Dans son discours à la nation du nouvel an, le président de la République a promis la CVR pour décembre prochain, ce que confirme aujourd’hui son porte-parole. Mais il semble que ce ne soit qu’un vœu pieu.
<doc5604|right>« Le projet de loi régissant la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) sera aussi à l’ordre du jour de la session parlementaire d’octobre pour analyse et adoption », indique Léonidas Hatungimana. Selon le porte-parole du président Pierre Nkurunziza, un comité est en train de retravailler l’avant-projet de loi portant création, mandat, composition, organisation et fonctionnement de la CVR pour qu’il puisse être finalement un projet de loi. Pour lui, l’objectif est d’avoir, avant la fin de cette année, des lois, des décrets et des règlements en faveur de la mise en place de la CVR. Cependant, M. Hatungimana n’est pas précis sur le début effectif des travaux de la CVR. Il indique que la nomination des commissaires de la CVR et le démarrage de ses travaux dépendra de la mise en place des règlements qui vont la régir.
« Il existe des doutes sur l’engagement politique des autorités. En effet, 12 ans après la signature de l’Accord d’Arusha, seules les consultations nationales ont été réalisées parmi les mécanismes de Justice Transitionnelle prévus par cet accord », remarque Sylvère Ntakarutimana, expert national chargé du projet "Justice Transitionnelle" au Forsc. Il regrette que la société civile soit de plus en plus écartée par le pouvoir, après sa participation comme membre du comité tripartite de pilotage des Consultations nationales. Aujourd’hui, il constate qu’elle ne fait que des observations dans un processus où le gouvernement fait carrément cavalier seul : « Face à cette exclusion du processus, la société civile doit montrer son importance, en continuant à s’affirmer comme un partenaire incontournable », souligne-t-il.
Un optimisme mitigé
Cet expert du FORSC donne, pourtant, le bénéfice du doute aux autorités politiques, surtout que le président de la République a répété à maintes reprises que la Commission Vérité et Réconciliation verra le jour avant la fin de cette année. « Cela vient d’être encore une fois rappelé par le porte parole du président de la République, ce qui suscite un espoir », ajoute-t-il.
Un optimisme que ne partage pas Aloys Batungwanayo, coordonateur de la plate-forme CARAVI (Centre d’appui et de réflexion des associations des victimes des conflits sociopolitiques). Pour lui, il n’y a pas une réelle volonté politique de mettre en place la CVR ou les mécanismes de justice transitionnelle au Burundi.
Il invite le gouvernement à inscrire dans ses priorités la mise en place des mécanismes de recherche de la vérité. Mais il craint que, au rythme actuel, le démarrage des travaux de la Commission Vérité et Réconciliation ne puisse pas intervenir au cours de cette année : « Si on se réfère aux expériences des autres pays, il faut se rendre à l’évidence que les modalités ou les procédures prennent du temps. La CVR n’est pas une simple affaire. »
<doc5605|left>Un manque de volonté politique
Une chose est sûre, c’est que le politique tend à primer sur ces mécanismes de Justice de transition. Les discussions autour de la nouvelle équipe de la CENI ou du nouveau statut de l’opposition éclipsent peu à peu la mise en place de ces mécanismes. « Malheureusement, cette recherche effrénée de postes ou d’un nouveau mandat, se fait au détriment de l’électorat, constitué de victimes des différentes crises sociopolitiques qui ont secoué ce pays», souligne Aloys Batungwanayo. C’est là, indique-t-il, que la société civile doit jouer son rôle en rappelant au gouvernement qu’il a des comptes à rendre à la population, qu’il est là pour servir et non se servir.
Mais il ne faut pas oublier que les politiciens qui détiennent les rennes du pouvoir ont d’une manière ou d’une autre, des responsabilités sur le passé douloureux de ce pays. Il devient alors difficile de faire preuve de bonne volonté quant à la mise en place de ces mécanismes de Justice de transition.
Comme pour les autres commissions importantes pour le pays, il y aura de ces tractations, de ces longues procédures de propositions et de nomination des commissaires. Pour le coordonnateur de CARAVI, il est aujourd’hui impensable, voire impossible, de mettre en place les mécanismes de justice transitionnelle dans les quelques mois qui restent avant la fin de l’année.