Composition, compétences, indépendance,… le projet de loi sur la Commission Vérité Réconciliation fait toujours débat alors qu’il arrive au niveau du parlement pour analyse et adoption. En collaboration avec Impunity Watch, l’ONG La Benevolencjia organisait un débat il y a un mois pour permettre à la société civile et aux parlementaires de faire le constat sur ledit projet de loi.
<doc7501|left>Présente lors de ce café de presse, Jeanine Nahigombeye de l’ONG Impunity Watch signale que dans ce projet de loi, la liberté de la Commission Vérité Réconciliation (CVR) n’est pas clairement reconnue. Il ne précise pas clairement, selon elle, comment les commissaires seront nommés. Or, rappelle-t-elle, durant les consultations, la population avait proposé la mise en place d’un comité de sélection. Beaucoup réclament, en effet, que la CVR soit indépendante et comprenne des étrangers : « La CVR doit être inclusive c’est-à-dire comprendre les femmes, les enfants et d’autres groupes oubliés ». En ce qui est du pardon, selon Mme Nahigombeye, les victimes sont claires. « Nous ne refusons pas d’accorder le pardon, mais accorder le pardon n’exclut pas la justice ».
A quoi sert la vérité sans punition ?
Des parlementaires avaient également été invités à se prononcer. Parmi eux, Charles Nditije, député et président du parti Uprona, signale que la CVR est une question épineuse : « Elle ne concerne pas seulement les politiciens ou les parlementaires, elle est pour tous les Burundais. Car, les victimes appartiennent à toutes les catégories, toutes les ethnies, etc. »
M. Nditije signale que ce projet de loi est en train d’être étudié au sein de la commission des affaires juridiques. Pour lui, cette commission ne devrait pas s’en charger seule : « Tout le monde devrait contribuer : tous les politiciens, la société civile, les églises, etc. ». Au nom de l’Uprona, Charles Nditije indique que ce projet de loi mérité d’être retouché en se conformant aux Accords de paix d’Arusha, aux recommandations de l’ONU et aux propositions de la population. Il s’insurge contre cette volonté du gouvernement d’omettre certains éléments importants dans ce projet. « Les punitions des personnes qui seront coupables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ne sont pas indiquées ».
Selon le projet, la Commission se limitera à la recherche de la vérité. « A quoi servira-t-elle sans les punitions surtout concernant les crimes impardonnables? », se demande M. Nditije. Pour lui, le pardon seul ne suffit pas parce que sans la justice, les gens ne vont pas accepter de témoigner et la réconciliation ne sera pas possible.
« Je demande à tous les Burundais de contribuer, comme il est mentionné dans ce projet de loi. Il nous faut une CVR mais aussi une commission internationale chargée d’enquêter sur les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité mais aussi un tribunal spécial », lance le président de l’Uprona.
<doc7502|right>Pour lui, ne pas mentionner dans ce projet une commission d’enquête internationale ni même un tribunal spécial est une marche en arrière. « La CVR va dès lors traiter seulement les crimes simples et ne peut pas se prononcer sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes du génocide ».
Pour avoir une CVR plus opérationnelle, Charles Nditije propose un choix minutieux des commissaires et une bonne organisation comme cela a été le cas pour la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH). Il signale que dans cette opération, une personne suspectée devrait être exclue de la liste des candidats, même en cas de mensonge. « Que les membres de la CVR soient des hommes hors de tout soupçon », insiste-t-il.
La CVR, une question délicate
Se prononçant sur ce processus, l’Abbé Dieudonné Niyibizi souligne que la mise en place de la CVR est une question délicate. « Car, elle prend source dans le passé, touche dans le cœur des gens et doit nous donner des orientations pour l’avenir de notre pays. C’est pourquoi les Burundais devraient l’étudier tout en mettant de côté les intérêts politiques ».
Ce prêtre estime qu’il est indispensable que les Burundais connaissent la vérité. « Il faut fouiller dans l’histoire lointaine car c’est cela qui a poussé les gens dans des conceptions tronquées sur lesquelles certains se sont appuyés pour commettre des crimes », précise-t-il.
« Il est nécessaire de se réconcilier », affirme-t-il tout en déplorant le fait que les Burundais n’ont pas tous la même conception du concept de réconciliation. Pour lui, « se réconcilier c’est arriver dans le fond du cœur de l’individu, répondre à ce qui l’a profondément touché et panser ses blessures ». D’après lui, la question fondamentale est de comprendre notre objectif et « quand nous aurons compris cela, nous saurons comment y parvenir ».
Selon l’Abbé Niyibizi, il faut privilégier une voie qui nous fera arriver à la réconciliation : « La bonne voie, c’est de chercher comment les victimes et les bourreaux peuvent retrouver leur dignité humaine et se réconcilier ». Il trouve que le pardon et la justice sont complémentaires : « Aucun pays ne peut se construire sans le pardon et la justice ».
Pas de raisons d’avoir peur de la CVR
<doc7500|left>David Niyonzima, du Trauma Healing and Reconciliation Services (THARS), demande aux Burundais de ne pas avoir peur de la CVR. Selon lui, deux groupes s’opposent : « Un groupe qui indique qu’une CVR sans la justice n’aboutira à rien et un autre pour la recherche seulement de la vérité ». Et les deux, poursuit-il, risquent de s’accuser mutuellement.
Il demande qu’une fois la CVR mise en place, il faut la laisser découvrir la vérité, « car, la vérité elle-même guérit, soulage ». Après la découverte de la vérité, ajoute-t-il, il revient aux Burundais de se prononcer sur l’étape à suivre. M. Niyonzima reconnaît que la vérité n’exclut pas la justice. « Si la vérité est connue, le pardon est possible voire la justice ».
Quid des recommandations de l’ONU ?
L’Organisation des Nations Unies recommande de veiller à ce que la CVR ne se donne pas le pouvoir d’accorder une amnistie aux criminels. Elle propose qu’une fois ces crimes connus, ils doivent être poursuivis en justice. Le Bureau des Nations Unies au Burundi (BNUB) exige qu’on ne donne pas à cette commission le pouvoir d’accorder le « pardon » aux personnes coupables des crimes. Il suggère de montrer clairement le rôle de la CVR pour qu’il n’y ait pas de confusion. Sur la composition, il propose que les politiciens soient minoritaires au sein de ladite commission. Pour un bon fonctionnement, le BNUB recommande que la CVR soit composée de gens de la société civile, d’églises et d’étrangers. Il revient aussi sur la protection des victimes et des témoins, ainsi l’ONU recommande aux parlementaires de montrer clairement comment la sécurité de ceux-ci sera assurée.