Ils avaient juré de ne jamais lâcher prise malgré l’interdiction des autorités, de venir le 12 de chaque mois pour faire leur prière à la colline Businde. Ils l’ont fait. "Ils", ce sont les adeptes d’Euzebie Ngendakumana, connue sous le nom de Zebiya. Mais, cette fois-ci, l’affaire a tourné au drame après de violents affrontements avec la police qui se sont soldés par la mort de 10 personnes.
<doc7424|right>Dix morts et une quarantaine de blessés. L’incident a été accablant, le bilan lourd. Cette matinée de mardi, 12 mars, à la colline Businde en commune Gahombo, où la police et les adeptes de ‘Zebiya’ se sont rentrés dedans. Ces derniers étaient venus par centaines, « environ cinq cents » estiment les témoins directs, pour faire leur prière au sanctuaire. Voici le récit de ces témoins, qui ont vécu, en direct la catastrophe :
Il est environ 5 heures quand les adeptes de Zebiya, qui apparemment n’ont pas logé loin du sanctuaire, affluent en masse vers leur lieu de prière en récitant des chants religieux. Les policiers, une trentaine, qui gardent depuis quelques mois le sanctuaire, les arrêtent et les empêchent d’atteindre leur lieu de culte. Les « Zebiya », comme on les surnomme désormais, obéissent. Aucune résistance ! Vu le nombre de ces adeptes, et craignant des débordements, la police sollicite un renfort auprès du commissariat installé dans la paroisse Rukago. Le soutien débarque immédiatement sous le commandement de son chef de poste, Pierre Claver Nyandwi.
Vers 6h, les fideles de Zebiya sont repoussés, petit à petit, jusqu’ à Kigarama, un centre situé à quelques centaines de mètres du sanctuaire. La police tente de les rassembler. Pour quel motif ? Les fidèles de Zebiya l’ignorent. Subitement, l’un d’eux, sort une pierre qu’il avait cachée dans ses habits et la lance contre le chef de poste de police, par derrière, sur son dos. Scandalisé, le chef de poste donne l’ordre à ses policiers, comme il le confirme lui-même, de tirer en l’air pour disperser la foule. Le chaos commence ! Les coups de feu s’enchainent, des jets de pierres y répondent, un bruit assourdissant, et enfin des victimes ! La bataille ne dure que quelques dizaines de minutes mais le bilan est déjà douloureux : Six personnes, trois hommes et trois femmes, toutes fidèles de Zebiya, ont perdu la vie. Certains témoignages racontent que des policiers auraient visé directement la tête. De plus, une quarantaine de blessés, dont deux policiers, alourdissent le bilan.
Le calme revient vers 7h30. Les corps sont allongés en plein air. A leurs côtés, des blessés ensanglantés, les rescapés se rassemblent, visiblement abattus. Tous sont sous surveillance de la police. La population avoisinante commence à affluer sur les lieux, de même que les autorités administratives, sécuritaires et judiciaires au niveau régional et provincial. Les images sont atroces ! Du sang qui coule à côté des cadavres, des blessures graves qui donnent à frissonner. Même si une frange de la population en avait marre avec cette histoire de prières, la plupart des habitants de la localité semblent déplorer le comportement de la police qui a tiré à balles réelles sur des personnes sans aucune arme à feu.
Entretemps, une ambulance essaie d’évacuer les blessés vers l’hôpital de Gahombo. La tache n’est pas facile du tout. Les blessés sont nombreux, certains sont grièvement blessés. Certains, dont quelques vieilles mamans, sont à l’agonie. L’opération dure presque tout l’avant-midi. A l’hôpital, le personnel est débordé. La capacité d’accueil est faible. Tous les lits sont occupés. Quelques-uns ne peuvent même pas entrer à l’intérieur de la salle d’hospitalisation et reçoivent leurs soins en plein air, à l’extérieur. D’autres sont allongés par terre. Comme le malheur ne vient jamais seul, l’hôpital n’a pas suffisamment de sang en réserve pour perfuser ceux qui ont beaucoup saigné. Pas d’électricité non plus pour stériliser les ustensiles afin de continuer les interventions chirurgicales.
Nouvelle alerte, l’un des blessés succombe à ses blessures à l’hôpital. Il s’agit d’une femme qui a subi une grave hémorragie. Trois autres personnes perdront la vie dans les 24 heures qui suivirent l’incident.
Tout le monde s’active pour limiter les dégâts. Des coups de fil ici et là pour tenter d’avoir au moins un peu d’électricité. Il faudra pour ça attendra quelques heures.
Sur le coup de 14h, une large délégation débarque à Kigarama, lieu de la catastrophe. A sa tête, Edouard Nduwimana et Gabriel Nizigama, respectivement ministre de l’intérieur et de la sécurité publique. Des rencontres à huis clos se tiennent entre autorités locales et lesdits ministres, apparemment pour convenir de l’interprétation à donner au drame. Les autorités tiennent ensuite des discours plutôt fermes.
<doc7423|left>« Vous vouliez des martyrs, en voici ! »
Tour à tour, les intervenants nient explicitement ou implicitement l’implication de la police dans les violences qui viennent d’avoir lieu. C’est le gouverneur de Kayanza, Athanase Mbonabuca, qui prend la parole en premier : « Nous regrettons les pertes en vie humaines qui ont eu lieu ce matin dans les affrontements entre les adeptes de Zebiya et la population avoisinante. N’eut été l’intervention de la police, le bilan serait encore beaucoup plus lourd ». Un propos appuyé par le ministre de la sécurité publique, après que celui de l’intérieur ait endurci le ton : « Vous avez voulu des martyrs, en voici ! Mais qu’ils soient les derniers sur cette colline Businde ».
Edouard Nduwimana, après avoir assimilé les ouailles de Zebiya à la secte nigériane de Boko Haram, ne s’arrête pas là. Pour lui, s’il y récidive, les adeptes incriminés seront considérés comme une rébellion à combattre comme telle car, selon lui, « il ne s’agit plus d’une affaire religieuse mais d’une question sécuritaire ». Toutefois, le ministre de l’intérieur boucle son propos en souhaitant la mise en place d’une commission d’enquête, pour déterminer les responsabilités des uns et des autres dans ces violences.
<quote>Un mouvement décrié par les autorités administrative et religieuse : L’évêque du diocèse de Ngozi, Gervais Banshimiyubusa, avait été catégorique le 7 novembre 2012 : « Nous interdisons formellement tout culte à Businde ». Signifiant clairement, dans une lettre qu’il a adressée à Zebiya en personne, que la récidive risquait de la conduire, elle et ses fidèles, à une exclusion totale de l’Eglise catholique. Une décision confirmée par l’administration qui a pris la décision de fermer définitivement le sanctuaire, après sa démolition. Toutefois, rien n’indique que ces injonctions seront respectées, même après les incidents de ce mardi 12 mars. Les adeptes de Zebiya jurent, la main sur le cœur, qu’ils n’abandonneront jamais Businde, leur lieu « sacré ». Une petite précision : Tous ces incidents se sont produits alors que jusqu’à présent, l’on ignore où se trouve l’objet du culte : Zebiya. Et cela, depuis quelques mois. </quote>