Le président de la Commission vérité et réconciliation (CVR) indique que cet organe a déjà enregistré plus de 11 mille personnes ayant sauvé les autres dans la crise de 1972 dans tout le pays, cités par les rescapés de cette crise. Ces derniers appellent à la reconnaissance de ces Justes pour promouvoir leurs valeurs d’humanisme.
« Ces Justes ont risqué leur vie pour sauver les autres. Certains ont été torturés, emprisonnés ou même tués pour avoir protégé les autres de l’ethnie différente. D’autres ont fui leurs localités pour échapper à la mort », raconte Pierre-Claver Ndayicariye, président de la CVR.
Selon lui, les Justes burundais viennent de toutes les ethnies, de tous les genres et de toutes les provinces du pays. Parmi eux, précise-t-il, il y a des religieux, des laïcs et des militaires.
Parmi les religieux, il cite notamment Mgr Joachim Ruhuna, Mgr Bernard Bududira, l’Abbé Charles Gahebe et l’Abbé Roger Mpungu : « Charles Gahebe est tant cité à Makebuko en province de Gitega. Les fidèles de cette commune lui ont déjà construit un mini-monument ».
Le président de la CVR explique qu’il y a d’autres Justes burundais et étrangers non encore identifiés à travers tout le pays : « Dans toutes les provinces et communes, il y a beaucoup de Justes anonymes. Certains ne préfèrent même pas qu’ils soient cités ».
Il fait savoir qu’il y aura un recensement au niveau national pour identifier tous les Justes, les circonstances et leurs motivations. Selon lui, ce recensement va aussi identifier les personnes assassinées, disparues ainsi que celles qui ont accordé ou bénéficié le pardon.
Pour lui, les Justes burundais ont besoin d’être reconnus comme des protecteurs de l’humanité : « Il faut les valoriser et les vanter. Ils sont les héros de la vie, des protecteurs de l’humanité, les piliers de la paix et de l’Ubuntu. Ils sont un modèle pour les jeunes générations ».
Des témoignages
Fabien Segatwa, un rescapé de 1972, raconte avoir été sauvé par Mgr feu Joachim Ruhuna qui était à l’époque recteur du Grand Séminaire de Bujumbura et Mgr Evariste Ngoyagoye.
Il témoigne avoir échappé à la mort au campus de l’Université du Burundi pour se réfugier au Grand Séminaire de Bujumbura en 1972 : « Mgr Ruhuna ne me connaissait pas. J’avais quitté le petit séminaire avant qu’il soit recteur. Il m’a bien accueilli et je lui ai dit que tous les étudiants hutus du campus sont morts. Il ne restait que moi et mon frère et je n’avais pas de refuge. Il m’a bien accueilli et m’a donné une chambre parmi les autres réfugiés ».
Me Fabien Segatwa se souvient que Mgr Evariste Ngoyagoye l’a accompagné pour retirer son argent à la banque : « J’avais 16 mille BIF sur mon compte. Ngoyagoye a béni cet argent. Cela m’a aidé jusqu’à Kinshasa avant que je reçoive la bourse de HCR ».
Il confie que Joachim Ruhuna l’a aidé à se réfugier au Zaïre, l’actuelle République démocratique du Congo : « Lorsque je l’ai dit que je voulais me réfugier au Congo, il m’a emmené à Nyakabiga. Il avait monté un plan de sauvetage avec les Congolais pour pouvoir traverser la frontière vers la RDC ». Pour lui, ce prélat devrait être parmi les saints reconnus par l’Eglise catholique.
Laurent Nicimbesha, élève à l’Ecole moyenne pédagogique de Nyakabiga (actuel Lycée Scheppers) en 1972, raconte aussi comment Pascal Ntemako, directeur de l’enseignement primaire et normal à l’époque, a sauvé beaucoup d’élèves de cette école : « Du 8 au 28 mai 1972, il venait toujours à l’école à 17 heures. Il quittait l’école après que tous les élèves soient dans les dortoirs. Il a fait tout son possible pour protéger les élèves malgré les menaces ».
D’autres rescapés de 1972 demandent que tous les Justes dans toutes les crises burundaises soient identifiés et enregistrés pour qu’ils soient reconnus par tous les Burundais comme des héros de la paix.
L’article 6 de la loi de 2018 régissant la CVR exige à cette commission de publier des personnes, tant burundaises qu’étrangères, qui se sont distingués dans la protection des vies humaines dans les différentes crises.
Homo Homni Lupus, dit-on mais il y a lieu de dire aussi Homo Homni Angelus. Certaines personnes ont été de vrais Anges envoyés par Dieu pour sauver d’autres, du moins pour un temps, même si elles seraient devenues des loups aussi pour d’autres… Que leur bravoure soit reconnue et louée.