Durant toute sa carrière, l’ancien champion a remporté presque toutes les courses qu’il a disputées dans le pays, à bord de sa Matabaro (marque de vélo). Retour sur la vie de cette figure emblématique du cyclisme burundais.
Sacré Magogwa ! Son nom signifie malheurs et ce redoutable cycliste faisait des malheurs sur ses deux roues dans les années 80. Pierre Bukuru, de son vrai nom, est brutalement stoppé dans son élan par la crise politique de 1993. D’un corps athlétique, l’homme aux 55 kg, du haut de son 1m 75 cm, affiche une mine d’une éternelle jeunesse trahie par quelques rides qui se dessinent sur son front vieux de 56 ans.
Certes, Magogwa prend de l’âge. Son vélo, non ! Son meilleur compagnon comme il l’appelle affectueusement, garde intacte sa robustesse : « C’est sur lui que je parcours Gihanga – Bujumbura tous les jours. » Le prix du trajet en bus ? « Je ne sais pas ! »
Et il n’est pas le seul à faire du vélo le principal mode de déplacement. A Gihanga, des femmes rencontrées précisent qu’elles se servent du vélo pour aller puiser de l’eau : « Tu ne peux même pas épouser une femme sans lui avoir offert un vélo comme cadeau lors des fiançailles. »
Ce que Magogwa a fait avant de se marier en 1991 : « Je voulais aussi me protéger contre de multiples sollicitations des filles qui voyaient en moi une star », confie ce père de quatre enfants, fier d’avoir épousé une ‘’merveilleuse mère aux doigts d’or quand elle se rend à la cuisine’’ : « Je raffole le riz, les légumes, le poisson et les haricots quand c’est elle qui a préparé. » Et pour garder sa forme au top, Magogwa remplace les boissons alcoolisées par du lait.
Magogwa vient d’où ?
Quand Pierre Bukuru naît, sa mère meurt sur le champ. Son frère jumeau (Butoyi) aussi. Il n’a que huit ans quand son père est emporté par un accident en 1963. Comme pour conjurer le mauvais sort jeté sur la famille, sa grand-mère le surnomme Magogwa (Malheur). Il le prend en charge mais ne peut assurer sa scolarité. Pour survivre, un voisin confie la garde de ses vaches au petit orphelin.
De là naît l’idée de le vendre à Bujumbura sur vélo, dans de petites gourdes de 5 litres chacune : « Avec 800 Fbu par litre, je pouvais joindre les deux bouts du mois et faire même des économies. »
Il avait justement épargné, de telle sorte que lorsque le gouvernement organise la toute première course cycliste dans les années 80, Magogwa aligne son propre vélo, une Matabaro selon le surnom populaire. Il remporte le circuit et devient champion national durant toute une décennie. Charles Ndikumana, son ancien coéquipier, trouve en Magogwa un champion hors norme : « Lui n’utilisait que son Matabaro, tandis que les autres avaient de véritables vélos de course à vitesse ! » Des exploits, poursuit-il, qui lui seront à la base d’un embauche à la Brarudi.
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Repères
– 1955 : Naissance à Gihanga
-1979 : Participation à la première compétition inter communale.
– 1983 : 6ème d’une course (aller-retour) Bujumbura-Minago.
– 1984 : Il remporte le premier championnat national du cyclisme
– 1986 : Remporte le championnat « Amstel ».
– 1987 : Remporte la course baptisé « Vélo d’or » organisé par la Bragita
– 1988 : Il se classe 8ème lors du championnat baptisé « Tour du Rwanda »
– 1989 : Il améliore ses performances et se classe 3ème au « Tour du Rwanda »
– 1990 : Remporte le tournoi « Dynamalt » organisé par la Brarudi
– 1991 : Remporte le tournoi « Sprite » organisé par la Brarudi
– 1993 : Il réédite cet exploit en remportant le tournoi « Sprite »
– De 1991 à 2004 : Il est employé à la Brarudi au poste de convoyeur
– De 2005 à nos jours : Il vend du lait à Gihanga et à Bujumbura.