Perturbations climatiques, rétrécissement des réserves cotonnières, désintérêt des cotonculteurs : le coton fait face à de nombreux problèmes et il n’est plus parmi les trois premières cultures d’exportation. Le peu de production est consommé localement.
Selon les données du Comité de Gérance des Réserves Cotonnières (COGERCO), les superficies cotonnières sont passées de 8.491 hectares en 1993 à 2.481 hectares en 2020, et la production a suivi la même cadence, passant de 8.813 tonnes en 1993 à 763 tonnes en 2020.
Pourtant, dans les années 80, le coton était la troisième culture industrielle parmi les trois produits que le Burundi exportait, après le café et le thé. Il faisait entrer des devises, mais actuellement la petite quantité produite est utilisée localement par Afritextile (la seule société qui est spécialisée dans la fabrication des tissus, de pagnes et d’essuies mains), qui doit aussi s’approvisionner à l’étranger pour couvrir la quantité nécessaire.
Les terrains cultivables réservés à la culture du coton diminuent continuellement. De 1993 à 2020, ils ont connu une diminution de plus de 70% et la production n’a pas été epargnée, elle a diminué aussi de plus de 90%.
Plusieurs raisons sont à l’origine de cette baisse de la production, notamment les crises politiques qu’a connues le pays, la pression démographique et les inondations qui ont provoqué un rétrécissement des terres cultivables, le tout entraînant une chute de production.
Le coton, moins rentable
Certains cotonculteurs ont décidé de se tourner vers d’autres cultures vivrières, moins risquées et plus rentables que le coton. « Le coton demande beaucoup de travaux d’entretien et prend une longue période avant la récolte», confie Gaspard Bukuru, ancien cultivateur du coton.
Selon lui, celui qui sème le haricot peut récolter deux fois alors que le producteur de coton sur une même période ne peut récolter qu’une seule fois. « C’est ce qui m’a poussé à abandonner le coton au profit d’autres cultures ».
Les cotonculteurs déplorent également le retard pris pour les commandes des engrais chimiques et des produits phytosanitaires, comme nous l’a signalé Janvier Niyonizigiye, cotonculteur dans la commune Rugombo de la province Cibitoke. «Ces intrants deviennent de plus en plus rares ».
Auparavant, raconnte-t-il, on nous donnait des pesticides deux fois pour les feuilles et une fois pour les fleurs. « Mais actuellement, ils peuvent nous donner des pesticides pour les fleurs alors qu’ils ne nous ont rien donné pour les feuilles».
Un prix jugé peu encourageant
Les cotonculteurs se lamentent du prix proposé pour le coton. Selon ces derniers, cette culture est peu rémunératrice comparativement à d’autres, malgré l’entretien des plantations qui nécessite beaucoup de moyens. Ces producteurs de coton sollicitent une révision à la hausse du prix du coton graine, en guise d’encouragement.
De 2011 à 2020, le prix du coton graine est passé de 350 BIF à 600 BIF. Cette faible évolution du prix d’achat du coton graine explique le désintéressement des cotonculteurs et l’abandon de cette culture. Les cotonculteurs qui s’estimaient autour de quinze mille en 1993, ne sont plus aujourd’hui que six mille.
Le prix jugé peu encourageant et la diminution des cotonculteurs ont beaucoup contribué à la diminution de la production du coton, car ils se sont intéressés aux autres cultures vivrières, jugées plus rémunératrices que cette culture qui n’a plus sa cote.
Estella Negamiyimana, qui cultive du coton depuis quelques années dans la province Cibitoke, fait savoir que n’eût été la mesure leur permettant d’associer le coton à d’autres cultures vivrières, bon nombre de cotonculteurs auraient déjà jeté l’éponge.
« Le prix d’achat est faible par rapport aux autres cultures et la COGERCO achète à crédit, elle peut nous payer même après un mois, ce qui n’est pas le cas pour les autres cultures vivrières où c’est payé cash », déplore Estella.
La COGERCO reste optimiste
Pour Gustave Majambere, directeur général de la COGERCO, il y a plusieurs causes dans la chute de la production. Il cite notamment, la diminution des terres réservées à la culture du coton suite à la pression démographique, l’extension de la ville de Bujumbura, la spoliation des terres des paysannats par des tiers et les aléas climatiques, parmi lesquels les inondations.
Il fait savoir également qu’il y a des terrains qui étaient réservés au coton qui ont été cédés pour d’autres finalités, comme la zone d’échange préférentielle de Gatumba qui a été implantée sur une superficie d’environ 500 hectares.
Pour pallier ces défis, la COGERCO compte chercher des partenaires pour appuyer leur projet, la mécanisation de son système de labour et la rénovation de son usine d’engrainage. «Nous avons déjà engagé des procès contre ceux qui avaient spoliés les terres réservées au coton, et on a déjà recouvré environ 250 ha à Buganda et Rugombo », informe-t-il.
Et d’ajouter que la COGERCO est en train de mener des essais d’adaptation du coton dans d’autres régions pour étendre les aires réservées à cette culture : «C’est notamment à Cankuzo.»
Pour le directeur général de la COGERCO, il y a lieu d’être optimiste avec le projet « Cotton Victoria ». Ce programme est exécuté dans trois pays de la région dont le Burundi, le Kenya et la Tanzanie en partenariat avec le Brésil, ce projet vise le renforcement des capacités et l’échange d’expérience.
Selon lui, l’augmentation du prix du coton à 700 BIF le kg pour la prochaine campagne et la volonté des pouvoirs publics à booster ce secteur peuvent permettre de croire que la production sera revue à la hausse ces prochaines années.