« Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir». Cette pensée de Montesquieu, grand philosophe des Lumières, dans L’Esprit des Lois, reste d’actualité.
Et ce qui s’est passé à Cibitoke, lundi 6 mai, est un cas d’école. Antoine Mbonimpa, chef de zone Cibitoke en même temps chef des jeunes affiliés au parti au pouvoir en commune Rugombo, empêche Jackson Bahati, correspondant d’Iwacu à l’Ouest du pays, de faire son travail.
Il fait un reportage sur des membres de la communauté des Batwa venus au chef-lieu de la province Cibitoke pour manifester leur douleur et demander les circonstances de l’assassinat d’un des leurs.
Ce chef de zone menace le reporter et s’empare de son matériel de travail. Comme si cela ne suffisait pas et pour enfoncer le clou, il amène l’équipement retiré au journaliste au procureur de la République à Cibitoke. Il tient mordicus à punir le correspondant. Le procureur, Jean-Marie Bigirindavyi, convoque le journaliste. En juriste averti, il écoute «l’accusateur et l’accusé.» Après l’audition, le procureur fait savoir au chef de zone Cibitoke que le journaliste faisait son métier. Il lui restitue son matériel.
Cet administratif voulait aller jusqu’au bout de son pouvoir, tout en empiétant sur le terrain d’autrui. A tort ou à raison, la justice burundaise est accusée d’être instrumentalisé par l’Exécutif.
L’attitude du procureur de la République à Cibitoke est une preuve que le juge burundais peut être impartial, indépendant. Il peut échapper à toute instruction sur le contenu et le sens de sa décision, et à toutes formes les de pressions économiques, sociales ou idéologiques.
Par ailleurs, l’article 241 de la Constitution lui confère cette garantie. «Le pouvoir judiciaire est impartial et indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Dans l’exercice de ses fonctions, le juge n’est soumis qu’à la Constitution et à la loi… »
Jean-Marie Bigirindavyi ne s’est pas comporté comme un simple arbitre entre les parties, il a appliqué la loi, le droit positif. Seuls les faits introduits par les parties ont été pris en compte par le procureur pour fonder sa décision, sans autres considérations.
Notre souhait est que certains juges burundais lui emboîtent le pas, « en disant le droit, rien que le droit.» Ce serait redorer le blason de notre justice dont certains se méfient, à tort ou à raison (je me répète), en appliquant l’adage latin : « Da mihi factum, dabo tibi jus.» Donne-moi le fait, je te donnerai le droit.