Lundi 23 décembre 2024

Politique

CVR: Plus de 4 mille fosses communes déjà connues à ce jour

14/05/2019 Commentaires fermés sur CVR: Plus de 4 mille fosses communes déjà connues à ce jour
CVR: Plus de 4 mille fosses communes déjà connues à ce jour
Révérend Clément Noah Ninziza : «A la date du 8 mai 2018, la Commission avait déjà noté 4163 fosses communes déclarées, dont certaines ont été vérifiées».

L’identification et la gestion des fosses communes et des restes humains et d’autres lieux de mémoires sont, entre autres défis, auxquels est confronté la CVR. Les politiques et la société civile recommandent l’implication de tous les acteurs.

«A la date du 8 mai 2018, la Commission avait déjà noté 4.163 fosses communes déclarées, dont certaines ont été vérifiées», a indiqué Révérend Clément Noah Ninziza, vice-président de la CVR.
C’était au cours d’un atelier autour de la problématique d’identification et de gestion des fosses communes, des restes humains et d’autres lieux de mémoires organisé du 9 au 10 mai à Gitega. Celle-ci vient en tête avec 640 fosses communes.
Selon lui, le travail d’identification des fosses communes a été fait en trois temps. D’ abord, précise Révérend Ninziza, lors de la formation des cadres provinciaux et des agents de dépositions, les participants ont été amenés à citer les fosses communes connues d’eux. Ensuite, des fosses communes ont été citées par des personnes venues faire leurs dépositions. Enfin, d’autres fosses communes ont été signalées par des personnes ressources auditionnées par les commissaires.
Le vice-président de la CVR fait savoir que les rapports des dépositions déjà faites sur les 4.163 fosses communes citées par les témoins, seules des centaines ont pu être identifiées comme contenant réellement des restes humains.

Problématique d’identification

Révérend Ninziza relève quelques dans pendant l’identification des fosses communes. Une bonne partie des fosses communes renseignées datent de plusieurs années. Et avec le temps, le terrain a connu des modifications profondes et des changements géophysiques. Ainsi, tient-il à préciser, des fosses communes datant des années très lointaines risquent de ne jamais être identifiées.

Des témoins clés, poursuit-il, prennent de l’âge ou disparaissent. Ce phénomène complique les choses d’autant plus que ceux qui se portent volontaires à donner des informations sur les fosses communes sont souvent des jeunes qui l’ont appris des générations antérieures.

Par ailleurs, d’autres fosses communes, même si elles sont connues de la population, ont été interférées ou détruites sans possibilité de retrouver des traces. En outre, fait-il observer, il y a une réticence de certains témoins potentiels ne voulant pas être identifiés comme ceux qui livrent une information que les autres membres de la communauté gardent secrète.

Certains proches des victimes ont adopté l’attitude d’ « oublions » et « avançons » prétextant que même si l’on veut chercher la vérité sur la disparition des leurs, que ceux-ci vivront pas de nouveau.

Le travail de fouille qui ramène les os humains à la surface cause souvent des signes de traumatisme parmi ceux qui ne sont pas préalablement préparés.

En outre, précise le commissaire, dans le but de cacher les exactions, les auteurs des crimes ont creusé les fosses communes dans des endroits très reculés difficilement accessibles ou ont creusé en profondeur ce qui complique le travail de vérification.

Des solutions sont envisagées

« Il faut surmonter ces défis en agissant ensemble avec d’autres partenaires, entre autres, les institutions, la population, les partis politiques, les organisations de la société civile », indique Guillaume Ruzoviyo, président du Conseil national de l’unité et de la réconciliation. Il suggère la guérison des âmes : «Il faut d’abord détraumatiser les cœurs».

De son côté, Abel Gashatsi, président de l’Uprona, appelle à la décentralisation des activités de la CVR et l’implication de l’administration à tous les niveaux.

Yves Sahinguvu, ancien Premier vice-président de la République, demande à la CVR de se ressourcer auprès des pays ayant connu des tragédies similaires. Il cite notamment l’Afrique du Sud, le Rwanda, le Chili, le Libéria. Il met l’accent également aussi sur la formation des agents enquêteurs.
Ndayisenga Daniel, président du collectif des associations pour la réconciliation et l’appui des victimes des conflits sociopolitiques au Burundi (Caravi), recommande le démembrement de la CVR, la sensibilisation de la population et la protection des témoins. « La CVR doit être représentée à tous les niveaux».

Quid de la problématique de gestion des fosses communes ?

Pour Aloys Batungwanayo, commissaire de la CVR et conférencier dans ledit atelier, l’existence de ces lieux de mémoire gêne certains Burundais. Ces derniers, précise-t-il, les prennent comme des preuves évidentes des atrocités commises soit par eux, soit par leurs parentés ou tout simplement par leurs groupes d’appartenance ethnique. Aloys Batungwanayo : « Certains les voient comme des lieux de mémoire qui entretiennent la vengeance et par conséquent demandent leur destruction ».Par ailleurs, le commissaire Batungwanayo fait savoir que certains lieux de mémoire érigés sont perçus différemment. «Certains les voient comme des lieux de mémoire qui entretiennent la vengeance et par conséquent demandent leur destruction. D’autres les prennent comme des lieux d’accusation de l’autre. D’autres encore les trouvent moins inclusives ». Cet ancien journaliste évoque le risque d’augmentation des lieux de mémoire. L’expression libérée de la mémoire, explique-t-il, pousse les familles à vouloir ériger des lieux de mémoire à l’endroit de leur convenance. En outre, fait-il observer, il y a une vision incertaine des Burundais face à l’exhumation et l’identification des restes humains se trouvant dans des fosses communes. Certains, dit-il, veulent l’érection des monuments sur place. D’autres font savoir que ces endroits augmentent le traumatisme dans les familles des disparus car les lieux ayant été choisis par les bourreaux. Enfin, Aloys Batungwanayo indique que certaines fosses communes ont été déjà détruites, ce qui handicapent la découverte de la vérité. Quelques pistes de solutions Aloys Batungwanayo suggère de faire une cartographie complète des fosses communes et d’autres lieux de mémoire. Il propose l’érection des monuments réconciliateurs en mémoire des disparus et la construction d’un mémorial. Il plaide aussi pour la révision de la loi régissant les cimetières. D’après lui, celle en vigueur est muette sur la gestion des fosses communes, les sépultures et d’autres lieux de mémoire. De son côté, Nestor Niyokindi, vicaire de l’Archidiocèse de Gitega privilégie la préparation des cœurs. « Nous sommes intimement liés avec les fosses communes». L’historien Jean Bosco Manirambona quant à lui, considère une fosse commune comme un livre historique. « C’est le support de la mémoire. C’est un récit des faits ». Pour lui, il faut faire des fouilles. Les traces sur les restes humains, tient-il à préciser, renseignent sur l’ampleur de la tragédie. D’autres participants à l’atelier recommandent le bornage et la protection des fosses communes. Ils demandent l’inhumation des restes humains déjà déterrés dans certaines fosses communes, arguant la mauvaise conservation des restes aux chefs-lieux des zones. « Cela n’honore pas ces disparus ». Il s’agit des fosses communes situées à Kivyuka dans la province de Bubanza, à Rusaka dans la commune de Mwaro, à Mabanda dans la province de Makamba, à Bugarama dans la province de Muramvya, aux lycées Kiremba et Musenyi dans la province de Ngozi.
CVR

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.