Par René Lemarchand (Université de Floride)
Le Professeur Lemarchand a beaucoup travaillé sur les crises burundaises. Pour lui, il est difficile d’arriver à un consensus sur la définition du « génocide » car dit-il, « tous les génocides se ressemblent par l’atrocité des crimes qui les inspirent, mais chacun est unique. » Dans une remarquable présentation qu’il a faite lors d’un colloque à Strasbourg en 2018, et qu’il nous a autorisées à partager avec nos lecteurs, le chercheur explique la dynamique du meurtre de masse mais aussi la façon dont « la mémoire peut-être manipulée ». M. Lemarchand estime que l’intérêt n’est pas de réécrire l’histoire, mais de lui donner une nouvelle dimension. Il s’interroge : « Comment élargir le champ du récit pour tenir compte du vécu des uns et des autres, des victimes et des bourreaux ? Comment alléger la charge morale du passé dans l’intérêt d’une nouvelle vision de l’avenir ? » . Pour aboutir à une véritable réconciliation, il faudrait , prévient-il, que « le devoir de mémoire ne soit pas au service de la communauté au pouvoir ». Le débat reste ouvert et Iwacu publiera volontiers vos réactions pour autant qu’elles respectent la charte de notre forum. Antoine Kaburahe
Le silence sinon l’indifférence de la communauté internationale en 1972
Les terribles évènements qui ensanglantèrent le Burundi en 1972 sont toujours bien présents à ma mémoire. Ce premier génocide de l’Afrique indépendante m’a bouleversé : parce que j’ai perdu des amis ; j’ai été bouleversé par l’étendue du bain de sang, mais aussi par le silence sinon l’indifférence de la communauté internationale. Curieusement, c’est de la plume du Président Nixon que nous est parvenue, après avoir été longtemps enfouie dans les archives, la réaction la plus outrée d’un chef d’Etat devant l’horreur des massacres(1). Ceci est particulièrement étonnant lorsqu’on songe à l’attention médiatique suscitée par le génocide rwandais vingt-deux ans plus tard.
A cela plusieurs explications : la position marginale de ce minuscule pays, la complexité de son système politique, l’extrême méfiance des autorités du Burundi vis-à-vis des médias occidentaux et leur souci d’imposer leur propre version des évènements. Celle-ci peut se résumer en quelques mots : devant la menace d’un génocide de la minorité Tutsi par les rebelles Hutu, fruit d’un complot ourdi en connivence avec les syndicats chrétiens de Belgique, le gouvernement a pris les mesures qui s’imposaient, à savoir la dissolution du gouvernement, la proclamation de l’état d’urgence, et la « neutralisation » des insurgés grâce à l’intervention rapide de l’armée et de la police, l’une et l’autre simultanément purgée de leurs éléments suspects.
L’examen des faits ne résiste guère à cette image d’Epinal
Mon propos n’est pas de faire une synthèse des nombreux travaux consacrés au thème de ce colloque. Je me contenterai d’un bref rappel des faits, suivi d’un examen critique des interprétations qui les entourent, et en guise de conclusion une réflexion sur les mémoires collectives face aux dangers qui menacent le Burundi.
Les faits
L’origine du drame s’inscrit à deux niveaux : dans la politique d’exclusion plus ou moins systématique pratiquée par chaque gouvernement depuis l’indépendance vis-à-vis des élites issues de communautés Hutu ; à ceci s’ajoute l’impact déterminant de la « révolution Hutu » du Rwanda (1959-1962), activement encouragée par les autorités de la tutelle ; les retombées de ce drame – auquel s’ajoutent les séquelles de la crise de 1964- s’inscrivent dans la présence au Burundi de dizaines de milliers de réfugiés tutsis, désemparés, démunis, dépossédés de leurs biens .
Le premier de ces facteurs est indissociable du recours à la violence par une petite minorité d’éléments Hutu, dont les incitations au meurtre, indéniables, évoquent aux yeux de certains observateurs, une dimension « génocidaire » hautement contestable ; le second, entretenu par l’exemple du Rwanda républicain, explique la peur quasi pathologique qui n’a cessé de marquer l’attitude de la minorité Tutsi devant la menace d’une tyrannie de la majorité. Ce qui ne justifie d’aucune manière la brutalité d’une répression qui, nous le verrons, s’est rapidement transformée en génocide.
L’élément déclencheur du drame -que les Barundi nomment ikiza, le fléau -c’est évidemment l’insurrection Hutu qui éclata le 29 avril à Rumonge, et s’étendit rapidement dans les régions de Nyanza Lac et de Bururi . Les pertes humaines qui ont accompagné cette flambée de violence sont impossibles à évaluer de façon précise, et ceci vaut également pour les terribles représailles qui s’ensuivirent. La seule chose certaine c’est l’écart qui les sépare. Selon les évaluations de Jean-Pierre Chrétien et Jean-François Dupaquier, auteurs d’un remarquable ouvrage, publié 25 ans après les faits -mais dont le titre, Burundi 1972 au bord des génocides(2), prête à confusion -l’insurrection Hutu s’est soldée par un millier de morts Tutsi, alors que le déploiement de l’appareil répressif a fait, au cours des mois, au moins 100 000 morts au sein de la population Hutu. Un témoin d’origine princière (ganwa), Boniface Kiraranganiya, parle de 200 000 à 300 000 morts(3).
L’épreuve se déroule en trois temps. En premier lieu la répression des zones d’insurrection, menée dès le 29 avril avec une extrême brutalité, qui s’exprime par les tueries massives de populations dans chaque commune « rebelle » (Rutovu, Vugizo, Martyazo, Rumonge, etc.), ainsi que par l’assassinat, le même jour, du dernier roi du pays, Ntare V, incarnation d’une légitimité susceptible de se traduire à tout moment en menace pour le régime.
Presque au même moment l’armée et la police sont la cible d’une épuration ethnique qui se solde par l’élimination de presque la totalité des 750 soldats Hutu engagés dans la répression, ainsi que des quelques cadres Hutu admis au sein de l’armée, comme le très brillant Commandant Martin Ndayahoze. La gendarmerie n’est pas épargnée : un coopérant belge chargé de leur paye note la disparition de 290 d’entre eux(4).
Le dernier stade, celui qui marque la répression du sceau du génocide, s’échelonne sur une période de trois mois, et prend la forme de rafles systématiques à travers le pays visant à éliminer toute présence d’éléments Hutu, adolescents ou adultes, se réclamant d’une éducation scolaire, universitaire ou professionnelle. Chrétien et Dupaquier décrivent ce sinistre scénario : « Le système des rafles suivies de l’extermination le soir même est planifié depuis le 5 mai dans les administrations ou entreprises de Bujumbura et dans les établissements d’enseignement. Ce système gagne de proche en proche l’intérieur du pays. S’il n’y a pas a notre connaissance d’instructions écrites, tout se passe comme si une main invisible dirigeait partout, de la même façon méthodique et vigilante, l’élimination des élites Hutu, depuis le paysan aisé et moderniste jusqu’au ministre et au banquier… A Bujumbura la purge des ministres fait disparaitre en quelques jours la quasi-totalité des fonctionnaires Hutu, jusqu’aux misérables zamu (gardiens)(5). » Un des témoins interrogés, un Tutsi, ajoute : « On arrêtait les gens partout, dans les cabarets, au marché, sur les collines, au sortir de l’église, à la maison… Les gens arrêtés étaient battus, ligotés et entassés dans des camions destinés à transporter des marchandises. une femme enceinte arrêtée à une vingtaine de kilomètres de Gitega. Elle avorta dans son camion durant son voyage à Gitega. »(6)
Derrière la chorégraphie du meurtre de masse, il y a une orchestration, une organisation, des moyens techniques. L’identité des principaux meneurs est connue. Ils s’appellent Arthémon Simbananiye, Albert Shibura, André Yanda, respectivement ministre de la Justice, chef d’état-major et premier secrétaire de la Jeunesse Révolutionnaire Rwagasore (JRR). Cette milice-malgré ses dissentions internes et la diversité ethnique de ses membres joue un rôle capital dans l’organisation des massacres : c’est elle qui ratisse les écoles et les administrations, identifie les victimes, les traque de jour et de nuit, et les conduit devant leurs bourreaux. Tandis que la JRR se livre à sa sale besogne, les organisations internationales chargées des aides au développement sont mises à contribution, de gré ou de force, pour les moyens logistiques : les véhicules, les camions de transport, les bennes destinés à déverser leur chargement vers les fosses communes sont en partie fournis par l’aide internationale. « Dès la première semaine de la répression, les Land Rovers jaunes de l’UNICEF, l’OMS et de l’ONU, qui avaient été octroyés à divers services sociaux, sont confisquées pour l’extermination »(7).
Ce qui reste matière à controverse, et suscite des interprétations contradictoires, a trait aux motivations : comment comprendre les mobiles qui ont présidé à de telles horreurs ?
Interprétations
Le titre de cette réunion nous offre une piste, celle du racisme, qui évoque, parmi d’autres génocides, la Shoah. Sans doute est-ce le dénominateur commun des trop nombreux drames du siècle dernier. Dans le contexte du Burundi des années 70, cependant, le terme pose problème. Parler de races au Burundi est un contresens, même si les références raciales ont longtemps nourri les fantasmes et préjugés du colonisateur(8). Que celles-ci aient, par colonisateur interposé, influencé de manière significative et durable, les perceptions des acteurs en présence n’est pas évident. Albert Memmi, l’auteur du célèbre Portrait du Colonisé, exprime les réserves suivantes à propos de l’usage du terme : « Le mot racisme suggère habituellement un refus biologique, une accusation biologique… Dans le racisme il y a uniquement race. Or dans beaucoup de cas, on s’aperçoit qu’il y a surtout une exclusion ou une agression qui ne sont pas nécessairement biologiques, qui sont par exemple psychologiques ou culturelles. »(9) A cette distinction nous reviendrons .
Malgré ces réserves la dimension raciste s’exprime clairement dans l’accusation de génocide lancée par le gouvernement vis-à-vis des rebelles Hutu. Celle-ci est plus amplement développée dans son Livre blanc ainsi que dans les témoignages rédigés par un des principaux instigateurs de la répression, Albert Shibura(10). La notion d’un génocide à sens unique, né d’un racisme Hutu manipulé par des éléments étrangers, n’est guère convaincante.
Plus nuancé est l’argument formulé par Chrétien et Depaquier, même si l’idée d’un double projet génocidaire, imbriqué l’un dans l’autre, soulève beaucoup de questions. Le titre n’est pas sans ambiguité. Nous sommes dans l’entre deux, au bord des génocides sans jamais y tomber ; les projets génocidaires sont souvent mentionnés, mais jamais menés à bien (ou à mal). Et si l’intention génocidaire des rebelles est clairement énoncée, comment taxer du même vocable un mouvement dont l’objectif prioritaire est d’éliminer un génocide en puissance ? Un génocide peut-il en cacher un autre ?
Ces questionnements nous ramènent à des problèmes de méthode. On peut en effet s’interroger sur la fiabilité de témoignages recueillis trente-cinq ans après les évènements, tout comme on peut douter de la franchise du secrétaire national des JRR, Emile Mwohora, abondamment cité, lorsqu’il décline toute responsabilité dans les massacres, car, dit-il, « les véritables patrons des JRR ce sont les gouverneurs, les administrateurs, les chefs de zone. Ce sont eux ou leurs intermédiaires qui ordonnent d’arrêter tel ou tel… Je n’ai aucune prise sur eux. »(11) Tous coupables, sauf moi !
La fragilité des preuves visant à étayer la thèse des rebelles génocidaires pose également problème lorsque celles-ci se réduisent à un tract emprunté au Livre Blanc. Le plus étonnant, au regard de ce déficit, est l’abondance de matériaux mettant en évidence la responsabilité du gouvernement dans la mise en marche et l’accélération, jour après jour, du processus génocidaire. Comment, dès lors, hésiter sur l’emploi du terme.
Sans doute est-il difficile d’arriver à un consensus sur sa définition. Tous les génocides se ressemblent par l’atrocité des crimes qui les inspirent, mais chacun est unique. C’est ce que démontre Helen Fein dans son travail pionnier sur la typologie des génocides, où elle distingue, parmi d’autres, les génocides de rétorsion (retributive genocide), ou préemptifs, en réponse aux menaces — réelles ou imaginées comme telles — posées a un groupe, des génocides idéologiques, comme la Shoah, étant entendu qu’aucune de ces catégories n’existe à l’état pur, si j’ose dire(12). Or c’est précisément sur l ’ élément de rétorsion ou de préemption qu’il faut insister pour comprendre la dynamique du meurtre de masse commis par le gouvernement du Burundi. Il est difficile de sous-estimer la peur obsidionale créée pour la rébellion à un moment où de très graves divisions, politiques et ethnorégionales, menaceraient non seulement la stabilité des institutions, mais l’existence même de la minorité au pouvoir.
Paradoxalement, la menace d’un meurtre immanent se transforme en effet d’aubaine sous la pression des évènements et les mises en garde des médias. De nouvelles solidarités se forgent ; les liens se resserrent entre les communautés et les individus pris dans le collimateur génocidaire. Il n’y a plus de Hima et de Banyaruguru, de monarchistes et de républicains, de régionalismes du nord et du sud. L’ identité Tutsi se réaffirme en tant que groupe ethnique en même temps que se renouvelle son soutien indéfectible à l’Etat salvateur.
Au cours des vingt prochaines années se met en place un Etat rigoureusement mono-ethnique, mis à part une poignée de figurants Hutu à des postes subalternes. L’exclusion des Hutu n’est plus, à proprement parler, une politique de l’Etat. Elle s’est faite par le vide- et par le sang. Il faudra attendre une quarantaine d’années, accompagnées par de multiples affrontements, pour assister à un nouveau départ vers la démocratie. L’arrivée se fait péniblement attendre.
La mémoire et l’oubli
« Le passé n’est jamais mort et enterré, il n’est même jamais passé ». Le mot de William Faulkner reste d’actualité. L’ombre des tueries de 1972 continue à hanter les mémoires de dizaines de milliers de veuves et d’orphelins. Que signifie le devoir de mémoire lorsque le deuil, comme le crime, est partagé ?
Sans entrer dans les détails, soulignons la triste ironie de l’histoire récente. Le projet de reconstruction de l’Etat sur la base d’un partage du pouvoir — initialement salué comme un progrès exemplaire vers la démocratie pluraliste, augurait de lendemains chantants. A l’aune de leurs Constitutions et des relations inter-ethniques le Burundi de Micombero n’a en effet rien de commun avec celui de Nkurunziza. Un regard plus attentif révèle néanmoins de surprenants parallèles. Non seulement au niveau des institutions — dans un cas comme dans l’autre un parti dominant, soutenu par des jeunesses inféodées au régime, un appareil policier et des services de renseignement omniprésents — mais aussi par la façon dont la mémoire est manipulée. Aujourd’hui comme en 1972, le devoir de mémoire est au service de la communauté au pouvoir ; l’oubli ne frappe que celle qui en est exclue. Malgré la présence d’éléments Tutsi au sein des institutions gouvernementales, en conformité avec la constitution de 2001, le Burundi du Président Nkurunziza ne cache pas son parti pris. Car si les crimes extrajudiciaires commis par les tenants du pouvoir sont difficiles à chiffrer, nous savons que la vaste majorité des victimes est d’origine Tutsi. L’exode massif de quelque trente mille réfugiés Tutsi vers le Rwanda en est la preuve. Non moins évidente est la falsification de l’histoire pour jeter l’opprobre sur la minorité Tutsi. Celle-ci, nous apprend un communiqué officiel(13), est globalement responsable de « l’assassinat du Prince Rwagasore en 1961, de l’assassinat du Premier ministre Pierre Ngendadumwe en 1965, et des massacres de nombreux innocents qui ont suivi ainsi que le génocide de 1972-1973 ». Ce qui reste dans l’ombre ce sont les crimes commis par les représentants de la communauté Hutu en 1972, tout comme le furent ceux imputés à la communauté Tutsi au cours des vingt années suivantes.
Lorsque l’histoire se réduit à une série de vengeances réciproques, lorsqu’aucune communauté ne peut revendiquer le monopole de l’horreur, lorsque les » assassins de la mémoire », pour reprendre l’expression de Vidal-Naquet, sont présents de chaque côté de la barrière, on peut s’interroger sur l’utilité du devoir de mémoire. Ne faudrait-il pas tout oublier pour tout pardonner ? C’est, à peu de chose près, réduit à sa plus simple expression, le message de David Rieff dans son livre sur l’éloge de l’oubli(14). A supposer, dit-il, que soit justifiée l’obligation morale de se souvenir de l’indicible, que faire de cette mémoire récupérée ? Comment l’empêcher d’être mobilisée à nouveau a des fins conflictuelles ?
Les réponses sont loin d’être évidentes. Tenter d’y répondre nous entrainerait trop loin. Il existe néanmoins une manière de les approcher qui me semble singulièrement pertinente dans le contexte du Burundi ; c’est celle que nous suggère Paul Ricœur dans un magnifique essai sur le thème du pardon. La véritable question n’est pas de savoir si l’oubli est préférable à la mémoire ou vice versa, mais de mieux comprendre de quelle mémoire il s’agit, étant donné que celle-ci est toujours sélective, et susceptible d’être remise en question. Pour ouvrir la voie à la réconciliation, dit-il, le travail de mémoire — car c’est de cela qu’il s’agit — s’apparente à ce que Freud appelle la translaboration (en anglais « working through » ). « On ne peut défaire ce qui a été fait » dit Ricœur, « ce qui peut être changé du passé c’est sa charge morale, son poids de dette par lesquels il pèse à la fois sur le projet et sur le présent… C’est bien ainsi que le travail du souvenir nous met sur la voie du pardon dans la mesure où celui-ci ouvre la perspective d’une délivrance de la dette par conversion du sens même du passé »(15). Ce remaniement du passé, ajoute Ricœur, consiste « à raconter autrement les histoires du passé, à les raconter du point de vue de l’autre, mon ami et mon adversaire »(16). L’objet n’est pas de réécrire l’histoire, mais de lui donner une nouvelle dimension. Comment élargir le champ du récit pour tenir compte du vécu des uns et des autres, des victimes et des bourreaux ? Comment alléger la charge morale du passé dans l’intérêt d’une nouvelle vision de l’avenir ? Les enjeux de ces questions, personne ne les connait mieux que les Barundi ; c’est à eux, en définitive, de suggérer les réponses.
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(1) Voir R. Lemarchand, “Burundi 1972: Genocide Denied, Revised and Remembered”, in Lemarchand, Forgotten Genocides:Oblivion, Denial and Memory (University of Pennsylvania Press, 2011), p. 38. Voir aussi “The Burundi Killings of 1972”, Online Encyclopedia of Mass Violence, June 2008, Edited by Jacques Sémelin, Sciences Po.
(2) Jean-Pierre Chrétien et Jean-Francois Dupaquier, Burundi 1972: Aubord des génocides (Karthala 2007)
(3) Boniface Kiraranganaya, La vérité sur le Burundi (Sherbrooke, Namaan 1977)
(4) Chrétien et Dupaquier, p. 183-184.
(5) Ibid. p. 181
(6) Ibid. p. 186
(7) Ibid. p. 256
(8) Le terme “race” n’existe pas en Kirundi, ni le terme “ethnie”. La traduction la plus proche est “ubwoko”, qui signifie, grosso modo, “division”; seul le contexte indique de quelle division ils’agit.
(9) Albert Memmi, Un entretien avec Robert Davies (Montreal, Edition l’étincelle), p. 9.
(10) Livre blanc surles évènements de 1972 (Bujumbura 1972); Albert Shibura, Témoignages, (Bujumbura, juillet 1993). Pour Shibura l’histoire du Burundi se réduit à une succession de génocides (1965,1972-1973 ou de tentatives de génocides (1969), toutes ciblées sur la communauté Tutsi,avec la connivence de “puissances exterieures”.
(11) Chrétien et Dupaquier, p. 252.
(12) Helen Fein, “Genocide: A Sociological Perspective”, Curent Sociology, Volume 38,Number 1 (Spring 1990), pp. 88-91. Voir aussi Leo Kuper, The Pity of It All: Polarisation of Racial and Ethnic Relations (Minneapolis, University of Minnesota 1977).
(13) Communiqué 003 du parti Conseil National de la Révolution-Forces pur laDéfense de la Démocratie (CNDD-FDD).
(14) David Rieff, In Praise of Forgetting: Historical Memory and its Ironies (Yale University Press, 2011), publié également sous le titre Against Remembrance (Melbourne University Press, 2011).
(15) Paul Ricoeur, « Le pardon peut-il guérir? », Esprit, Mars-Avril 1995, p. 79-80.
(16) Ibid. p. 79
Je remercie chacun de mes interlocuteurs. Leurs réponses ouvrent des points de vue différents, mais donnent un relief inédit aux tristes événements de 1972. Ces événements, que j’ai vécus de très près (j’ai 90ans) je ne les oublierai jamais. Je pense quant à moi que la CVR, qui a pour la première fois en a révelé l’horreur, mérite les félicitations de tous ceux qui s’efforcent de connaître la vérité, même si toute la vérité ne sera probablement jamais connue.
Amahoro.
René Lemarchand
Une réflexion de R Lemarchand que je partage à 100% surtout dans sa conclusion que ce ne sont que des Barundi en définitive qui vont suggérer les vraies « réponses d’une nouvelle vision de l’avenir » en cherchant à alléger la « charge morale du passé ». Des psychotraumatismes générés par les crises sociopolitiques répétées ont entrainé des séquelles et cicatrices indélébiles qui se répercutent sur plusieurs générations avec une transmission des profils d’attachements dysfonctionnels avec une intégration des pertes très prolongée. Et c’est dans les savoirs et codes culturels burundais où nichent les solutions viables à long terme et non dans les « machins »régionaux et/ou internationaux.
Même Jean Pierre Chrétien et Dupaquier ont utilisé « Au bord des génocides « . P. Claver et le système DD qui ne veulent pas des bakoloni sont devenus experts dans l’usage de leur langue: génocide, crime contre l’humanité…pourquoi cette excellence opportuniste. Quand ça les arrangent le journaliste transitant par ambassadeur devient interprète de la loi internationale alors que l’international est honni dans leur discours populiste. Si CVR émane de Arusha, elle doit se conformer à suivre la loi internationale
P Claver a toujours dit qu’il devait écouter tous les témoins à l’extérieur et à l’intérieur. Qui a-t-il écouté ? Ceux qui ont invité Batungwanayo et Ndayicariye pour discuter ont essayé un non recevoir: votre groupe n’est pas enregistré au Burundi. Quelle hypocrisie? La réconciliation n’est pas une simple tape sur l’épaule pour dire que tout est en ordre. L’avancée au bulldozer n’est pas la panacée. La sagesse. L’écoute. La conciliation. C’est le remède. La méthode ndayicarienne n’apporte aucune réconciliation si ce n’est que la vengeance étalée au grand public.
Ca fait mal pour certains de rappeler les évènements de 72. Mais, mais quia vécu avec ma grand-mère, dont le mari et le fils aîné furent tué pour seul motif qu’ils sont d’ethnie hutu, je ne vois pas en quoi la CVR peut etre honni. Longtemps, la formule fut: « Nta kuzura akaboze »= Ne faut pas reveiller les vieux demons. Bon en sommes, une partie du peuple a souffert, beaucoup même. Le fait que l’histoire recente n’a jamais reconnu ces faits, ne portons pas l’accusations a la CVR, la CVR parle des faits, de l’histoire, et cette histoire…c’est un génocide, qui s’est arrêté en cours, grâce a l’oeil des voisins et de la communauté Inter, sinon, un peuple entier serait effacé
Mes excuses je n’ai pas d’accents francais. M. Lemarchand formule e n termes clairs nos interrogations sur la justice des vainqueurs. C’est dans ce contexte qu’une question morale se pose: un regime accuse de crimes contre l’humanite et de crimes de genocide est-il en droit d’entreprendre une oeuvre aussi grave que la CVR? Je continue a croire que la CVR est une couteuse et inutile justice des vainqueurs qui n’apportera ni la verite ni la reconciliation. Elle est dirigee par des militants ideologues au service de la cause et sans aucune autorite morale pour chercher la verite et la reconciliation. Conclusion: un couteux exercice en futilite. Le pays le plus pauvre, le plus arriere et le plus malheureux du monde doit compter le moindre sou.
Merci à René Lemarchand.
Je pense de Mon côté que la CVR a pour mission principale d’établir la Verité, sur base de laquelle la Reconciliation Sera possible. Je n’ai aucun doute qu’il y a eu un génocide de rétorsion au Burundi contre les hutus « évolués ». L’instauration systématique d’un apartheid ethnique contre les hutus par les pouvoirs hima qui se sont succédés suffit à démontrer l’intention du genocide de retorsion de 1972.
Ce qui est cependant urgent n’était pas de déclarer tout de go qu’il y a EU genocide contre les hutus mais plutôt de rétablir les faits, analyser les intentions derrière les crimes( guerre, contre l’humanité, de genocide etc..) et essayer de les communiquer à l’interieur et a l’exterieur du pays, notamment auprès des instances regionales et internationales. Car pour le moment depuis la crise de 2015, l’essentiel est de credibiiser le travail de la CVR.
Après tout l’essentiel serait de comprendre pourquoi des gens à un certain moment les gens se sont cimportés comme des feroces.
Car meme les enfants ou petits enfants des bourreaux ont besoin de comprendre CE qui s’est passé pour leurs parents.
Car on ne doit pas oublier que ces enfants doivent être protégés psychologiquement et physiquement contre un lynchage populaire. On doit aussi éviter une condamnation de masse ou des regions.
Après suivrait la réparation par le gouvernement aux victimes, puis la reconciliation en profondeur par la justice qui suivrait le schéma des tribunaux Gacaca au Rwanda.
Faute de quoi la CVR est partie pour rater le but
Bien dit par René. Ce qui se pratique au Burundi c’est la politique du violent vainqueur. Hier Micombero. Aujourd’hui Nkurunziza ou Ndayishimiye. Ceci ne réconcilie pas le peuple. La situation profite à une oligarchie. Le peuple croupit dans une misère sans nom: hutu et tutsi dans leur bananeraie. Le Cndd Fdd nous dit que ce sont les bakoloni qui veulent saper notre indépendance. Pourquoi adopter leur mode de vie: voitures, compte bancaires, luxes importés ? Pourquoi utiliser leur mode de concevoir : génocide, crime contre l’humanité,.. Aujourd’hui des hutu viennent de blanchir les divers massacres organisés . Demain un groupe plus humain et pacifique révisera ces décisions et définitions pour les rendre plus conciliants
Une très bonne présentation de Réné. A mon avis,je pense que tout prossus du travail de mémoire doit déboucher sur une mémoire partagée c’est-à-dire à une véritable réconciliation nationale.
D’un bout à l’autre de la planète,les États sont aujourd’hui confrontés à des visons concurrentes et alternatives du passé qui mettent en cause la domination de l’histoire nationale.
Ce qui se passe au Burundi à travers la CVR n’est autre chose que ça. Cette commission vient d’affirmer publiquement que les crimes commis par le gouvernement Micombero sont qualifiés de génocide perpétré par ce gouvernement à l’endroit de « l’ethnie hutue ».
Je n’ignore pas que les burundais ont besoin d’une vérité sur les commanditaires de ces massacres et ainsi arriver à une réconciliation effective des burundais où nous allons obrver ces derniers vivre comme des plus-que -frères.
Mais comment peut-on arriver là?Les historiens Paul Ricoeur et Todorov parlent respectivement d’une mémoire manipulée et abusivement recommandée et de la banalisation et sacralisation de la mémoire !
Et à la suite de ces deux éminents historiens spécialistes de la mémoire, la CVR est-elle au service de la communauté ou du pouvoir politique en place?N’est-elle pas un autre appareil idéologique de l’Etat visant à cacher les différentes faiblesses de ce dernier où chercher à légitimer les actions du pouvoir politique en place surtout à des fins électoralistes ? Le dialogue intercommunautaire dit avoir initié par la CVR nous conduira à la cause?? N’y a t-il pas un enjeu caché d’affirmer publiquement et de façon précipitée les massacres de 72-73 comme un génocide des hutus?
De toutes les façons, les burundais ont besoin de vivre ensemble comme des frères et sœurs et je reste convaincu comme Todorov que la mémoire constitue un moyen de construction mais lorsqu’elle est manipulée ou abusivement recommandée ,bannalisée ou sacralisée, elle ne peut être ni source de construction ni de réconciliation.Ce n’est pas d’ailleurs le nombre d’informateurs qui fait que l’information soit une vérité.La réconciliation est le résultat d’un dialogue sociale sincère.
Une juste mémoire (Ricoeur) est à mon avis utile et nécessaire pour arriver à la réconciliation.
Pour le Burundi, des lois d’armistice et l’exigence de réparation et de répentance sont nécessaires avant bien sûr de connaître les commanditaires des malheureures qui ont endeuillé le Burundi surtout ceux de 72 étant donné que aussi bien les tutsi que les hutus ont été tué même si les chiffres ne sont pas identiques les uns des autres.
Merci de corriger car, en 1994 au Rwanda, il n’y a pas eu de génocide rwandais, mais bel et bien le Génocide contre les Tutsi du Rwanda. A noter que ceci a été reconnu comme tel par les Nations Unies ainsi que par le Tribunal Pénal International mis en place pour le Rwanda.
@John
Le génocide des tutsis rwandais s’est passé au Rwanda. Donc c’est un génocide rwandais. A moins que vous estimiez que ces tutsis ne sont plus rwandais. Ou que le Rwanda soit devenu un tutsiland.
Impressionné par cette présentation de René Lemarchand, dont j’avais lu l’ouvrage sur les massacres de 1972.
Je vois surtout, dans ces réflexions de 2018, un appel à l’action, face aux exigences de l’avenir. S’extraire de la mémoire de ces atrocités commises et renouvellées, de ces deuils impossibles et de ces culpablités latentes. Les Burundais étouffent, et les nouvelles générations vont encore se développer dans un climat pourri.
« L’objet n’est pas de réécrire l’histoire, mais de lui donner une nouvelle dimension. Comment élargir le champ du récit pour tenir compte du vécu des uns et des autres, des victimes et des bourreaux ? Comment alléger la charge morale du passé dans l’intérêt d’une nouvelle vision de l’avenir ? Les enjeux de ces questions, personne ne les connait mieux que les Barundi ; c’est à eux, en définitive, de suggérer les réponses. »
Dans la diaspora, il y a des jeunes hutus qui ne respectent plus les bornes et cherchent le contact avec de jeunes tutsis. Le Burundi peut se réinventer.
« Dans la diaspora, il y a des jeunes hutus qui ne respectent plus les bornes et cherchent le contact avec de jeunes tutsis. Le Burundi peut se réinventer.
Répondre »
Je peux vous affirmer qu’au Burundi, les contacts entre les jeunes hutus et les jeunes tutsis sont en encore plus fréquents que dans la diaspora. Mais rien n’est garanti sur le résultat au moyen et long-terme.
Les jeunes hutus et tutsis n’ont pas a entrer en contact puisque ils se fréquente partout, les écoles, les matchs sportifs, les églises etc… Le problème est le même au Burundi et au Rwanda et tout personne adulte en est conscient.
On peut être ensemble et ne pas se fréquenter. Je n’oublierai jamais la période où j’étais à l’école secondaire et qu’on se regardait en chiens de faïence pendant dès années. Je me suis demandé à l’époque ce qui restait pour qu’on scinde le pays en deux pour le bien des 2 ethnies. Donc je suis entièrement d’accord sur le contentieux pendant dans les 2 pays.