Vendredi 22 novembre 2024

Politique

Crises au Burundi : quid du sort des enfants nés de viol ?

Avec 1993, le Burundi tombe dans une crise sociopolitique. Avec la guerre, les militaires sortent des camps et érigent leurs positions dans le pays. Des groupes armés naissent et sillonnent le pays. Certains militaires et rebelles commettent des viols et des enfants naissent. Le projet de loi sur la CVR reste silencieux sur ces cas … Comment se débrouillent-ils pour survivre ? Quelle est leur place dans l’administration et au niveau communautaire ? Et l’héritage ?

Fabrice Niyongabo, un des enfants nés du viol ©Iwacu

A la lisière de la Kibira, en commune et province Muramvya, il est 10 h. Sur la route Bujumbura-Kayanza, la circulation est intense. Il fait froid. Dans ce paysage verdoyant, tout autour des habitations en tuiles pour la plupart, des champs de blé dominent.
Y-a-t-il des cas de femmes victimes de viols des rebelles ou des militaires ? Léonidas Ndikumana, conseiller collinaire à Kibogoye, répond par l’affirmative. Fabrice Niyongabo, 20 ans, élève à l’Ecole Technique de Kamenge (ETS) en 3ème année, témoigne : « J’ai grandi dans des conditions difficiles parce que ma mère était infirme. Quand j’ai commencé l’école primaire, elle se battait pour me procurer le matériel nécessaire. Mais, c’était très difficile », indique ce jeune homme au teint foncé. Affirmant qu’il n’a jamais connu son père, il précise qu’il a posé cette question, à maintes reprises, à sa mère en vain. Quand sa maman est morte, il y a cinq ans, « c’est à ce moment que j’ai beaucoup éprouvé ce besoin de connaître mon père ».

Et « chaque fois que je lui posais cette question, elle me disait que je dois prendre la situation telle qu’elle est », se rappelle-t-il en précisant qu’il rencontre beaucoup de problèmes à l’école, à la commune quand il s’agit de chercher des documents d’identification. Il souligne que lorsqu’il est allé se faire inscrire à l’état civil, à la place du nom du père, on a mis « inconnu ». Il mentionne que c’est révoltant surtout quand les autres enfants ont des pères connus. Il indique qu’au moment où les autres Burundais se disent être Tutsi, Hutu ou Twa, lui, il ne sait pas à quelle ethnie il appartient.

La victime ne connaît pas toujours l’identité du violeur « Dans la tradition burundaise, si une fille tombe enceinte, alors qu’elle n’est pas encore mariée, elle est souvent discriminée dans la famille, à l’école, partout », indique Pamela Mubeza de l’association regroupant les filles-mères.
Et quand cette grossesse résulte d’un viol, la fille est traumatisée parce qu’elle ne connaît pas toujours l’identité du violeur. Elle souligne que beaucoup de filles ou de femmes ont vécu une telle situation durant cette période de crise. « Les enfants nés de cette ‘’union’’ sont quelquefois haïs, méprisés par la communauté ou la famille. Imaginez-vous un enfant né d’un rebelle dans une famille tutsi. L’enfant devient comme une injure pour la famille », explique-t-elle.

Justine Komezadusabe, administrateur de la commune Muruta, province Kayanza ©Iwacu

En outre, elle assure qu’il devient très difficile pour la victime d’élever cet enfant, car quand elle le voit, elle se rappelle cette scène dramatique. Et quand ces enfants veulent connaître l’identité de leurs pères, c’est aussi une autre torture pour leurs mères. « Au niveau communautaire, avec la paupérisation des familles, les questions foncières… ces enfants sont déconsidérés, alors qu’ils sont innocents », déplore-t-elle.

Que la CVR pense à nous !

Au moment où le projet de loi sur la Commission Vérité Réconciliation (CVR) reste silencieux sur le sort de ces enfants, ces derniers demandent d’être pris en compte : « Le gouvernement doit prendre en main notre question et penser à notre avenir. Où allons-nous hériter ? Est-ce que le gouvernement va nous laisser tomber ? ».
Fabrice Niyongabo souligne que ces enfants ont besoin d’être soutenus moralement et matériellement. Il lance, par ailleurs, un appel aux parlementaires d’insérer dans le projet de loi sur la CVR au moins un article sur ces cas. Et d’ajouter que sans papiers d’indigence, il applique l’article 15 durant les vacances pour pouvoir payer ses études.

Ces enfants méritent une attention particulière

Sans parents, vivant surtout chez leurs oncles, ces enfants font objet de discorde familiale surtout quand on évoque la question d’héritage. Pour les administratifs et la communauté, ces enfants méritent une attention particulière. Charles Ndikumana, 25 ans, de Muramvya, considère qu’ils mènent une vie difficile. Pour lui, le gouvernement devrait faire le recensement de tous ces enfants. Il soutient que le gouvernement doit leur donner des terres car eux-aussi ont besoin de vivre.
Léonidas Bizimana, conseiller collinaire de Kibogoye, abonde dans le même sens : « Ces enfants constituent un grand problème communautaire. Il y a toujours des querelles entre eux et leurs oncles ou leur famille ».

Il signale que certains oncles maternels cherchent à les chasser alors qu’ils n’ont pas où aller. Selon lui, d’après la tradition burundaise, ces enfants héritent de cette petite portion de terre donnée à leur mère, lors de leur mariage (igiseke).
M.Ndikumana pense que cette question devrait été prise au sérieux parce que c’est une réalité dans le pays surtout dans les coins environnants la Kibira. Il fait remarquer que beaucoup de ces enfants sont adultes et vont bientôt fonder un foyer. « L’Etat devrait donc mettre en place un fonds pour aider ces enfants dont les pères sont dits inconnus ». Et d’enchaîner : « Cela entrera dans le cadre de prévenir des conflits fonciers. »
Enregistrement de ces enfants : Que dit la loi ?

A l’état civil, Justine Komezadusabe, administratrice de la Commune Muruta, province Kayanza, indique que l’enfant est enregistré au nom de celui qui se présente et toujours dans la place du père, on met « inconnu ». Et de lancer un appel aux oncles qui maltraitent leurs neveux de comprendre que même s’ils sont nés dans ces conditions, ils restent utiles pour le pays.

Forum des lecteurs d'Iwacu

15 réactions
  1. Nkundagihugu

    Des enfants à père inconnu ou non reconnus existent bel bien depuis longtemps au Burundi. Des erreurs de jeunesse, des hommes irresponsables qui engrossent les filles et les laissent à leur sort sont toujours là. Donc les enfants à père inconnu existent et continueront à exister suite à l’irresponsabilité des hommes. Je connait la douleur que ça cause parce que j’en suis un. J’ai mené une vie dure, j’ai payé mes études, mes premiers frais de scolarité je les ai volé à ma grand-mère, pour le reste, je faisait ce qu’on appelle « Gusora ibiharage aho bashwabuye » pour pouvoir acheter des cahiers, des culottes, les moins chères à l’époque qu’on appelait kabura « leur coût était de 40 à 60 Fbu ». J’ai pu faire mes études et avoir une bourse à l’étranger et maintenant je suis père de famille, je sens cet amour qu’un père doit donner à son enfant, combien je suis heureux d’être pas d’un si joli garçon, ce que mon soi-disant père n’a pas voulu connaître. Ironie du sort, il s’est présenté quand je commençait le lycée pour me dire que c’est mon père mais je n’ai pas su digérer ce que j’ai vécu alors que lui se la couler la douce dans la capitale. Je l’ai pardonné, mais l’appeler « papa » me l’est impossible, je n’ai jamais appelé quelqu’un papa dans ma vie, c’est l’un des mots que l’enfant apprend quand il commence à parler, donc ça n’existe pas dans mon vocabulaire, qu’il me pardonne pour ça. Donc dire que l’état pourra prendre en charge les enfants nés des viols en leur donnant des terres, c’est lui demande l’impossible parce que ces enfants continuent à naître, les viols sont toujours là et les hommes irresponsables sont toujours là. Ce que l’état peut faire, c’est de punir les violeurs, mettre une loi efficace pour combattre ce mal des burundais et de mettre une loi qui met au même pied d’égalité les hommes et les femmes sur le droit d’héritage, comme ça ces enfants occuperont les terres des leurs mamans. Quant à ce genre d’enfant, je leur conseille de regarder devant eux, d’investir leur énergie pour l’avenir en se donnant à fond dans leurs études, on peut fonder une association qui pourra aider les future victimes de ce genre aussi, comme ça on pourra s’entraider.

  2. Pacifique nshimirimana

    Un clin d’oeil poure nournal iwacu: il y a une autre catégorie des enfants qui ne connaissent ni père ,ni mère et qui vivent dans des conditions déplorables que ceux -ci!ces enfants méritent un article pour que l’état face quelque chose à eux car considérés comme les oubliés de la terre !si vous cherchez plus d »infos suisà votre disposition.Oui ,il est vrai le gouvernement doit faire face à cette question des enfants avec père inconnu et je rappelle aux oncles maternels de compatir avec ceux victimes.merci

  3. JP-K

    Chers amis,

    Il y a certainement des lois internationales en faveur des victimes et des enfants nés des viols durant les guerres.
    Il y a des ONG – très nombreuses – qui pourraient aider
    Il y a l’expérience du Rwanda

    Oui, penser aux enfants mais AUSSI aux mères
    L’aide doit être d’abord psychologique et matérielle. Ces deux aides sont des facteurs favorisants l’éducation. L’éducation est essebtielle pour ces enfants, Abatabishoboye baje mu myuga.
    Gutorana c’est de la foutaise. Même leurs cousins ne sont pas mieux nantis: il est grand que les burundais sachent que le lopin de terre ne signifie plus grand chose. D’ailleurs, si la réaction première des un et des autres met en avant GUTORANA les autres bonnes initiatives se bloquent. Ivyo bizoza, mais de grâce, que les pouvoirs, les ONG et toutes les bonnes volontés s’accordent pour parer au plus pressé: de l’aide immédiate pour la santé psychologique des mères et des enfants et l’éducation de ces derniers.

  4. abruzi

    Ces gens constituent un groupe socialement très vulnérable. Je leur propose de fonder une association en vue de réclamer leurs droits!Kandi iyo association ndazi ko yokomera!

  5. Rugatu

    J,avais rencontre a Nairobi en 2003,une fille burundaise qui avait un enfant sans pere,a la fin elle m,a avouees en pleurant qu,on l,avait violees au Burundi pendant la geurre,ca m,avait fait mal et j,ai demande a la fille si elle peut dire a son enfant si je suis son pere,ce que la fille a acceptee et depuis je suis devenu le pere de ce joli garcon,je continue a payer ses etudes et il m,appele papa,chaque fois que je part a Nairobi je lui rend visite,je l,envoi souvent des cadeaux,je suis devenu son pere,il est tres intelligent a l,ecole et j,en suis fier.

    • Mugunza

      Tu es très bon Sieur Rugatu. Mieux que ton homonyme de collecteur d’ordures à Ngagara des années 70! Mais la question que ces enfant se posent de quelle ethnie ils sont ne devrait pas exister! Ils sont plutôt mieux placés par rapport à ce problème plusieurs fois meurtier! Leurs mères devraient être assistées pour qu’elles et leur progéniture ne sentent pas injustement la honte mais que la société leur réserve sympathie et empathie.

    • JP-K

      Bravo cher ami. Votre témoignage est touchant. Touchant d’autant plus que nous n’avez pas cherché à nous dire que la fille a été violée par les militaires tutsis ou les rebelles hutus.
      J’espère que votre fils s’identifiera à vous et NON À CES ETHNIES ABSURDES

    • mutindya

      Nyina wiwe nawe wamugize gute? Bata indya!

      Bravo, bravo!

    • Kabaza

      Au-dela de ce geste humanitaire appreciable, tu as maintenant l’obligation de LEGALISER CETTE ADOPTION. Si rien n’est fait, tu risques d’avoir des ennuis quand “ton fils” sera adulte, pour lui avoir dit que tu etais “son pere”. Il aura des droits a revendiquer comme tes autres enfants (si tu en as).

  6. Jamahaar

    C’etait la guerre et la guerre est mauvaise dans tous les sens avec toutes les consequences de morts, destructions des biens prives et publics et…voila le viol qui vient s’ajouter a cette littanie de malheurs et de la honte pour le Burundi.Ces enfants nes du viol ou hors marriage, personne n’en veut pas ni meme l’Etat pourtant parent de tout le monde parce qu’il est submerge de problemes de tout genre inherents a la reconstruction du pays après plusieurs annees de guerre meurtriere et devastatrice.Ces enfants nes du viols ne constituent pas pour le moment la premiere priorite des des autorites du pays bien qu’ils sont une bombe a retardement et une menace a la paix sociale et a la stabilite d’un pays pauvre sans ressources suffisantes pour les encadrer et assurer leur bien-etre social, moral et psychologique pour leur faire oublier les conditions dans lesquelles ils sont venus dans ce monde.Si on ne prend pas ce probleme de ces enfants tres serieusement, le banditisme, le terrorisme et la prostitution trouveront au sein de ce groupe de marginalises un terrain propice de recruitement qui, plus tard, contituera une autre source de mecontantement et d’une autre possible guerre plus meurtriere.L’Etat, malgre ses multiple problemes aurait interet a y preter beaucoup plus d’attention et prendre le torreau par les cornes pour s’occuper de ces victimes collaterales de la guerre civile .

  7. Biragamye

    C’est terriblement traumatisant, on ne peut pas que l’imaginer difficilement. J’ai enseigné dans une école où il y avait une élève qui avait subi un viol suivi d’une grossesse, pendant les vacances, quand elle terminait la 10ème. Je pense que pendant 2 ans où je l’ai vue à cet établissement, je peux compter combien de mots sont sorts de sa bouche. Le sourire, n’en parlons pas. C’était inexistant chez elle. Telles que sont les conditions actuelles de l’héritage, ces enfants méritent un petit lopin de la part de l’Etat en guise de prise en charge. Et c’est faisable. En fait, au Burundi, je me demande s’il ya jamais eu prise en charge des victimes de la guerre. Na ko data ntitunayita intambara, ngo ni « amagume » gusa!

  8. Kirinyota

    Les pauvres, courage. Jesus sera votre père. Vous inquiétez pas! D’ailleurs un violeur ne mérite pas d’être père.

  9. Alice

    c est grave oui il nous une loi qui est souple dans la recherché de la paternite..

    • yaya

      Voilà un problème sérieux , et les commentaires manquent. C,est débile notre société.

      • mutindya

        Eeeee, Yaya, patientez un peu! L’article vient juste de sortir, ni Dimanche ou Lundi selon ou vous vous situez (en tout cas pas samedi), none ngo pas de commentaires!

        Malgre tout, je comprends votre inquietude.

        Mbe mungorane ziri mugihugu zose, uwozotindaka twohera kuri iyahe, tugasubira iyahe, etc. Ndabahaye.

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