Samedi 23 novembre 2024

Politique

CVR : les promesses non tenues du président de la République

Depuis 2011, le numéro un burundais a fait, à maintes reprises, des promesses sur la mise en place de la CVR. Un signe d’espoir chez les victimes des crises du passé. Cependant, ces promesses n’ont pas été honorées. Avis des analystes, des victimes et des politiciens.

A Kayanza, le 27 juillet 2011, le président Pierre Nkurunziza, lors du lancement de la campagne d’explication à la population du processus des mécanismes de justice transitionnelle, déclare : « Notre pays vient de franchir une étape conflictuelle. Par ailleurs, depuis son indépendance en 1962, le Burundi a connu des conflits basés sur le régionalisme, l’ethnisme et la mauvaise gouvernance. »
Conséquence : la violation des droits humains. Des experts ont montré que malgré la Charte de l’Unité en 1991, l’introduction de la démocratie et l’adoption de la Constitution en 1992, les crises successives ont révélé que le chemin à parcourir pour une paix durable est encore long. Et à Arusha, les négociateurs se sont entendus sur la nécessité de connaître la vérité sur le passé en vue d’une même compréhension, une même connaissance, etc. D’où le projet de réconciliation. D’après le président, les négociateurs ont conclu qu’il est indispensable de lutter contre l’impunité.

Un discours d’espoir

Analysant ce discours du président de la République, Augustin Nzojibwami, président du parti Pader, est rassuré. Même constat chez Agathon Rwasa, se réclamant président du parti Fnl. Le contenu est significatif et montre qu’il s’oppose à l’exclusion, la mauvaise gouvernance, l’impunité, etc. Du côté des victimes, ce discours redonne espoir. Aloys Batungwanayo, de l’AMEPCI Gira Ubuntu précise qu’à voir le retard déjà enregistré dans ce processus, le discours est très encourageant. « Parce que plusieurs années venaient de s’écouler après avoir perdu les nôtres. Onze ans après la signature des accords d’Arusha, c’était le désespoir chez les victimes et les rescapés ». Le président de la République reconnaît qu’il est indispensable d’avoir la vérité, de se réconcilier et de donner la parole à la justice. Prononcé quelques jours après son élection en 2010, M. Batungwanayo ne doute pas que les victimes ont cru que ce sont de nouveaux projets visant à les rétablir dans leurs droits.

Fin 2012, une promesse de plus. « (…). C’est l’année prochaine que nous nous attendons à lancer le processus de la commission vérité réconciliation. Un projet de loi est devant l’Assemblée nationale », martèle le président de la République dans son discours à la nation. Une avancée significative, d’après Agathon Rwasa. De façon générale, le président Nkurunziza aspire à la tranquillité du pays. Une échéance est donnée. Pour Aloys Batungwanayo, le message est réconfortant parce qu’il incarne la volonté du pays de divorcer avec les anciennes pratiques quant aux crimes commis.

Un recul ou une désillusion ?

Dans son discours de nouvel an 2014, le président Nkurunziza n’évoque la mise en place des mécanismes de justice transitionnelle que durant quelques secondes. Et le 26 décembre 2013, lors de la conférence publique des porte-paroles, à Ngozi, Léonidas Hatungimana, porte-parole du président de la République, déclare, contre toute attente, que le chef de l’Etat n’a jamais promis la mise en place de la CVR avant fin 2013. Par ailleurs, le président attend comme tout Burundais le vote de la loi en la matière. Pour lui, la balle est dans le camp du Parlement qui a dans ses missions le contrôle de l’action gouvernementale.

Pour Agathon Rwasa, les discours sont là mais la pratique est toute autre. « Quand les criminels continuent à tuer et sont protégés, quand la justice travaille sur des injonctions venues d’en ‘’haut ‘’, quand les petits crimes sont punis alors que les vrais criminels sont libres, où allons-nous réellement ? », avant d’enchaîner : «  Et c’est pour cette raison que même l’Accord d’Arusha tarde à être mis en application ». Quant à M.Batungwanayo, il constate que le président de la République a dit une chose irréalisable. Dans le budget 2014, pas de moyens financiers prévus pour le travail de la CVR. Il rappelle, par ailleurs, que lorsqu’il a promis la mise en place de la CVR en 2011, l’Assemblée nationale avait déjà voté la loi budgétaire.

La peur : un obstacle à la vérité

Pour Augustin Nzojibwami, président du parti Sangwe Pader, c’est la situation financière du pays qui constitue un grand problème. Agathon Rwasa estime, lui, que le problème essentiel est la peur : « Si les Burundais parviennent à la dominer, les choses vont marcher. Parce que certaines personnes savent que quand la vérité éclatera au grand jour, elles seront démystifiées. Et par conséquent, elles bloquent ce processus ». M.Rwasa leur demande de ne pas être égoïste et de penser aux générations futures. Seule la vérité sauve.
Il mentionne que cette CVR sera « truquée et sera à l’image des détenteurs du pouvoir ». « Comment un porte-parole peut-il transformer le message du président. Qu’est-ce qui se cache derrière? », se demande M.Rwasa tout en soulignant que le président avait bel et bien annoncé que la CVR sera mise en place avant fin 2013. Il n’y a donc pas de volonté politique.

Et de l’avis d’Aloys Batungwanayo, de l’Amepci Gira Ubuntu, le Parlement ne devrait pas suivre la politique du parti, mais mettre en pratique les promesses du président. « Le président a toutes les prérogatives de donner des injonctions au Parlement afin d’accélérer le processus ».

Joanna NgandaLa volonté politique est indispensableMérius Rusumo, un indépendant qui suit de près les questions des mécanismes de justice transitionnelle, indique que la volonté politique est très importante. Elle est conditionnée par beaucoup de choses dont la sécurité. Il rappelle qu’il y a eu des moments où la guerre sévissait encore entre le pouvoir et les FNL, ce qui bloquait la mise en place de la CVR. Et quand on évoque la volonté politique, le 1er responsable est le président de la République et ses collaborateurs. Mais, les opposants doivent aussi être présents dans ce processus. Et pour les victimes, ce qui est important, c’est d’entendre que le président de la République prend à cœur leurs conditions de vie précaires dans un milieu hostile. Pour M. Rusumo, quand une échéance donnée n’est pas respectée, il faut penser aux questions qui minent le pays.

A son sens, quand un message est prononcé, il est accueilli par deux groupes : des intellectuels pouvant faire une analyse et différentes interprétations et le bas peuple qui le prend à la lettre. L’espoir de sa mise en application prend aussi deux chemins : les uns sont optimistes, les autres pessimistes.

Forum des lecteurs d'Iwacu

10 réactions
  1. borntomakelovenotwar

    La CVR = vérité sur tous nos supposés protecteurs qui ont été (certains peut-être l sont encore) des criminels baignés dans le sang innocent. Ni l’Uprona, ni le Cndd-Fdd, ni le Fnl, aucun parti n’a intérêt à mettre sur place cette CVR. Si elle venait, on saura qui a fait quoi, quand et comment et les victimes observeront leurs bourreaux. Même s’il n’y aurait aucun tribunal pour les condammées, même s’il n’y aurait une aucune sanctions, ces bourreaux perdront toute crédibilité dont ils jouissent actuellement sous l’étiquette de « protecteurs » alors qu’ils sont, pardon, qu’ils ont été des assassins sans aucune humanisme.

  2. KARABAGEGA

    Le président a toutes les prérogatives pour accélérer le processus MAIS attend comme tout burundais. Qu’est ce qui n’est pas clair dans tout ça?

  3. Backary

    « A son sens, quand un message est prononcé, il est accueilli par deux groupes : des intellectuels pouvant faire une analyse et différentes interprétations et le bas peuple qui le prend à la lettre. »
    Méfiez-vous des raccourcis! La marge entre bas peuple et intellectuel n’est pas toujours si claire!

  4. Barekebavuge

    Visiblement Agathon RWASA analyse objectivement les tergiversations du parti présidentiel face à la mise en place de la CVR. Sans langue de bois et d’un réalisme hors du commun. Fait très surprenant , il plaide pour les générations futures et accuse ceux qui veulent rester des « mythes », des intouchables éternels. Il faut que les autres leaders politiques manifestent le même courage, garde le sang froid pour éviter la peur d’ouvrir les pages noires de notre histoire. Si on a enterré la hache de guerre, nous n’avons pas le droit de fermer une ou deux pages de notre passé sans les avoir lues. La vérité que nous attendons sera connue à travers cette commission convenue à ARUSHA, négociée sans Agathon RWASA mais spontanément acceptée par ce dernier. Est-ce que NKURUNZIZA et ses généraux qui trainent trop de casseroles sont prêts à assumer leurs actes devant la CVR? Wait and see.

    • Backary

      @Barekebavuge
      C’est curieux d’entendre dire que Nkurunziza lui-même orphelin dans cette hécatombe, traîne plus de casseroles que ceux qui l’ont empêché de grandir avec son géniteur!!!

      • Ndarute

        Tant de promesses cote notre cher papa president. Entre autre l usine de montage des vehicules a kanyosha, accroissement de la production electricite et autres. Soit il est bon, son entourage est malade, soit lui-mm vend la peau de l’ours avant de l avoir tue en transmettent les promesse des bailleurs et ou soit disant amis du Burundi. Autant prendre ses garde et promettre a temps utile.

        • Kagoye

          Surement l entourage est malade. Ex. Un expert dirais-je un capable ethiopien d installation d ascenceur dans les maisons a etages a Bujumbura, il avait etait recu par le president de la republique pour avoir le go-ahead de commencer son busness. Est ce que le president lui mm sait dans quelle circonstances (par qui, pourquoi, comment, ou et a quelle heure) des batons ont ete mis dans les roues de cet homme!! L’ affaire a disparu comme ca. Aurait-il au moins demander pourquoi !! L entourage est mauvais. Les manyanga impunis des ministres surtout « nyaruzungu »!!! Quo nous sauvera!! Selement entre deux maux, le moindre est toujours optionnel

      • mafaranga

        None ko asuherwa,yicura iki mu gihe intahe yosasa.
        Backary devrait savoir aussi que ce n’est pas qu’on a été victime à un moment ou un autre qu’on est vacciné contre la commission des crimes avant ou après d’être victime.Pensez-y un peu.
        Qu’il prenne son courage entre ses deux mains et permette la justice et la réconciliation des burundais.
        L’assemblée est le sénat sont entièrement dominées par le CNDD ,c’est pour cette raison mon cher Backary que ceux qui se reprochent de plus de crimes sont ceux-là qui trainent les pieds à faire avancer le CVR.
        Ils n’ont qu’à nous prouver le contraire.

        • Backary

          @mafaranga
          « Backary devrait savoir aussi que ce n’est pas qu’on a été victime à un moment ou un autre qu’on est vacciné contre la commission des crimes avant ou après d’être victime.Pensez-y un peu. »
          Je sens que vous minimisez un peu (trop) le fait de ne jamais revoir son père avant même d’avoir atteint ses 10 ans! Faites un petit effort et mettez-vous à sa place!
          Qu’auriez-vous fait à sa place? Attendre stoïquement qu’il subisse le même sort que son géniteur?

          • Vyarabananiye

            S’il vous plait , on n’a pas besoin de SVR pour le moment parce que on n’a pas de gouvernement capable de nommer une commission digne et equitable , moins encore on n’a ni parlement /senat ni systreme judiciaire capable de moderer l’arrogance et l’abus du pouvoir de l’executif qui est la juste pour piller le pays et eliminer toute personne qui pourrait dire quoi que ce soi, violer les enfants , sans aucun recours …… Mon sage conseil c’est d’attendre 2015 et penser a une telle commission . Croyez-vous que NKurunziza et son gouvernement , generaux et documentation avec leurs mains biens souillées du sang des innocents ……peuvent metre une commission qui vont les condemner ??????? Wait and see…..

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