La Commission Vérité et Réconciliation a présenté ce lundi au public des ossements et d’autres effets de personnes comprises entre 250 et 270 déterrés dans le périmètre de l’ancien marché de Kamenge. C’était au cours d’une journée porte ouverte.
Plusieurs autorités dont des diplomates accrédités à Bujumbura étaient présentes. Il y avait dans cet espace des fosses communes et un cimetière improvisé lors de la crise de 1993 et des années qui ont suivi.
Bastion de la rébellion naissante, Kamenge a été le théâtre d’une guérilla urbaine et ce quartier en a payé un lourd tribut. Des victimes étaient enterrées dans la précipitation dans des fosses communes.
Des crânes fracassés, des morceaux de fémurs et d’autres restes humains, des habits des victimes disparues et quelques effets personnels dont des chapelets, des montres et des cartes nationales d’identité illisibles ont été exhumés. Il y avait également quelques armes blanches.
Cette découverte macabre a suscité beaucoup d’émoi à Kamenge. C’est le cas Margueritte, une veuve, la sexagénaire. C’est en pleurs qu’elle a affirmé avoir reconnu les habits que son fils et son mari portaient le jour de leur enlèvement en 1994 dans ce quartier de Kamenge.
«Je viens de voir la chemise, les petites babouches de mon fils et les habits de mon mari. Je remercie le Bon Dieu et je suis soulagée. Et il faut que nous soyons associés le jour de leur enterrement digne», a-t-elle demandé avant de s’évanouir.
Nestor Gasaba, natif de Kamenge, se rappelle de ces évènements : «Cela s’est passé, il y a 25 ans mais c’est comme si c’était hier». Selon lui, cette visite est une thérapie qui ouvre le processus de réconciliation.
«Il y avait beaucoup de personnes tuées et ces dernières étaient jetées à cet endroit. La justice doit être là mais le pardon devrait primer parce qu’on doit vivre ensemble», a souligné ce cadre à la présidence de la République.
Pour le vice-président de la CVR, Clément Noé Ninziza, cette découverte est de taille et va renforcer les activités de cette commission. Selon lui, c’est clair qu’il y a des gens qui ont été enterrés hâtivement à cet endroit et d’autres qui ont été entreposés dans cet espace. «Il était difficile pour certaines gens d’enterrer les leurs dans de bonnes conditions, la guerre faisait rage».
Par la voix de son vice-président, la CVR a annoncé que d’ici trois ans, la liste des gens qui ont commis des crimes pendant la crise et dans différents endroits sera dressée. «Les enquêtes prennent du temps, il faut y aller avec tact. Les victimes doivent patientes, elles ont tout enduré. Il ne faut pas se fier aux seuls témoignages, ils doivent être recoupés».
Signalons que plusieurs charniers ont été découverts au début de l’année dernière 2019 par cette commission dans les provinces de Makamba, Kirundo, Ngozi et Mwaro.