Le projet de loi portant modification de la loi sur la CVR a été adopté, jeudi 25 octobre, à l’Assemblée nationale. Elle prévoit l’extension des missions de cette commission. Ce qui a suscité un débat houleux.
Réalisé par Edouard Nkurunziza et Egide Nikiza
Les enquêtes de la CVR devront désormais porter sur une période qui va de 1885, date de la tenue de la conférence de Berlin sur le partage de l’Afrique, jusqu’au 4 décembre 2008, marquant la fin des hostilités.
Exposant les motifs de ce projet au Palais des Congrès de Kigobe, Aimée-Laurentine Kanyana, ministre de la Justice, a indiqué que le gouvernement a pris en compte les recommandations des élus du peuple. Les deux chambres du Parlement, réunies en congrès le 10 octobre, avaient suggéré que les enquêtes de cette commission couvrent également la période coloniale.
Certains députés ont réclamé que cette extension porte également sur les évènements de 2015. Pourquoi, s‘interroge Simon Bizimungu, priverait-on la vérité aux Burundais qui veulent savoir ce qui s’est passé après 2008 en vue d’une réconciliation réussie?
Le député Fabien Banciryanino abondera dans le même sens. Il déplore que la période d’après 2008 soit ignorée alors qu’elle est aussi jalonnée par des crises. «Des crimes se commettent même de nos jours».
Pour M. Banciryanino, le gouvernement n’a pas considéré les avis des représentants du peuple. «Les parlementaires avaient pourtant non seulement insisté sur les enquêtes qui couvriraient la période coloniale mais aussi celle d’après 2008».
Rapport régulier au bout d’une année
Des inquiétudes que balaie du revers de la main la ministre Kanyana. La période considérée, selon elle, tient compte de la période durant laquelle le Burundi n’avait pas d’institutions crédibles. Elle est en plus liée au contexte socio-sécuritaire d’alors. «Nous avons dès 2005 des institutions démocratiquement élues qui tranchent les différends de la population».
Pour la ministre Kanyana, enquêter sur cette période serait mettre en cause ces institutions, pourtant en exercice. «Nous serions en train de nous remettre en question».
Loin d’être convaincu, le député Banciryanino ne mâchera pas ses mots : «Ces propos du ministre sont comme ceux qui étaient tenus sous le régime Micombero». L’opinion garde du président Micombero, qui a inauguré la République, le 28 novembre 1966, le souvenir d’un chef d’Etat autoritaire.
«La ministre sait très bien que son ministère connaît maintes difficultés», soutient-il, ajoutant que «la présence d’institutions élues n’implique pas nécessairement l’existence d’une justice pour tous».
Ces propos pousseront Pascal Nyabenda, président de l’Assemblée nationale, à durcir le ton et l’hémicycle sera plus agité. «Les crimes qui se commettent alors qu’il y a des organes judiciaires doivent être punis au niveau de la justice. Si tu n’es pas confiant en la justice, je ne sais pas alors à qui tu t’en remettras». Pour lui, la justice transitionnelle ne peut pas couvrir la période post-conflit. Le projet sera adopté à 98 députés sur 100 présents.
Entre autres amendements apportés à ce projet de loi, le mandat de la CVR est de 4 ans renouvelable sur proposition du Parlement. Celui-ci assurera le contrôle des activités de cette commission. Celle-ci devra notamment présenter des rapports au bout de chaque année.