Certains anciens de l’Uprona restent optimistes quant à la normalisation de la situation dans l’ancien parti unique. Pourtant, les parties en conflit semblent plus décidées que jamais à en découdre. Et la partialité qui semble caractériser la justice dans cette affaire risque d’envenimer la situation. <doc2461|left>[Après l’affrontement de Kumugumya (siège du parti Uprona) qui a entraîné la mort d’une personne alors qu’une autre était gravement blessé->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article1580], une vague d’arrestations a suivi, frappant exclusivement certains membres du camp hostile à Bonaventure Niyoyankana, président du parti. Jean Baptiste Manwangari, un incontournable du courant de la réhabilitation du parti, a été emprisonné à Muramvya, avec un autre membre ; tandis que deux autres ont été amenés à Bubanza. Même Dieudonné Ndayikengurukiye, hospitalisé au Centre médico-chirurgical de Kinindo(CMCK) après avoir été, lui aussi, poignardé à Kumugumya, sera incarcéré dès sa sortie d’’hôpital. Le bureau du procureur le lui a annoncé après un interrogatoire, ce jeudi 22 décembre, au CMCK. Cette nouvelle donne dans la crise de l’Uprona amène plus d’un à douter d’une issue favorable de l’antagonisme qui semble s’empirer entre certains membres de ce parti de l’indépendance. Cela ne semble pas pourtant décourager le professeur Emile Mworoha, ancien secrétaire général de l’Uprona, et signataire avec d’autres Bashingantahe(les sages) du plan proposé au président du parti pour trouver une solution au problème. Proposition que Niyoyankana a rejetée. « Personnellement, je pense qu’il faut laisser le temps au temps, comme on dit, pour que les uns et les autres réfléchissent, afin de se ressaisir et serrer les rangs. Il faut laisser les dirigeants mûrir notre proposition », souligne le professeur Mworoha. Il espère que les gens en conflit vont finir par se rassembler et croit toujours aux chances du dialogue au sein du parti : « Ce n’est pas le recours aux tribunaux, à la presse ou aux querelles interminables qui sauvera le parti », indique-t-il. Un optimisme mal perçu Pour Emile Mworoha, le coupable de la tuerie de Kumugumya doit être puni selon la loi, mais les enquêtes doivent être solides et rapides, pour que justice soit effectivement faite. Il ne faut pas que ce soit une occasion d’aggraver la division de l’Uprona, mais plutôt celle de se ressaisir pour que cette spirale de la division et de la violence puisse s’arrêter. <doc2462|left>Il semble pourtant que la bonne foi d’Emile Mworoha est autrement perçue par les proches du député Bonaventure Niyoyankana . Pour Gaston Sindimwo, cadre à la Première vice-présidence de la République, « Ceux qui ont proposé la médiation ne sont pas venus en tant que Bashinganatahe, mais en tant qu’anciens dignitaires du parti envoyés par les insurgés. Ces derniers, après avoir constaté l’échec de leur tentative de destitution du président du parti, ont eu recours à ces Bashingantahe pour essayer de revenir dans les organes du parti. » Selon M. Sindimwo, leur objectif est de maintenir un flou jusqu’à la fin du mandat du président actuel du parti, afin de créer une cacophonie pour que ces Bashingantahe qui leur sont favorables s’occupent de la direction du parti. « A quelque chose malheur est bon… » Cependant, pour le camp de la réhabilitation du parti, la situation risque d’évoluer autrement. Pour le député Poppon Mudugu, il est clair que les arrestations des membres de leur camp ne vise rien d’autre que la déstabilisation de leur courant : « Il va de soi que l’objectif visé est de démanteler la tête du courant de réhabilitation du parti, pour que Niyoyankana et les siens puissent organiser les congrès provinciaux afin de préparer des voix favorables au candidat de leur choix lors du congrès national. » A en croire ce député élu dans la capitale, c’est dans ce sens que l’affrontement de Kumugumya aurait était un piège. <doc2460|right>De même, ajoute-t-il, arrêter Jean Baptiste Manwangari comme un vulgaire criminel et l’emprisonner à Muramvya n’est rien d’autre que de la pure torture visant son honneur, alors qu’il n’a pas encore été condamné et au moment où les enquêtes continuent. Mais, souligne M. Mudugu, à quelque chose malheur est bon : l’étau se resserre autour de Bonaventure Niyoyankana, puisque même la base comprend aujourd’hui leurs revendications : « C’est ainsi que nous avons pu rassembler les signatures de plus des 2/3 du comité central pour demander l’organisation d’un congrès national. Aujourd’hui la balle est dans le camp du ministre de l’Intérieur, et sa réaction nous prouvera la position du pouvoir face aux problèmes internes de l’Uprona. » Quand la justice s’en mêle… « Les méthodes utilisées pour arrêter Manwangari et les autres personnes dans l’affaire de Kumugumya sont extrajudiciaires, et plusieurs faits le prouvent », indique Me Anatole Miburo, avocat de Jean Baptiste Manwangari. Il souligne que la plainte du président du parti Uprona a été écrite le 15 décembre, mais que le parquet l’a reçu le 20. Pourtant, poursuit-il, les arrestations avaient déjà eu lieu le 13 et Manwangari a été amené à Muramvya le 15, après avoir été présenté devant le parquet le 14. Cet avocat indique surtout que la plainte contient des noms des personnes qui étaient pourtant absentes de Kumugumya le 11 décembre. De plus, continue Me Miburo, J.B.Manwangari et les autres ont été transférés dans une prison éloignée de sa juridiction, du magistrat instructeur et de leurs avocats. En effet, deux sont incarcérés à Muramvya, et deux autres à Bubanza. Cet avocat se demande pourquoi Manwanngari n’a pas été amené à Mpimba alors qu’il n’a pas de privilège de juridiction. Plus étonnant, termine-t-il, la plainte de la présidence de l’Uprona parle d’association de malfaiteurs, alors que le procureur a arrêté et emprisonné Manwanganri pour complicité de meurtre. Le professeur Emile Mworoha reste optimiste Dans une correspondance envoyée au Procureur général de la République, le 15 décembre, le président de l’Uprona porte plainte pour concours d’infractions contre un groupe, dont deux députés et un sénateur, formé, selon lui, pour attenter à la permanence du parti et aux personnes s’y trouvant, le dimanche le 11 décembre. Il y donne une liste de 28 noms de provocateurs et de l’association, membres du courant dit de Réhabilitation du parti Uprona, en précisant qu’il est illégal car non agréé par le ministère de l’Intérieur. Dans cette correspondance sont détaillées la préméditation et l’organisation matérielle de l’attaque de Kumugumya, ainsi que les conséquences juridiques qui en ont découlé. Le président de l’Uprona termine en demandant, d’abord, au Procureur général de la République d’enclencher auprès du bureau de l’Assemblée nationale et du Sénat, une procédure de levée de l’immunité parlementaire contre les députés Poppon Mudugu, Ladislas Ncahinyeretse et le sénateur Emmanuel Nkengurutse, et de les poursuivre en justice. Il lui demande également de poursuivre, solidairement et collectivement, les membres du groupe formé. <doc2463|left>Un sénateur perplexe Le sénateur Emmanuel Nkengurutse ne comprend pas comment Bonaventure Niyoyankana a l’a mis dans la liste présentée dans sa plainte, alors qu’il n’était pas à Kumugumya, [le 11 décembre, lors des faits.->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article1580] Pour lui, la raison est toute autre : « C’est parce que j’ai contesté qu’il organise un autre congrès communal dans la commune de Mugamba, alors que le comité provincial en avait organisé un autre, conformément aux statuts du parti. » Il indique que M. Niyoyankana en a organisé un autre dans cette commune, la plus uproniste du pays(selon le sénateur), qui a aujourd’hui deux comités communaux. Il se dit victime de la vision autoritaire du leader d’un parti qui se démocratise de plus en plus. En effet, poursuit le sénateur Nkengurutse, Bonaventure Niyoyankana ne supporte pas une opinion contraire à la sienne et veut toujours dicter sa volonté, en excluant, s’il le faut, ceux qui ne pensent pas comme lui, pour ne garder que ses fidèles. M. Nkengurutse rappelle que quand il y a un problème dans le parti, on recourt aux mécanismes statutaires des organes, jusqu’au congrès. Ou alors, on a recours à la voie traditionnelle des Bashingantahe. Mais Niyoyankana, ajoute-t-il, a rejeté toutes ces voies. Par contre, poursuit le sénateur, le président du parti a donné, dans sa plainte, des instructions au parquet, comme s’ils en étaient convenu d’avance, alors que ce corps doit d’abord être convaincu des charges contenues dans la plainte. Il souligne qu’il ne fait pas partie du courant mentionné dans la plainte, mais que ses convictions sont plus proches des siennes que de celles de Bonaventure Niyoyankana. Le sénateur Emmanuel Nkengurutse souligne qu’il ne peut en rester là : « Je compte porter plainte contre le président de l’Uprona pour dénonciation calomnieuse et imputation dommageable. »