Longtemps réservé à la gent masculine, le bâtiment voit arriver de plus en plus femmes. Sans aucun complexe. Elles sont aide-maçons, maçons, voire charpentiers.
<doc2073|left>Bruit des marteaux. Sur un chantier en plein centre ville de la capitale burundaise. Un bâtiment de quatre niveaux est en train d’être érigée. Le soleil est accablant. Poussière et pluie sont le lot quotidien des maçons et aide-maçons, parmi lesquels des femmes. Chose inhabituelle dans la société burundaise. Des foulards couvrent leurs cheveux. Et pour monter à l’aise les échafaudages construits à l’aide de troncs d’arbres, elles portent qui une culotte qui un pantalon que cachent à peine leurs pagnes…
Au moins cinq jours par semaine, elles se pointent à 7 heures du matin pour ne rentrer qu’à 17 heures. Elles passent des heures à soulever les seaux remplies du sable, de gravier ou du moellon. Deux mois que Fatuma Niyongere y travaille comme une aide-maçonne. Son travail lui permet de gagner autour de 3500 Fbu par jour, soit un revenu mensuel de 70.000Fbu. « Durant les 11 mois que va durer le chantier, ma famille aura de quoi manger », se réjouit cette mère de six enfants, en essuyant la sueur de son front.
Le travail est exténuant, mais Fatuma Niyongere n’a pas de choix : « C’est un métier qui demande de la force physique. Mais, il n’y a pas de métier facile. »Elle sait de quoi elle parle. Avant de devenir aide-maçon, elle vendait des pagnes au marché central de Bujumbura ; mais elle a fait faillite. Après trois ans de chômage, elle se dit chanceuse d’avoir pu trouver une occupation pour au moins une année, le temps que durera la construction de l’immeuble
Accidents, risque du métier
Le travail quotidien de Fatuma Niyongere consiste à approvisionner les maçons en eau, sable, gravier. Ce qui implique pour elle des va-et-vient sur des échafaudages faits de troncs d’arbres et de planches avec tous les risques d’accidents, notamment en cas de chute. Mais n’empêche qu’elle s’en sort sans problèmes. De même, malgré la conscience du risque d’accident, elle avoue qu’elle aucune crainte : «Ce sont des risques du métier.»
Pour sa part, E. K., veuve et mère de six enfants, a décidé de devenir aide-maçonne après plus de quatre ans de chômage. Elle se réjouit aujourd’hui de l’amélioration de sa situation financière: « Avant d’être embauchée, c’est grâce à des proches que je prenais en charge ma famille. Actuellement, je paie sans problèmes les frais de scolarité pour mes enfants. »
Aïsha Irakoze est la seule femme charpentière sur ce chantier. Son mari, lui-même maçon, l’a entrainé à devenir charpentière. Au début elle était réticente ; mais elle a finalement pris goût à ce métier naguère réservé aux hommes. Lorsqu’elle a commencé à travailler aux chantiers, il y a de cela quatre ans, les hommes l’ont directement prise sous leur aile, attitude qui l’a prise au dépourvu : « Je croyais qu’ils allaient me mépriser ; mais ils me considèrent comme une sœur. Et à certain moment, c’était agaçant ; car ils voulaient toujours me faciliter la tâche. Mais avec le temps, ils ont vu ce que je vaux. »
Autre temps, autres mœurs
Oscar Ndayiziga, maçon chevronné, parle d’un contexte favorable à l’entrée des femmes dans ce métier : « C’est l’évolution de la société et des mentalités. » En Pour lui, les femmes devraient savoir qu’elles ont un atout. « Elles ne sont pas paresseuses et sont plus motivées que les hommes. Elles font preuve de rigueur dans leur travail. » M. Ndayiziga indique aussi que cette tendance brise certaines idées reçues. C’est le cas de cet interdit selon lequel on devrait pas laisser une femme construire une maison au risque d’avoir un toit avec des fuites en cas de pluie.
Bien que la plupart des maçons soient originaires de Bujumbura rural, l’arrivée des femmes ouvrières du bâtiment s’observe également dans d’autres provinces. Selon Dominique Mpawenayo, entrepreneur de son état, plusieurs causes expliquent ce phénomène. Dans Bujumbura rural, par exemple, la mosaïque du manioc a provoqué la chute de la production de cette culture, aliment de base de la plupart des régions. Et du coup, les femmes ont dû se rabattre sur un autre métier moins ingrat, aux dépens de la préparation du « buswage » (pâte de manioc conservable et très appréciée).
De même, selon la même source, à cause du veuvage, les femmes se sont retrouvées confrontées aux problèmes financiers. Certaines préfèrent alors devenir aide-maçons, un métier qui leur fait gagner entre 15.000 Fbu à 20.000 Fbu par semaine. A cela s’ajoute l’exigüité des terres consécutive à la pression démographique. Elles acceptent tout travail qui se présente, « l’important, c’est de gagner de l’argent.»