Avec plus d’une trentaine de cas positifs déjà enregistrés, la population de cette province est sur le qui-vive. Pour l’administration à la base, une peur qui n’a pas raison d’être, si la population respecte les mesures-barrières.
Par Hervé Mugisha, Rénovat Ndabashinze et Clarisse Shaka
Des seaux avec des savons, des gens portant des masques, des autocollants rappelant sans cesse le respect des gestes-barrière… Depuis la résurgence de nouveaux cas positifs à la Covid-19, l’air convivial des habitants de Ngozi cède peu à peu aux regards accusateurs. La moindre vue d’un nouveau visage inspire la crainte. Une peur diffuse, selon Haruna, conducteur de taxi moto, malheureusement qui n’est pas prête à se dissiper tant qu’il y aura de nouvelles infections. En effet, depuis que les autorités administratives leur ont fait savoir que les nouveaux cas étaient importés, la crainte des visiteurs s’est accentuée. Lorsque quelqu’un tousse ou éternue, tout le monde regarde. « C’est comme si le monde leur tombe dessus. Ils courent dans tous les sens ».
En cette fin de la journée du lundi 18 janvier, difficile de croiser la foule convergeant vers le Messe des Officiers. Un bar, habituellement plein à craquer les autres jours. « Ce n’est plus une affaire de Bujumbura seulement. Tout le monde doit faire face à ses responsabilités », glisse une personne qui s’y rend. Depuis la résurgence de nouveaux cas, elle confie que l’administration ne ménage aucun effort pour sensibiliser sur les bons gestes à adopter. Jusqu’à maintenant, se frotte les mains, Ezéchiel Minani, conseiller socio-culturel du gouverneur, l’appel semble avoir un écho favorable.
Depuis, l’annonce des mesures prise par le comité national multisectoriel de lutte contre la covid-19, ce dernier indique que la population a compris l’urgence de la situation.
La preuve : dans différents endroits susceptibles de rassembler beaucoup de monde, à l’instar des lieux de culte, les écoles, le marché, aucune personne n’est autorisée d’y entrer sans se laver les mains. « Soit vous obtempérez soit vous restez dehors », fait savoir un vigile placé à l’entrée du marché principal de Ngozi.
« Dans les églises, pour permettre la distanciation physique, un 3e culte vient d’être programmée », ajoute-t-il.
Circonscrire l’épidémie, à tout prix
Actuellement, sans aucun patient hospitalisé à l’hôpital régional de Ngozi, si l’on s’en tient aux propos de Dr Guillaume Ntawukuriryayo, médecin directeur de l’hôpital, l’urgence reste le suivi des cas-contact et des cas suspects. Une urgence à laquelle, ils se sont vite attelés. Dr Ntawukururirayo indique que la seule façon de circonscrire la maladie, c’est le traçage de tous ces cas.
Selon lui, une façon qui leur permettra d’aborder la 2e campagne de dépistage massif en toute sérénité. Les risques de contaminations nosocomiales devenant grandissantes, il assure que la vigilance a été redoublée : « Désormais, depuis l’apparition de nouveaux cas, sur toutes les entrées, aucune personne ne peut pénétrer sans porter de masques. Les gardes malades, des fois, au nombre de deux, sont limités à une seule personne.» Le triage constituant un préalable, Dr Ntawukuriryayo affirme qu’une unité de tri a déjà été mise en place. Pour le moment, notre seule préoccupation, confie -t-il, c’est éviter la rupture de stocks de réactifs.
Une sensibilisation accrue
Cependant, face au nombre de cas positifs qui risque d’aller crescendo, toutes les personnes interrogées s’accordent à dire qu’ « un travail intense de sensibilisation fait encore défaut ». D’après Issa, un chauffeur de bus, l’apparition de cas positifs en milieu rural entraîne peu à peu une peur généralisée. Allusion faite à certains habitants de la commune Tangara. Avec l’apparition des derniers cas, les témoignages concordants font état des stigmatisations qui aurait commencé à l’endroit des familles des patients. «Certes, ce ne sont pas des menaces ouvertes. Mais, à demi-mots, on sent qu’ils les appellent à poursuivre leur traitement ailleurs et ne revenir qu’une fois guéris », témoigne un habitant de Karusi.
D’après lui, si rien n’est fait pour apaiser les esprits, la stigmatisation peut tourner à une « chasse aux sorcières ». Idi, un rabatteur de l’agence de transport Volcano, ressortissant de la commune Kiremba, raconte: « Au risque d’être stigmatisés, deux de ses amis ont refusé de se faire dépister à Ngozi, préférant descendre à Bujumbura. Un grand risque quand on sait le taux de reproduction de la maladie(le nombre de gens que tu peux contaminer même en étant asymptomatique, ndlr).»
D’après lui, une situation qui ne peut être changée que par une sensibilisation de fond. « Sinon des cas de lynchages dans le burundi profond seront à déplorer », s’alarme-t-il.
La Covid-19 à l’assaut des écoles
Depuis quelques jours, des cas de Covid-19 sont signalés dans plusieurs écoles en mairie de Bujumbura et à l’intérieur du pays.
Depuis le 15 janvier, des cas positifs au coronavirus sont signalés au Petit séminaire de Kanyosha. Des informations qui ont circulé sur les réseaux sociaux parlent d’une trentaine d’élèves malades. Deux jours après, les cas s’amplifient et passent à plus de 80 cas.
Ces élèves ont été confinés dans une salle de l’établissement. Car les deux centres de confinement à Bujumbura sont débordés.
Contacté le 16 janvier, le recteur de cette école séminariste a refusé de donner toute information : « C’est le ministère de la Santé qui est habilité à donner toute information sur la Covid-19.»
Un ancien responsable de cet établissement bien informé, sous couvert d’anonymat, a confirmé que c’est la réalité.
Lundi 19 janvier, l’Ecole Belge du Burundi sort un communiqué faisant état de cas positifs détectés au sein de 7 classes de cet établissement. Ils sont placés en confinement. Contacté, un des responsables de l’Ecole Belge n’a pas voulu communiquer sur le chiffre exact des cas.
D’après ce communiqué, les cours continuent dans cette école sauf pour les élèves confinés qui devront suivre un enseignement à distance. La direction impose à tout élève testé positif de se mettre en confinement de 7 jours et à refaire le test. Si négatif, il retourne à l’école. Si positif, il reste en confinement pendant encore 7 jours.
Au Lycée municipal de Gihosha, un cas positif a été détecté le 12 janvier dernier dans une classe de 2ème post fondamental. La direction a décidé de placer en confinement toute cette classe, selon un parent d’un élève de cette classe. Après des tests effectués sur tous les élèves, aucun autre cas positif. Tous les élèves de cette classe restent jusque-là chez eux. Les cours continuent avec le reste de l’établissement.
A l’intérieur du pays, des cas de covid-19 sont signalés au Lycée Mwaro et dans certaines écoles de Makamba. Contacté, le conseiller économique et culturel du gouverneur de cette province parle de quelques cas dans une école externe de la commune Mabanda, sans donner beaucoup de détails.
Le médecin provincial Makamba a refusé de donner des chiffres : « Il y a peu de cas dans quelques écoles.»
L’U.B, bientôt un foyer de contamination ?
Des témoignages recueillis au sein de l’Université du Burundi, campus Mutanga convergent sur le fait que quelques cas positifs de Covid-19 ont été déjà enregistrés.
13 janvier 2021, un étudiant de Polytechnique, Bac I, a été testé positif, raconte une source interne. Et là, tous les étudiants de cette classe ont été amenés au site de dépistage sis à l’ETS Kamenge. C’est après ce test qu’un autre cas a été identifié.
Quelques jours après, poursuit notre source, le 15 janvier, sept autres cas positifs seront trouvés en Science, Bac I. Sans être précis, nos sources indiquent que deux autres cas auraient été enregistrés dans la Faculté de Droit, cinq cas dans une classe de l’IPA, en Psychologie, etc. « Les cas seraient nombreux. Seulement, on ne veut pas qu’on en parle. Ce qui fait que la propagation devient très rapide », signale un étudiant du campus Mutanga, s’exprimant sous anonymat.
Selon lui, la situation risque d’empirer. Car, explique-t-il, les geste-barrière ne sont pas totalement respectés. « Des kits de lavage ont été installés sur différentes entrées. Mais, impossible d’appliquer la distanciation sociale». Ici, un autre étudiant fait état des effectifs très élevés dans les amphithéâtres.
Au niveau du restaurant, ou de la salle Polyvalente, les étudiants sont très serrés. « Impossible de laisser 1 mètre entre deux étudiants. Lors de match, la salle polyvalente est pleine à claquer », commente-t-il. Pire encore, les facultés ou filières avec un nombre réduit d’étudiants sont casées dans des salles très exiguës. « Dans les premières années, les effectifs sont en moyenne estimés autour de 100 candidats».
Cet étudiant en Master déplore néanmoins le comportement de certains étudiants qui prennent cette pandémie à la légère : « Certains refusent de se laver les mains. » Un autre étudiant trouve qu’il n’y a pas assez de sensibilisation au sein des campus : « Normalement, il devrait y avoir des affiches, des communiqués… pour inviter au respect des gestes-barrière.»
Pour lui, avec la découverte des cas positifs au sein des campus, on devrait obliger tous les étudiants à se faire dépister.
Sur cette situation à l’UB, contacté ce jeudi, François Havyarimana, recteur de l’Université du Burundi a promis de le recontacter ce vendredi.