La Commission Vérité et Réconciliation, CVR, a entamé depuis le 27 janvier, des travaux d’exhumation des ossements humains des personnes tuées en 1972 au site de la Ruvubu. Les journalistes d’Iwacu étaient sur les lieux lors du lancement. L’opération doit durer au moins trois semaines. Une activité à saluer. En effet, si la déshumanisation des « ennemis » a eu lieu, c’est leur ré-humanisation qu’il s’agit lors du ré-enterrement.
Toutefois, l’opération est interprétée différemment et commence à provoquer de vives réactions et émotions dans l’opinion. En effet, l’ouverture des fosses confronte les proches des victimes à des os, parfois à un amoncellement d’os dans le cas des enterrements multiples comme le cas du site de Ruvubu, qui n’ont plus grand-chose à voir avec l’image de la personne disparue. « Je ne crois pas à mes yeux. C’est horrible, traumatisant. C’est comme planter un couteau dans nos cœurs. Tout le monde pense que c’est son mari, son frère ou son père.» Des propos émouvants d’une femme qui regardait de loin un membre de la CVR montrant un crâne et d’autres ossements aux journalistes.
L’opération est en train de se dérouler à la veille des élections. Certains politiques se demandent si le moment est vraiment approprié. « Pourquoi remuer ciel et terre pour exposer des restes humains de la crise de 1972 à la veille des élections ? »
Cette activité soulève aussi une polémique quant à l’identification de ces fosses communes et l’identité des restes excavés. « Pourquoi on s’acharne à montrer que les crises burundaises ont toujours emporté les victimes d’une telle ethnie ? N’est-ce pas une manipulation de l’histoire ? », s’est interrogé notamment Tatien Sibomana, un politique burundais.
Récupérer un corps qui a été violenté, parfois torturé, exécuté sommairement et enterré clandestinement, engendre plusieurs autres interrogations : Comment traiter ces restes ? La manière de les ré-enterrer ? Y a-t-il une préparation psychologique des victimes ?
Le Burundi a été endeuillé à différents moments de l’histoire. Les violations massives ont toujours pris malheureusement un caractère ethnique. Certes, la CVR fait son travail, une tâche qui devrait par ailleurs être menée en 2001. Cependant, elle devrait prendre en considération toutes ces préoccupations, expliquer, tranquilliser, apaiser, faire un travail pédagogique et psychologique en amont. Sinon, il y a risque de créer des frustrations inutiles, de choquer les uns et les autres, de susciter un malaise et une gêne à certaines familles de victimes.