Ce vendredi à 19h 30 à l’Institut Français du Burundi, une grande première : la troupe de Lampyre présente la pièce de théâtre « Déchirement » de notre confère Antoine Kaburahe. A quelques heures de la première présentation, rencontre avec l’auteur.
<doc4129|right>{« Déchirement »… Pourquoi ce titre ? Êtes-vous un homme déchiré ?}
Qui ne l’est pas dans ce pays ? A des degrés divers, dans ce pays nous le sommes tous quelque part, fondamentalement par notre histoire. C’est l’exposition des origines de ce déchirement que j’ai essayé d’explorer, à ma manière.
{On vous connaissait plutôt comme journaliste. Dans cette pièce qui est l’auteur, le journaliste ou l’artiste ?}
Je garde ces deux faces, je crois. En journalisme, ce sont les faits qui comptent. La poésie, le roman, le théâtre, permettent de sortir du réel, de rêver, de créer. Cette pièce se base sur des faits historiques, mais tente de les dépasser. Je suis journaliste mais dans cette pièce c’est plus l’artiste qui parle…
{C’est votre première pièce de théâtre ?}
Non, dans ma jeunesse j’avais écrit une pièce, {« Une femme seule »} qui avait eu un grand succès, notamment auprès de la jeunesse. C’était une pièce un peu naïve, idéaliste, j’étais très jeune, plein d’illusions.
{« Déchirement » est donc la pièce de la désillusion ?}
Avec l’âge, les voyages, les rencontres, les expériences bonnes ou mauvaises, on perd une certaine candeur. {Déchirement} est une pièce d’un artiste, d’un journaliste mâture, aurais-je l’audace de dire.
{Est-il facile d’écrire au Burundi ?}
Non. J’ai l’impression que dans ce pays on devient un petit peu {parano}, je m’excuse du terme. On refuse la moindre critique, on se recroqueville sur soi, on annule des conférences internationales, on boude des colloques sur le Burundi. On s’enferme. Et la CVR peine à se mettre en place… On risque de devenir encore plus schizophrénique.
{Que faire, face à votre constat ?}
Résister à cette pensée unique diffuse. Parler. Écrire. Et les artistes, les journalistes, devraient prendre encore plus la parole. Notre culture nous apprend à encaisser, à prendre sur soi, à rentrer nos colères, à se taire. Un proverbe de chez nous dit que « la meilleure parole est celle qui n’est pas sortie de votre bouche… »
{Etes-vous optimiste pour cette prise de parole que vous revendiquez ?}
En tout cas chez Iwacu, on tente d’exister. Vous-même Roland Rugero, venez de publier un livre. Vous avez 26, ans. C’est extraordinaire. Dans quelques semaines les Editions Iwacu publient la version française du livre du journaliste belge Guy Poppe sur l’assassinat de Rwagasore. Remarquez que l’acteur principal la pièce dont nous parlons, Freddy Sabimbona est journaliste culturel au journal Iwacu. Cette diversité, ces forces créatrices qui se retrouvent par exemple à Iwacu me poussent à espérer.
{Un hebdo en kirundi et en français, une newsletter électronique quotidienne, un magazine mensuel, un site internet et maintenant une pièce de théâtre. Comment faites-vous pour animer, coordonner tout ceci ?}
C’est beaucoup de travail c’est vrai, mais j’ai la passion de ce que je fais mais aussi, et surtout, j’ai autour de moi une équipe extraordinaire de jeunes journalistes dynamiques, engagés. Iwacu est un concentré d’énergie.
{Revenons sur votre pièce de théâtre, à votre avis comment sera-t-elle accueillie ?}
(Rires) Je n’en sais rien ! En fait et vous le savez aussi bien que moi, on écrit pas pour le public. C’est un besoin, une démarche personnelle, intime. On écrit parce que l’on a quelque chose à dire, à partager. Après, il faut laisser le public juger et l’œuvre vivre son destin …