Vendredi 22 novembre 2024

Santé

Covid-19/ Un laisser-aller mortel

Covid-19/ Un laisser-aller mortel
Les gens partagent le jus de banane au marché de Kirundo

D’après le rapport du ministère de la Santé publique du 10 août 2021, 375 cas testés positifs à la Covid-19 dans 48 h (8 et 9 août). Le chiffre le plus élevé depuis le début de la pandémie avec un taux de positivité de 8,13%. Un relâchement des gestes barrières, des frontières poreuses, l’intérieur du pays est de plus en plus menacé.

Dossier réalisé par Jérémie Misago, Rénovat Ndabashinze, Fabrice Manirakiza, Egide Harerimana et Calixte Ndayiragije

Région Nord

Les provinces de Kirundo, Ngozi et Muyinga sont parmi les plus touchées. Toutefois, la lutte contre cette pandémie laisse à désirer. L’administration locale temporise.

Depuis le 21 juillet 2021, date de début de la notification de nombre élevé de cas de Covid-19, la moyenne journalière de cas de Covid-19 rapportés est de 160 cas alors que cette moyenne journalière était de 30 cas. Selon les chiffres du ministère de la Santé publique, le district de Kirundo a enregistré 78 cas positifs sur 568 tests réalisés (13.73%), le district de Kiremba en province Ngozi, 59 cas positifs sur 424 tests réalisés (13.92%) et quant au district de Muyinga, on a enregistré 45 cas positifs sur 601 tests soit 7.49%.

Chef-lieu de la province Kirundo, il est 11h, ce mardi 10 août. Les gens vaquent tranquillement à leurs activités quotidiennes. On remarque de petits groupes de gens en train de discuter.

Dans une province où les chiffres de cas positifs à la Covid-19 vont crescendo depuis quelques semaines, pourtant très peu de gens portent un masque. Les rares personnes qui en ont les portent sous le menton. Devant les boutiques, les kits de lavage sont installés à l’entrée. « Vous n’êtes pas obligés de vous laver. Certains kits sont là pour la photo. Il n’y a pas d’eau dedans depuis belle lurette. Sans parler du savon qu’on ne voit jamais », confie un habitant du chef- lieu Kirundo. « Dans les banques ou dans d’autres institutions étatiques ou privées, le port du masque n’est pas exigé. C’est à peine si on vous oblige à vous laver les mains », renchérit un autre habitant.

La culture, un handicap

A l’hôpital de Kirundo, on entre comme dans un moulin. Le masque est porté par celui qui veut. Les gestes barrières ne sont pas respectés. Au marché de Kirundo, c’est le même constat. Rares sont les personnes qui portent un masque et il n’est pas porté convenablement. La distanciation physique n’existe pas. Les gens se saluent, s’embrassent comme à l’accoutumée. « Des amendes de 2000 Fbu avaient été annoncées pour les personnes qui s’embrassent. On constate que c’étaient seulement des mots. Personne n’a été puni pour ça. »

Un autre phénomène risque de favoriser la propagation du virus. Au marché de Kirundo, dans le rayon de jus de banane (Umutobe), des personnes sont agglutinées tout autour des bidons. Les vendeurs leur servent dans de petits gobelets ou dans une bouteille. Ils se partagent constamment la même paille ou ne se gênent pas pour partager à même la bouteille. Les vendeurs assurent que ce matériel est tout le temps nettoyé. Toutefois, on ne voit aucun savon aux environs.

« On ne nous a pas dit que c’est contagieux de se servir d’une même paille. On nous a dit seulement de nous laver les mains et d’éviter de nous toucher les mains en nous saluant », indique un habitant de Kirundo. « La tradition a la peau dure. C’est comme sur toutes les collines. C’est difficile d’empêcher un Burundais de partager une même bouteille avec un ami. Le changement de mentalités risque de prendre un certain temps », souligne un professeur de lycée.

D’après des informations recueillies à Kirundo, cette propagation rapide de la Covid-19 serait venue d’une personne atteinte du virus incarcérée dans le cachot de la police judiciaire « Elle a contaminé tous les autres prévenus. Ils ont tous été confinés. Mais avant, ces derniers avaient déjà contaminé les proches qui sont venus les visiter », confie une source policière. Les habitants trouvent inquiétant que le virus soit arrivé sur les collines. « Les gens pratiquent l’automédication. En cas de toux, ils prennent les plantes médicinales traditionnelles comme « Umuravumba ». Ils vont à l’hôpital lorsque c’est devenu très grave. Et du coup, le virus se propage », fait savoir un habitant. Et d’ajouter que les gens ont peur d’aller se faire dépister pour ne pas être confinés. « Comment est-ce que nous allons vivre ? A défaut du coronavirus, la faim risque de nous tuer », confie un habitant de Kirundo. D’après une source à l’hôpital de Kirundo, on ne confine plus les gens. « On donne aux patients des médicaments et ils vont se confiner chez eux. Mais, c’est difficile de faire le suivi afin de s’assurer qu’ils respectent les consignes. »

Les districts de Kiremba et Muyinga ne sont pas épargnés

Un kit de lavage des mains est installé à l’entrée de l’hôpital de Kiremba

A l’entrée de l’hôpital de Kiremba, un robinet déverse de l’eau pour se laver les mains. C’est un passage obligé pour celui qui veut entrer au sein de l’établissement. Un affichage du ministère de la Santé appelle les gens à se prévenir contre la covid-19. Un jeune homme vend des masques devant le portail. Le prix est de 500 BIF par pièce. Un vigile, masque sur la bouche, veille aux grains et aux moulins. « Sans masque, tu n’entres pas », apostrophe-t-il une jeune fille qui voulait entrer. A l’intérieur de l’hôpital, certains portent encore des masques. D’autres non. La distanciation sociale n’est pas respectée. Les gens se saluent et s’embrassent sans problème.

Au marché de Kiremba, la vente des masques fabriqués dans des pagnes est devenue un marché florissant. On les voit dans plusieurs boutiques. « C’est rentable. Même s’ils ne les portent pas, les gens en achètent au moins un, car on ne sait jamais », raconte un boutiquier. A l’intérieur du marché, le port du masque est à moitié respecté. Toutefois, certains masques ont changé de couleur à cause de la poussière. Là aussi, la distanciation sociale laisse à désirer ainsi que le lavage des mains. Les kits sont là, mais ils ne sont pas utilisés. Dans les bistrots, les gens continuent de partager la paille à l’aise. Ils trinquent sans se soucier de rien. « C’est comme d’habitude. Rien n’a changé », confie un cabaretier, mi-figue, mi-raisin.

D’après la population, le taux de positivité a connu une hausse depuis le milieu du mois de juillet. « Le 23 juillet, les personnes atteintes ont été confinées au lycée de Kiremba. Ils étaient plus de 140 personnes dépistées positives en une seule journée. Par après, ces personnes sont retournées chez elles sur décision du ministre de la Santé publique », explique une source hospitalière. Selon elle, l’origine de cette propagation rapide de la Covid-19 dans cette commune n’est pas connue.

Certes, fait savoir notre source, des mesures de riposte ont été prises et 3 centres de dépistage ont été installés sur les collines. « Des kits de lavage des mains ont été installés dans des endroits de grand rassemblement comme les églises, les marchés, les hôpitaux, … Par peur, les gens portent des masques. Le hic, c’est qu’il n’y a pas une décision qui exige cela. »

Parfois, poursuit-elle, surtout les jours du marché, les policiers arrêtent les gens qui ne portent pas de masques et paient une amende de 5000 BIF. Cette source indique que les investigations continuent pour connaître les raisons de cette hausse de taux de positivité. Selon lui, ils ne font que sensibiliser la population au respect des gestes barrières. « Le comportement de la population est un casse-tête. Dans les bistrots, les gens se relaient en buvant dans un même gobelet. Dans les fêtes publiques et privées, la propreté fait défaut. La distanciation sociale n’est pas respectée. Il faut des mesures coercitives pour décourager ces pratiques », propose un habitant de Kiremba.

En province Muyinga, la situation est la même. Pas de distanciation physique ni obligation du port de masque. « Il n’y a aucune mesure prise. Dans les églises ou ailleurs, tu peux te laver les mains ou pas. Personne ne t’y oblige. Quand tu portes un masque, on te regarde comme un extraterrestre. C’est toi qui te sens ridicule », témoigne un habitant de Mukoni. Comme dans les autres provinces, les gens continuent de partager la bière avec un même gobelet. « Dans les transports en commun, il suffit de posséder et non de mettre un masque. On te laisse passer. » D’après les habitants, l’administration est presque absente dans la lutte contre la propagation de la Covid-19. « En paroles, ils s’activent, mais la rigueur dans le suivi du respect des mesures barrières, c’est une autre paire de manches. »

L’administration temporise

D’après le médecin provincial à Kirundo, Louis Nzitunga, des mesures ont été arrêtées pour riposter contre cette pandémie. « Nous nous sommes d’abord attelés à soigner des personnes testées positives. C’est dans le but de couper la chaîne de transmission. » De plus, poursuit-il, des campagnes de sensibilisation pour le respect des mesures de prévention ont été menées. « Nous avons initié une campagne de dépistage en masse. Il y a deux centres de dépistage ainsi qu’une organisation mobile au niveau de la province. Lorsqu’on suspecte un cas, les laborantins y vont sans tarder. »

Louis Nzitunga déplore le comportement de certaines personnes qui continuent d’utiliser la même paille ou le même gobelet. « Ce sont des récalcitrants. On ne cesse de leur dire qu’il faut arrêter ces habitudes. Mais cette coutume est difficile à combattre. Il faut sévir. Trois cabarets ont été déjà fermés à cause de cela. Il faut décourager les autres. »

Le gouverneur de la province Muyinga, Jean Claude Barutwanayo, reconnaît que c’est un sérieux problème. « Mais, je dirai que nous avons été chanceux : Dieu nous a protégés. Comme nous sommes à la frontière, nous avions tellement peur. »  D’après lui, ils ont fourni beaucoup d’efforts pour se protéger, faire le dépistage, respecter les mesures barrières, etc. « Ce qui nous pousse à dire que la situation n’est pas très alarmante. Nous continuons à sensibiliser la population, car, en cas de répit, elle a tendance à se laisser aller. Il faut qu’elle continue, même si des récalcitrants ne manquent pas, à mettre en application les mesures du ministère de la Santé. Notre but est d’arriver à zéro cas positif dans notre province. »

Selon le gouverneur, la prévention de la Covid-19 doit être d’abord une décision personnelle. « Il faut que la population comprenne que c’est une pandémie très dangereuse, mortelle, mais qu’on peut se prévenir. Et quand on l’attrape, il y a un traitement curatif. » Et d’ajouter qu’on n’a pas besoin d’un policier ou d’une autre injonction pour mettre en application les gestes barrières. « Nous invitons les administrateurs à mobiliser les gens à installer des kits de lavage des mains et des savons sur des lieux de grands rassemblements, devant les bars, les boutiques, etc. »

Concernant les chiffres annoncés dans les rapports du ministère de la Sante, M. Barutwanayo indique que ces pourcentages, par rapport à ceux qui sont allés se faire dépiste, ne donnent pas le topo réel de la province. « Si quelqu’un se fait dépister parce qu’il a un problème, les probabilités de positivité sont élevées. Ça ne veut pas dire que 7% de la population sont malades. » Il exhorte ses administratifs de continuer à vaquer normalement à leurs travaux. « La faim est aussi un autre problème. Il faut qu’ils mangent tout en luttant contre la Covid-19. »


Ouest/ Bujumbura

Un geste qui tend à disparaître dans le transport en commun en mairie de Bujumbura

Il s’observe le non-respect massif des mesures barrières dans le centre-ville, commune Mukaza surtout dans le transport en commun. Le ministère de la Santé appelle la population à la vigilance.

« Il y a augmentation des cas testés positifs en commune Mukaza avec un taux de positivité de 5% », a dit le ministre burundais de la Santé et de Lutte contre le Sida, Dr Thaddée Ndikumana, lors de sa visite de supervision sur le site de dépistage dit « Au Bon Accueil » en zone Bwiza de la commune de Mukaza ce 10 août.

Il regrette qu’un relâchement dans le respect des mesures barrières s’observe lorsqu’il y a diminution des cas positifs. Il a rappelé la population à ne pas baisser la garde et à continuer à observer les mesures barrières afin de prévenir la Covid-19.

Malgré cette recrudescence, peu de citadins se soucient de l’existence de la covid-19. Sur différents parkings des bus au centre-ville, des passagers, des conducteurs et des rabatteurs ne portent plus de masques.

Dans les bus, impossible d’appliquer la mesure de distanciation physique. Certains parlent, toussent et d’autres éternuent. Ceux qui se souviennent de se laver les mains peinent à trouver du savon devant les seaux. Et le peu de gens qui portent des masques ne le font pas convenablement.

Des gens se serrent les mains d’autres s’embrassent sans problème. Certains vont jusqu’à affirmer que la covid-19 est une maladie des Blancs et des riches. « Ils se trompent. N’importe qui, sans distinction aucune, peut attraper la Covid-19 », rétorque une commerçante exerçant au centre-ville tout près de l’ex-marché central. Elle fait savoir que le relâchement des mesures barrières est la conséquence des stéréotypes propagés niant l’existence de cette pandémie.

« Il y a beaucoup de l’ignorance et de la négligence », s’indigne un homme rencontré sur le parking desservant le nord de la ville de Bujumbura. En plus de la sensibilisation, il suggère des punitions à ceux qui contreviennent les mesures barrières.

« Ces mesures sont bénéfiques pour nous tous. Elles doivent être respectées pour endiguer le coronavirus », indique un conducteur. Il rappelle aux citadins que le coronavirus est toujours d’actualité au Burundi.

La mesure de port du masque dans le transport en commun a été prise par le ministère de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique le 12 janvier 2021. Depuis, le respect de cette mesure est souvent allé de travers.

Covid-19/ Suspension des rassemblements festifs : une mesure controversée

Les habitants de Bujumbura interprètent différemment la mesure de suspension des soirées ’’karaoké’’ et veillées religieuses. Le porte-parole du ministère de l’Intérieur, de la Sécurité publique et du Développement communautaire donne des éclaircissements.

« C’est étonnant de voir ceux qui interdisent une chose, fermer les yeux quand il s’agit d’une activité nécessitant de grands rassemblements les concernant. C’est à se demander la différence entre ces fêtes et les autres évènements », fait remarquer, dépité, N.M., un habitant de la commune Mukaza venu assister à la fête communale.

Effectivement, il y a une semaine le ministre de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique, Gervais Ndirakobuca a interdit des concerts, des shows et autres évènements : « Tous les évènements qui rassemblent beaucoup de monde comme les karaokés et les boîtes de nuit, restent interdits, sur tout le territoire du Burundi, pour mieux poursuivre la lutte contre la pandémie de covid-19 », peut-on lire encore sur le compte twitter du ministère chargé de l’Intérieur.

Après cette décision des organisateurs ont commencé à annuler leurs événements. C’est notamment ces concerts et shows auxquels des stars rwandaises comme Israël Mbonyi, Bruce Melody et d’autres allaient animer. Ce n’est pas tout: même le festival du rire, ’’Kigingi Summer Comedy’’ et d’autres événements programmés au cours de cette grande saison sèche ont été annulés.

Certains habitants de la zone Rohero, dénoncent des failles dans cette mesure. « Les rassemblements de gens venus de différents coins se font toujours. Pourquoi les organes habilités ne les interdisent pas ? », S’interroge-il, en insinuant les croisades religieuses, les matchs, les réunions, etc.

Un amateur de karaoké interrogé en zone Bwiza confie sous couvert d’anonymat qu’il y a des non-dits : « Il y a anguille sous roche. Si ce n’est pas le cas, cette mesure devrait concerner tous les rassemblements de gens, mais certains rassemblements se font et des policiers sont mobilisés pour assurer la sécurité».

Des habitants interrogés en zone Bwiza considèrent que cette mesure vient à point nommé. « Quand il y a ces soirées ‘’’karaoké’’ les gens sont trop proches, ils se soucient peu de la covid-19. Ce qui accroît les risques de contamination », soutient une dame rencontrée à la 7ème avenue. Même son de cloche chez une dizaine d’habitants de ladite zone interrogés.

Pour Pierre Nkurikiye, porte-parole du ministère de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique la mesure en soi n’est pas nouvelle. « La mesure de suspension des karaokés et veillées religieuses nocturnes existait déjà ». Il fait savoir que les mesures barrières sont toujours exigées et prises progressivement après avoir consulté les rapports sanitaires.
Selon lui, le risque d’attraper le coronavirus est plus élevé dans les karaokés et les veillées nocturnes qu’ailleurs. « La cause est simple, il y a absence de distanciation sociale entre les gens ».

Dans les rassemblements religieux et publics, fait-il remarquer, le risque d’attraper le coronavirus y est faible. Mais il appelle la population à prendre des précautions et être plus de vigilante. Il reconnaît que toutes les mesures sont prises pour l’intérêt de la population.


Au sud/ Makamba : Un projet de surveillance mort-né

Des Tanzaniens traversant la rivière Malagarazi pour se rendre au marché di Kwa Buhinja, commune Kibago sans contrôle ni dépistage

En vue de la surveillance des maladies à potentiel épidémiologique, des postes de contrôle ont été érigés dans certaines communes frontalières. Dans les communes Kayogoro et Kibago de la province Makamba, l’efficacité de ce projet laisse à désirer. Ces centres sont boycottés ou ne sont pas fonctionnels.

Il est 8 h, lundi 9 août au marché dit « Kwa Buhinja», zone Bukeye, commune Kibago. Il se trouve à moins de 500 m de la rivière Malagarazi. Ce dernier réunit les Tanzaniens et Burundais tous les lundis et jeudis. La plupart des transactions se font en monnaie tanzanienne. Des abris de fortune couverts de pailles. Ici, des femmes grillent des épis de maïs. Là, c’est un restaurant, comme menu, du petit poisson frais à la pâte de manioc, du riz ou de la banane au haricot. Les femmes proposent aussi des boissons aux passagers. Des produits variés sont proposés aux clients.

Sur ce marché pas de port de masque, pas de dispositifs de lavage des mains. Chacun est occupé à vendre ou à acheter. Des gens provenant des différentes communes de la province Makamba ainsi que celles de Rutana viennent pour s’approvisionner. « Le risque est énorme pour la santé. C’est difficile de dépister celui qui est venu pour un marché de la journée et qui rentre le soir. S’il faut protéger la population, il faut d’autres mesures, mais qui ne mettent pas en cause le bien-être de la population», déplore un membre du comité de la croix rouge.

Nous nous dirigeons vers la frontière. Nous passons à côté d’un poste de surveillance des maladies à potentiel épidémiologique. Des mouvements de va-et-vient sans contrôle, ni dépistage. Des Tanzaniens ne sont pas dépistés. Ils entrent et sortent avec leurs bagages sans entrave. On dirait des gens qui quittent la commune vers une autre.

La commune Kibago compte deux centres de dépistage. Il s’agit de celui de Nyakazi, lieu communément appelé kwa Kavamahanga et celui de Murambi. Il n’y a plus de dépistage depuis trois semaines. Un administratif à la base en zone Bukeye explique que même les tentes qui s’y trouvaient ont été acheminées à Makamba. «  Nous ne savons pas à quand les activités vont recommencer. C’est un danger sanitaire pour les habitants qui rencontrent chaque jour en provenance de la Tanzanie».

Pour lui, ce projet de surveillance des maladies notamment la Covid-19 manque de rigueur. « Pas d’efficacité. Les résultats sont nuls. Des gens continuent d’entrer sans qu’ils se fassent dépiter. Il y a encore plusieurs points d’entrée non contrôlés ». Il interpelle le ministère en charge de l’Intérieur à prendre des mesures qui s’imposent pour protéger les populations frontalières.

La commune Kayogoro n’est pas à l’abri

La commune Kayogoro est l’une des communes du sud du pays limitrophe avec la province Kigoma par la rivière Malagarazi. Elle comprend plusieurs points d’entrée non officiels permettant des échanges commerciaux et le bon voisinage. Il s’agit du principal passage des travailleurs saisonniers, provenant des provinces du centre du pays qui se rendent en Tanzanie. Deux postes de surveillance des maladies à potentiel épidémiologique ont été érigés sur les frontières. Il s’agit notamment de celui de Gatwe en zone Bigina et Buhema en zone Mugeni.

Des Tanzaniens ou travailleurs saisonniers provenant de la Tanzanie devraient nécessairement passer sur ces deux points d’entrée où sont installés des centres de dépistage à la Covid-19. En revanche, ces passants préfèrent contourner les points d’entrée ayant des dispositifs de test pour emprunter d’autres voies clandestines.

Un poste de surveillance des maladies à potentiel épidémiologique de Gatwe, sur la colline Mudaturwa

Il est 17 h, lundi 9 août au poste de surveillance des maladies à potentiel épidémiologique de Gatwe. Il est situé sur la colline Mudaturwa, zone Bigina, à moins de 500 m de la rivière Malagarazi. À l’extérieur, deux personnes qui viennent de traverser la rivière Malagarazi en provenance de la Tanzanie arrivent. Un policier les accueille et leur montre un dispositif de lavage des mains et pulvérisateur de gel hydroalcoolique. Il les conduit vers une salle d’accueil pour remplir une fiche d’identification. « Vous allez passer cette nuit ici. J’appelle un infirmier qui viendra vous dépister demain matin. Il n’y a pas d’agent permanent. Le dépistage est gratuit, vous n’allez pas payer», leur explique-t-il.

Le lundi, ce n’est pourtant pas l’affluence des grands boulevards. « C’est très variable. Les weekends, on peut accueillir entre 30 et 40 passagers. Mais, beaucoup de gens préfèrent d’autres voies d’entrée pour échapper au dépistage. Cela représente un danger pour la santé de la population», fait savoir un membre de la Croix-Rouge.

La plupart des cas, ils sont facilités par des conducteurs de motos qui les déplacent de la frontière vers des chefs-lieux des zones et de la commune. « C’est un risque pour la santé de la population si ces passagers sont positifs à la Covid-19. Nous sommes nous aussi exposés. Nous n’avons pas de masques et ces passagers n’en ont plus également», reconnais, un conducteur de moto à Bigina.

M.N, un habitant de la colline Mudatugwa ne voit pas l’utilité de ce centre de dépistage. « A quoi sert des tests effectués sur un seul point d’entrée alors que les autres sont ouverts dans toute la commune ? Laissez les gens tranquilles. La Covid-19 n’est pas la seule épidémie qui menace la santé de la population. Nous avons d’autres soucis trop difficiles à gérer»

Selon un administratif à la base, sur ces centres de surveillance, pas d’agent pour s’occuper du dépistage de façon permanente. Quand il y a des passagers qui doivent être dépistés, dit-il, les policiers qui montent la garde appellent l’infirmier qui vient à cet effet. « Quand les voyageurs arrivent vers l’après-midi, ils doivent attendre le lendemain ».

Jeanne Amina, une Tanzanienne mariée à un Burundais déplore qu’Il n’y ait pas de surveillance rigoureuse. Les frontières sont poreuses. On se rend en Tanzanie comme on veut et les Tanzaniens entrent au Burundi comme ils veulent. « Nous ne savons pas si nous sommes infectés ou pas. Nous sommes protégés par le Tout-puissant. Le reste c’est de l’hypocrisie » s’indigne-t-elle.

Pour un commerçant de la zone Mugeni, des dizaines des personnes entrent chaque jour sans test à la Covid-19. Il demande plus de contrôle sur les frontières pour prévenir ce fléau. Il rappelle que la pandémie fait rage dans d’autres coins limitrophes. Il invite également les autorités à surveiller les mouvements des travailleurs saisonniers provenant d’autres provinces. « Ils peuvent être porteurs du virus et nous serons des victimes».

Antoine Ndayiragije, administrateur de la commune Kayogoro reconnaît cette situation. Pour lui, les deux centres de dépistage dans une commune qui comptent plusieurs points d’entrée et de sortie ne sont pas suffisants. Sur 29 collines que compte la commune, plus de 10 d’entre elles sont frontalières à la Tanzanie. La gestion et le contrôle des mouvements de la population sont difficiles.

Il fait savoir que les comités mixtes de sécurité sont informés pour veiller à ce que toutes les personnes qui entrent soient dépistées. Et d’ajouter : « Nous avons ordonné à tous les conducteurs de moto, taxis, bus qu’il ne faut pas transporter des gens qui ne sont pas dépistés. Au cas contraire, ils seront sanctionnés et les passagers retournés vers les lieux de dépistage. »

Forum des lecteurs d'Iwacu

6 réactions
  1. Barekebavuge

    Merçi Iwacu.
    Vous voyez le danger mortel. C’est le 7eme article plus un Editorial dans une semaine. Bravo. Vous faites votre travail d’informer.
    Au gouvernement, raba les mesures le monde entier ifata. Inspirez vous des pays limitrophes

    • John Mahoro

      Mais il semble que la malaria/le paludisme tue plus que le Covid-19. Selon JeuneAfrique la malaria c’était près de 3 le Covid-19 annuellement. Et pourtant on n’en parle quasiment pas.

      • Stan Siyomana

        @John Mahoro
        Même s’il en est ainsi CE N’EST PAS UNE RAISON POUR NE PAS PRENDRE LES MOINDRES MESURES POUR SE PROTEGER.

  2. JIGOU MATORE

    Prévenir la covid-19 est une affaire de tout un chacun et de l’Administration bien sur qui représente l’Etat. Cela c’est la pure théorie et c’est vraie.

    Qu’en est-il dans la réalité?

    Dans la réalité, le Grand rôle dans la lutte et la prévention contre la covid 19 repose plus sur les épaules de l’Etat et de son Administration, que sur la population. Par nature, cette dernière lorsqu’elle ne voit pas à proximité un danger réel et imminent, se lasse vite. C’est pour cette raison que la contrainte de l’Administration sur la population, passant par le suivi des mesures barrière, incluant les sanctions en cas de non respect, est primordial. Le rôle de l’Administration dans les communes, les mairies, les collines, les hôpitaux, …doit être constant.
    Pour les rassemblements, le Gouvernement doit être cohérant avec lui-même. Il est vrai que l’état et les réalités de notre économie ne peuvent pas permettre un confinement de quelque temps que ce soit. Ce serait condamner les milliers de travailleurs qui mangent chaque jour parce qu’ils ont travaillé. Mais par contre si les rassemblements en général sont interdits, il ne devrait pas y avoir d’exceptions, pour les autres rassemblements comme la fête de la commune, les mariages, les croisades, les levées de deuil, etc. A moins qu’on exige à tous le port obligatoire d’un masque ou d’autres contraintes comme limiter le nombre de participants à chaque évènement.

    • Yan

      @JIGOU MATORE
      Espérons que jusque-là les personnes testées positives n’ont eu que des symptômes légers.

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