« Puisque Dieu frappe quelqu’un de la lèpre, il n’y a que Dieu qui puisse l’enlever.» Un proverbe juif des temps bibliques où les hébraïques ne considéraient pas la lèpre comme une maladie, mais comme « le doigt de Dieu », une malédiction divine, la punition d’un péché grave. Dans la vie sociale juive, les lépreux se voyaient exclus de tout amour.
L’enquête menée par le correspondant d’Iwacu au centre du pays sur la stigmatisation d’un malade de Covid-19 m’a fait penser à cet épisode. Les témoignages des patients à Gitega et à Karusi font froid dans le dos. Ils sont étiquetés, stéréotypés, harcelés, subissent une discrimination. « Des gens m’injurient sur mon téléphone comme quoi j’emmène la mort chez eux. Ils jurent de venir me chasser de la maison dans laquelle je me confine », confie avec détresse un habitant de Karusi testé positif. Sur le lit de l´hôpital à Gitega, un patient laisse son téléphone portable allumé espérant recevoir des appels ou des messages de la part de ses amis ou de sa famille pour le réconforter, le soutenir. Ils l’appellent par contre pour le mettre en garde de ne plus revenir à la colline. Pire : « Même ma femme m’a affirmé qu’elle ne viendra jamais à l’hôpital. Que je meurs seul, comme si j’ai été contaminé volontairement. » Un cas emblématique est de ce magistrat de Karusi qui a pris la fuite après avoir été testé positif de Covid-19 à l’hôpital de Gitega.
Dès sa prise de fonctions, le gouvernement a fait la lutte contre la pandémie du coronavirus sa priorité, sa préoccupation. « Je déclare la pandémie de la Covid-19 comme étant le plus grand ennemi du peuple burundais… Nous nous engageons à combattre résolument cette pandémie », a déclaré le président Evariste Ndayishimiye.
Certes, on essaie de joindre l’acte à la parole. Toutefois, il est urgent de mettre le paquet sur le volet information de la population des provinces qui restent convaincues que la maladie ne se limite qu’à Bujumbura, « l’épicentre ». La confusion, l’anxiété et la peur règnent au sein de la communauté dans le Burundi profond. Les attitudes stigmatisantes sont à décourager. Non seulement elles peuvent nuire à la cohésion sociale, mais aussi le virus peut être susceptible de se propager. En effet, les patients peuvent cacher la maladie pour éviter la discrimination ou peuvent s’isoler socialement en évitant de se faire soigner immédiatement. Afin de pouvoir endiguer la maladie, la population rurale doit avoir la compréhension du mode de propagation du virus, la procédure de traitement en cas de maladie et surtout savoir qu’un patient peut guérir s’il est traité à temps. Une pédagogie qui demande l’implication et le concours de tout le monde.