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Politique

CVR : Quand la population parle à ses élus

18/11/2013 Commentaires fermés sur CVR : Quand la population parle à ses élus

Les Burundais attendent impatiemment la mise en place de la Commission Vérité réconciliation (CVR). Un projet de loi est au niveau de l’Assemblée nationale pour analyse et adoption. La population de la commune Buhiga, province Karusi, échange avec les élus sur les avancées de ce processus.

La population de la commune Buhiga, province Karusi échange avec leurs élus sur le projet sur la CVR ©Iwacu
La population de la commune Buhiga, province Karusi échange avec leurs élus sur le projet sur la CVR ©Iwacu

En face du bureau de la poste Buhiga, femmes, hommes et jeunes ont eu l’occasion de parler à leurs élus. Il est 15 h. A quelques mètres de la route goudronnée, Gitega-Karusi-Muyinga, rien d’inquiétant. Il fait bon temps. De loin, une bananeraie verdoyante domine les maisons dont la plupart sont en tôles.
Le projet de loi sur la CVR doit être inclusif pour arriver à la vérité longtemps cachée et réconcilier les Burundais. Plus d’un estiment que les cycles de violences qu’ a connus le Burundi résultent du fait que la vérité n’a pas été révélée et l’impunité s’est installée.
Face au retard enregistré dans la mise en place de la CVR, le député Elias Kuntwari tranquillise. Selon lui, les parlementaires sont à l’œuvre pour que le projet de loi soit adopté. Il indique qu’ils ont déjà collecté les propositions de la population, de la société civile et de la communauté internationale. Un voyage d’étude en Afrique du Sud a été effectué. Et de déclarer : « Toute personne est invitée à donner des contributions pour que la loi ait une force suffisante. » Stany Butoyi, député, lui aussi natif de Karusi ajoute que si le projet de loi est en cours d’analyse, c’est déjà une avancée significative. Il souligne que toutes les propositions restent les bienvenues avant le vote de cette loi par les deux chambres du parlement.

« Pas question d’adopter une loi injuste ! »

C’est l’assurance que donnent les députés. « Comme la population a placé sa confiance en nous, elle a confiance en ce que nous faisons. Si elle pense que la loi sur la CVR sera exclusive, cela n’est pas vrai», indique Elias Kuntwari. C’est pour cette raison que les parlementaires ont pris suffisamment du temps pour insérer toutes les contributions venues des consultations populaires de 2009. Tout en réaffirmant leur engagement à mettre en place une loi rassurante, il demande d’être patient. « Je suis convaincu que mes collègues et moi n’allons pas adopter une loi qui n’est pas juste. Et puis les Sénateurs vont aider, tout ce monde ne peut pas se convenir sur une loi qui n’est pas bonne », déclare-t-il devant la population de Buhiga. Et Stany Butoyi de renchérir : « S’il y en a qui ont encore des inquiétudes, qu’ils soient tranquilles. » Une occasion pour lui de mentionner qu’ils sont toujours en contact avec la population : « Nous savons leurs soucis.»

La vérité est unique et doit viser la réconciliation des Burundais

Concernant la composition de la CVR, honorable Stany Butoyi indique qu’elle doit être inclusive. Seulement, juge-t-il, l’essentiel c’est de faire un travail louable, découvrir la vérité et réconcilier les Burundais. Tout en mentionnant que la question de la mise en place de la CVR suscite beaucoup de commentaires, il rassure que les députés ne pourront pas passer outre leur mission. Les membres de la CVR seront des hommes dignes. Ce député demande à la population d’avoir confiance en ceux qui sont en train de préparer la mise en place de cette commission. Fabien Manirakiza, vice-président du conseil communal de Buhiga va dans le même sens. Il espère que ces derniers vont bien analyser ce projet de loi. Néanmoins, rappelle-t-il, pas question de se baser sur l’ethnie ou la religion dans le choix des membres de la commission : « Il faut des hommes incorruptibles. »

«  Les politiciens sont des démagogues »

Au cours de cette rencontre avec les députés, certaines personnes de Buhiga n’ont pas mâché leurs mots. Léonard Ndayisenga, un septuagénaire de la colline Rweya, commune Buhiga, province Karusi déclare que les politiciens mentent au peuple : « Les politiciens nous mentent. Nous sommes malheureux et fatigués. Il faut qu’ils s’entendent pour donner une bonne orientation au pays. C’est la condition sine qua non pour ne plus retomber dans des crises répétitives : un passé douloureux. »
Phocas Sindaruhuka, chef de zone Buhiga, charge aussi les dirigeants: « Les problèmes ont toujours trouvé origine dans les hautes sphères dirigeantes. » Il demande que les commissaires soient des gens véridiques. Les anciens présidents devaient faire partie de ceux qui vont témoigner sur le passé douloureux du Burundi, estime-t-il.

A Buhiga, les gens ont besoin de se décharger. C’est le cas de cette veuve, sous anonymat qui, du fait qu’elle n’a pas encore eu le temps de témoigner sur son passé, ça lui ronge le cœur. Haussant le ton, exhibant ses blessures au niveau de la tête, elle affirme que le passé burundais est très douloureux. Elle se rappelle les siens tués, ses vaches volées, … et les yeux inondés de larmes, elle ne trouve pas des mots pour décrire son désespoir : « Je suis très malheureuse parce que la vérité sur ce qui s’est passé au Burundi n’est pas encore là. »

Quid des réparations

Les victimes souhaitent qu’on puisse les assister matériellement ou financièrement. Face à cela, honorable Stany Butoyi indique que la réparation est une bonne chose. Mais, précise-t-il, sur ce sujet, des manquements existent dans ce projet de loi et soulèvent des interrogations : « Qui va réparer ? D’où proviendra cette réparation ? Qui sera réparé ? Et comment ? ».
Sur ce point, le député Elias Kuntwari précise qu’un consensus n’a encore pas été obtenu. Et cela vient du fait qu’il existe plusieurs victimes. Donc, on doit voir comment avoir une loi qui reconnaît toutes les victimes, selon les époques. Ce qui n’est pas chose facile, selon lui. Il promet que les députés attireront plus d’attention sur cette question.

Qu’en est-il du tribunal spécial ?

En présence de leurs élus, la population de Buhiga recommande que les punitions ne doivent pas être mises en avant. Nestor Banshingwanubusa estime que la  punition est une question très importante mais qui risque de créer d’autres ennuis. Il indique que les Burundais sont déjà fatigués. Pour lui, il faut connaître seulement la vérité. Même point de vue qu’Augustin Ndayizeye qui affirme que les gens se sont déjà réconciliés et vivent en harmonie. Pour lui, si on oblige les gens à se rappeler le passé douloureux, il y a risque de réveiller les

Tous les Burundais sont concernés par la CVR

Elias Kuntwari, un député élu dans la province Karusi ©Iwacu
Elias Kuntwari, un député élu dans la province Karusi ©Iwacu

Pour Elias Kuntwari, comme il y a eu des crimes, la CVR vise à connaître la vérité en premier lieu. Ce qui permettra aux Burundais de dire ‘’Plus jamais ça’’ à leur passé douloureux. D’après lui, le pays pourra connaître une stabilité politique et un développement durable. Il précise que dans tous les pays post-conflits, cette commission a eu lieu. Il rassure ceux qui pensent qu’après son travail, la population risque de s’entredéchirer : « Au lieu de se diviser, la population sera très solidaire et réconciliée. »Une commission très nécessaire pour les politiciens ? « Oui, mais… », Répond Elias Kuntwari. Il indique que la population est aussi concernée : « Car, quand il y a des problèmes dans le pays, même le bas peuple est touché. »Il rappelle par ailleurs que ce ne sont pas les politiciens qui sont coupables des tueries, des pillages,… dans les montagnes. Il invite les gens à ne pas s’accuser mutuellement mais d’oser dire la vérité.

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