner un document d’une telle importance. L’assistant du ministre dédramatise. «C’était plutôt facile car les politiciens étaient déjà dans le bain. Ils avaient toutes les références nécessaires pour l’élaborer». Là, il fait allusion à la Feuille de route de Kayanza de 2013 et les clauses sorties à la dernière session d’Arusha. Et de rappeler que lors de la dernière rencontre, 19 points ont trouvé le consensus de tout le monde. 11 points constituaient les points de divergence entre différents protagonistes.
Néanmoins, M. Ntahiraja affirme que parmi ces onze points, seuls deux étaient jugés importants : annuler les mandats d’arrêt suspendus sur les têtes des opposants en exil et associer les soi-disant groupes armés au processus de négociation. «Il n’y a pas de groupes armés au Burundi. Non plus, le gouvernement ne peut pas empêcher la justice de faire son travail », explique-t-il. Cependant, même pour les personnes poursuivies, Térence Ntahiraja n’exclut pas la possibilité d’une révision de leur cas. «Ils peuvent se rendre ou demander pardon ».
Sinon, dit-il, la feuille de route contient toutes les propositions reflétant les positions des uns et des autres.
3. Le gouvernement est-il juge et partie ?
C’est l’autre reproche de l’opposition. Tatien Sibomana fustige le fait que le ministère de l’Intérieur organise les débats alors qu’il est un des «stakeholders». Il recommande que la Feuille de route soit examinée à Arusha. Au contraire, la feuille de route prône l’internalisation du dialogue inter-burundais pour poursuivre les débats sur les questions de divergence et sur la mise en application des points de convergence.
L’assistant du ministre est clair : «Le chemin menant vers Arusha est révolu. La plupart des questions ont été vidées par la nouvelle Constitution ». Ce point de vue est partagé par Abel Gashatsi, président de l’Uprona, qui adhère entièrement à la feuille de route. « Que le ministère de l’Intérieur ait organisé le conclave de Kayanza n’est pas un problème.» Pour lui, ceux qui rechignent à signer la feuille de route, ne veulent pas d’élections. Ils veulent des gouvernements de transition.
4. La feuille de route rassure-t-elle l’opposition ?
Non, dit Tatien Sibomana. « C’est un leurre» et d’après lui, elle a déjà enterré l’accord d’Arusha. Faux, rétorque Térence Ntahiraja qui encense naturellement la feuille de route. « Elle garantit les libertés politiques et l’ouverture de l’espace politique pour tous les partis politiques et les indépendants.»
D’après lui, la feuille de route ravive la flamme de l’Accord d’Arusha. Elle stipule que les acteurs doivent se réengager à respecter cet accord. Pour Phénias Nigaba, la Constitution du 7 mai a déjà enterré l’accord. Quant aux libertés politiques, il dit qu’elles sont toujours bafouées et l’espace politique verrouillé. Autre point de divergence, la question des réfugiés. Dans la feuille de route, le gouvernement encourage le retour de ceux qui ont fui «les rumeurs propagées » au cours des élections de 2015. Des mesures seront adoptées pour faciliter le rapatriement des biens des exilés désirant regagner le pays.
Une dérogation spéciale d’enrôlement sera accordée à tous les rapatriés et les autres en âge de voter.