La commission Vérité et Réconciliation a présenté son rapport d’étape exercice 2020 devant le Parlement, les deux chambres réunies au Palais des congrès de Kigobe ce jeudi 7 janvier. Le parlement et la CVR demande au Gouvernement de présenter des excuses devant les familles éprouvées.
D’emblée, Pierre Claver Ndayicariye a expliqué aux élus que le rapport concerne exclusivement la période de 1972. « Le travail de documentation des fosses communes et d’excavation des restes humains a permis les résultats importants. 8 grandes fosses communes ont été découvertes en province Karusi avec des restes de 7.348 victimes, 11 à Gitega avec des ossements de 3.630 victimes, 34 à Makamba avec 1.680 victimes, 16 fosses communes à Rumonge avec 813 victimes et 7 à Ngozi avec 113 victimes », a tenu à détailler le président de la CVR.
Pour Pierre Claver Ndayicariye, toutes ces informations ont été obtenues grâce aux témoignages et auditions de 877 personnes d’une moyenne d’âge de 58 ans toutes parmi les Hutu et les Tutsi.
« Les victimes passaient dans des centres de transit et étaient tués à coup de machette, de gourdins, de baïonnettes ou par balle avant d’être jetées dans des fosses communes », a-t-il dit.
En plus, poursuit-il, les familles ont été dépouillées de leurs biens et leurs femmes violées. « Personne n’était autorisé à observer le deuil ni pleurer pour le sien».
Le rapport présenté devant les élus du peuple est composé de 6 livres dont un noyau qui retrace les origines des violations graves et massives des droits de l’Homme en 1972, le rôle de l’Etat et ses organes, le nombre provisoire des victimes et des témoignages et des auditions déjà faits. Les 5 autres livres sont des collections des photos des fosses Communes, des restes excavés et des témoins.
« Ces activités ne visent pas à raviver la haine »
Et le président de la CVR de s’interroger s’adressant aux élus: « Comment est-ce que les tueries peuvent commencer au sud du pays à Nyanza-lac avec l’invasion des Mulele et le lendemain les listes des gens à tuer sont connues à travers tout le pays ? Quand est-ce qu’elles ont été préparées, avec quels moyens? »
Contrairement à ceux qui déclaraient que les activités de la CVR sont de nature à raviver la haine, Ndayicariye se veut rassurant. « Les activités visent à faire émerger la vérité longtemps cachée. Elle permet de réhabiliter ceux qui étaient qualifiés de traitres, de criminels par le gouvernement. Ce qui a fortement impacté le Burundi, c’est la globalisation ».
D’après Ndayicariye le choix de la période de 1972 n’est pas anodin. Il s’agit d’une période où le sang des innocents en grand nombre a été versé à l’envergure nationale. Encore les témoins et veuves sont en âge avancées. Il fallait, dit-il, les auditionner avant qu’ils ne disparaissent. Les autres datent sombres de l’histoire notamment 88 et 93 suivront.
La CVR demande au Parlement de voter une loi pour laver l’honneur des victimes de 1972 qui ont été traités injustement de tous les maux. Ériger un mémoriel national et instaurer un deuil national mais aussi permettre aux familles éprouvées de faire de levée de deuil définitive.
« Rien ne peut justifier de tels massacres »
En plus, il a rappelé que les massacres de 1972 ont été préparés et exécutés par le gouvernement de l’époque. Ici, il a demandé au gouvernement actuel de présenter des excuses aux familles des victimes et des rescapés. Une proposition soutenue par les bureaux des deux chambres du parlement dans une déclaration conjointe lue après la présentation de ce rapport d’étape.
« A la lumière de ce que nous avons entendu, nous sommes devenus des sauvages. Rien ne peut justifier de tels massacres. C’est terrible. Il nous faut demander pardon devant l’Eternel », s’est exprimé avec émotion, Gélase-Daniel Ndabirabe, président de l’Assemblée nationale avant de demande une minute de silence en mémoire de ces victimes.
« Ce n’est pas des ethnies qui tuent mais des mauvais dirigeants», a pour sa part expliqué Emmanuel Sinzohagera, président du Senat. Pour lui, les évènements sanglants qui ont suivi, sont la conséquence de cette mauvaise gestion du pays par les dirigeants de l’époque.
Même sentiment d’indignation chez Abel Gashatsi, 2ème vice-président de l’Assemblée nationale. Il a salué le travail abattu par la CVR. « Je pense que ces criminels sont déjà en enfer. Ceux qui sont encore en vie doivent demander pardon».
De son côté le sénateur Jean-Marie Nibirantije considère que les massacres perpétrés est un crime d’Etat. Il rappelle que les victimes ont été exécutées après une déclaration publique les qualifiant de traitres et de criminels. Il a demandé au gouvernement de laver leur honneur.
Au sujet de la qualification juridique des faits, le président de la CVR a précisé qu’elle sera la dernière étape. Elle interviendra après avoir consulté les textes légaux nationaux et internationaux à cet effet.