Le Sénat burundais vient d’approuver à une large majorité [le projet de la loi sur la presse->http://www.iwacu-burundi.org/IMG/pdf/LP_Version%20du%20Senat.pdf] amendé dernièrement par l’Assemblée Nationale, après analyse et débats houleux. Pour les sénateurs issus du parti au pouvoir, c’est pour le bien des journalistes …
<doc7794|right> Sur les 38 sénateurs présents dans la séance de ce 19 avril, 32 ont alors voté le projet de loi. Les sénateurs Sylvestre Ntibantunganya, Domitien Ndayizeye, Vital Bambaze se sont abstenus, tandis qu’Emmanuel Nkengurutse et Pontien Niyongabo ont voté contre.
Alexandre Niyungeko, à la tête de l’Union burundaise des journalistes, était amer après la plénière : "Rien n’a changé, les quelques modifications apportées à cette loi sont insignifiantes. Le texte fait reculer notre métier et la démocratie."
L’une des retouches au texte voté par l’Assemblée Nationale porte sur le diplôme universitaire, qui ne sera exigé qu’aux nouveaux journalistes et non aux anciens, "qui ont de l’expérience."
Prévue pour débuter à 15h, la séance a commencé à 16h, avec la lecture de l’exposé des motifs par la ministre en charge de la Communication, Léocadie Nihazi, suivie par la présentation d’un sénateur membre d’une Commission qui a analysé le projet de loi avec la ministre. Les débats proprement dits, auquel participaient 32 présents et 5 procurations, ont commencé à 16h30, avec des questions posées à la ministre et les observations des sénateurs.
D’emblée, deux camps étaient en face : d’un côté, des sénateurs favorables à une révision plus poussée du projet de loi et d’autres, tous du parti au pouvoir, partisans du maintien du projet comme tel.
Du premier groupe, l’ancien président Sylvestre Ntibantunganya qui soulignait "le caractère exorbitant des amendes prévues pour les délits de presse", ou encore le sénateur Vital Bambaze qui pointait "le danger encouru par les sources, des citoyens" si on exige aux journalistes de divulguer leur identité après diffusion d’une information sensible. Le 2ème vice-président du Sénat, Pontien Niyongabo a, quant à lui, précisé que les deux ans de validité pour une carte de presse est "illogique : le journaliste a un contrat indéterminé, et cette carte peut lui être retirée à n’importe quel moment en cas de faute."
Le sénateur Emmanuel Nkengurutse a surtout insisté sur le fait que "certains amendements de ce projet de loi sont contraires à la Constictution, comme le fait qu’une décision du CNC soit exécutoire nonobstant un recours en justice." L’ancien président Domitien Ndayizeye s’est quant à lui opposé aux "restrictions imposées aux journalistes dans le traitement de leurs sujets, et qui seront impossibles à respecter. Tout le monde a besoin des médias", a-t-il tenté de raisonner ses pairs.
Limiter le pouvoir de nuire des journalistes …
Peine perdue, car les sénateurs du Cndd-Fdd ont tenu à souligner leur point de vue, tout à fait opposé aux faits soulevés plus tôt. En préambule, Gélase Ndabirabe qualifiait de "politique" le travail des journalistes, "en lieu et place de l’opposition", raison pour laquelle "il faut les corriger en augmentant plutôt les amendes." Position soutenue par Innocent Nkurunziza, pour lequel "les journalistes ont une loi particulière parce qu’ils sont à part, puisqu’ils ne peuvent pas être emprisonnés à cause de leur métier."
Gloriose Hakizimana enchaînait : "Les médias ont le pouvoir de guérir ou tuer. Il faut donc le limiter et l’orienter." Quant au pouvoir du CNC en matière de sanctions sur des délits de presse, le sénateur Kekenwa soulignait qu’une décision administrative reste exécutoire jusqu’à ce que la justice se prononce sur le recours. Pour rassurer les journalistes, Révérien Ndikuriyo lançait : "Ils ne risquent absolument rien s’ils font bien leur travail, malgré des mesures contraignantes." Et de conclure en puisant dans par un proverbe kirundi : "{Igiti kirakurira mu babaji, iryo tegeko ni ababaji} – Un arbre peut croître au milieu des menuisiers, et cette loi, ce sont ces menuisiers.)
Aux questions lui posées, la ministre Léocadie Nihazi a répondu en "appréciant certaines observations faites pour modifier le projet de loi", mais en soutenant également le gros des amendements proposés, rappelant par ailleurs le pouvoir de légiférer du Sénat. Des amendements qui ont été votés à la majorité, tant sur la forme que le fond.
<quote>Lire aussi :
– |reportage| [La nouvelle loi de la presse adoptée à l’Assemblée : tout journaliste devra avoir un diplôme de niveau licence, au moins->http://iwacu-burundi.org/spip.php?article5230]
– |éditorial| [Liberté d’expression : que nous reste-t-il ?->http://iwacu-burundi.org/spip.php?article5241]
– |opinion| [Certes, la presse burundaise tousse. Mais de grâce …->http://iwacu-burundi.org/spip.php?article5320]</quote>