Vendredi 22 novembre 2024

Société

Cours de renforcement ou simple business ?

19/01/2017 5

Le ministère de l’Education a suspendu temporairement les cours de renforcement organisés dans les lycées. Un détournement de leur objectif est dénoncé.

Les élèves considèrent que les cours de renforcement sont une perte de temps
Les élèves considèrent que les cours de renforcement sont une perte de temps

C’est le 4 janvier que la mesure est tombée. Selon le ministère de l’Education, les coûts de ces cours sont devenus exorbitants. « Les cours de renforcement sont des activités pédagogiques complémentaires qui doivent être fondés sur les besoins des élèves », estime Edouard Juma, le porte-parole du ministère de l’Education.

Il précise qu’une commission a été mise en place pour réguler cette question, source de confits entre directeurs des écoles et enseignants quant à la perception des frais y relatifs.

Un élève affirme, de surcroît, que ces cours ne visent plus le renforcement : « Nous étions censés faire des exercices sur la matière vue l’avant-midi mais les enseignants en profitent pour dispenser leur cours afin de terminer tôt le programme », témoigne un élève.

« Une perte de temps… »

« Ce n’est qu’une perte de temps et la recherche de l’argent », confiera Esther, élève au lycée du lac Tanganyika. Elle indique qu’une somme de 9000 Fbu par trimestre doit s’ajouter aux frais de scolarité comme frais d’encouragement pour ces cours.

Les séances sont organisées dans l’après-midi à son école. « Du coup, nous nous retrouvons devant une évaluation pour laquelle nous n’avons pas eu le temps de réviser. »

Même son de cloche chez un élève du lycée de la Cepebu. Pour lui, ces séances leur prennent tout le temps de réviser les autres cours.

Certains parents n’en voient pas l’utilité. Une mère qui doit payer ces frais pour deux enfants indiquent que ces cours sont chers, alors qu’elle ne voit aucune amélioration dans leur note. Elle paie 10.000 Fbu par trimestre pour chacun.

Des cours « bénéfiques »…

Pour la directrice du lycée municipal de Rohero, ces séances sont bénéfiques pour les élèves
Pour la directrice du lycée municipal de Rohero, ces séances sont bénéfiques pour les élèves

Les enseignants et directeurs d’école ne l’entendent pas de cette oreille. Pour la directrice du lycée Municipal de Rohero, Gertrude Simbananiye, ces séances supplémentaires sont bénéfiques pour les élèves. « Certains commencent à chercher des cours du soir, depuis leur suspension. » Et d’ajouter que ces cours aidaient les démunis en leur évitant de payer les cours du soir qui sont plus chers.

Au début, reconnaît-elle, les enseignants non concernés grognaient car seuls les cours qui ont une grande pondération (maths, français, anglais…) sont concernés. La directrice du lycée Municipal de Rohero assure qu’ils ont fini par entendre raison. « C’est normal qu’une activité génératrice d’argent suscite des mésententes. »

Jérôme Bizindavyi, enseignant à une école fondamentale de Ngagara, estime que les classes supplémentaires sont nécessaires, vu le peu de temps réservé aux cours. D’après lui, les leçons pratiques sont privilégiées pendant ces séances. Il affirme que le taux de réussite a augmenté dans sa classe, grâce à ces cours.

Emmanuel Mashandari, président du Syndicat des enseignants du Burundi (CONAPES), estime aussi que les leçons supplémentaires ne devraient pas être suspendues. Pour lui, ces leçons offrent une opportunité complémentaire pour les élèves de maîtriser les matières étudiées difficilement assimilables dans les heures régulières de cours.


A la découverte des cours de renforcement

En dehors des heures normales de cours, des séances supplémentaires sont organisées sur presque tous les établissements secondaires, depuis bien des années.

Avec un programme surchargé sur peu de temps, un temps supplémentaire s’est ainsi imposé pour renforcer les élèves sur la matière vue pendant les heures de cours, par des exercices. C’était l’objectif de ces séances, d’après différentes autorités scolaires.

Chaque établissement a son organisation. La direction et les parents d’élèves se conviennent, lors d’une assemblée générale, sur les modalités de ces cours.

Les coûts varient d’une école à l’autre, selon leurs réputations et les moyens des parents d’élèves, indique un enseignant. Un élève du lycée du Saint Esprit affirme payer 25.000 Fbu par trimestre.

Au lycée municipal de Rohero, le coût s’élève à 10.000 Fbu, d’après la directrice, comme sur plusieurs autres écoles de la capitale.

A la fin de chaque trimestre, les enseignants qui dispensent ces cours et les autres employés (bibliothécaires, secrétaires, etc.) recevront des « frais d’encouragement », en plus de leurs salaires. « Les enseignants ont une grande part. »

Forum des lecteurs d'Iwacu

5 réactions
  1. Ntazizana

    Si les enseignants ne peuvent pas terminer les programmes dans le temps impartis aux cours, le ministère concerné revoit ces programmes.
    Je constate moi aussi que ces frais sont élévés. Imagine, si Un parent a 5 enfants à l’école, ce sera Un casse -tête pour lui d’avoir cet argent s’il n »est pas parmi les riches.

  2. Nteturuye Miburo

    S’il est vrai que certains élèves faibles peuvent sentir la nécessité de recevoir des séances supplémentaires, personne ne comprenaient les pressions qui étaient exercées sur ces enfants et sur leurs parents, déjà au début de l’années, avant même que les enseignants ne prennent le temps de réaliser qui est faible et qui ne l’est pas.

    Il y avait tout simplement une course, une ruée sur les séances de renforcement.

    FAISONS ATTENTION ET REFLECHISSIONS

  3. Nteturuye Miburo

    J’ai eu l’occasion d’être un responsable pédagogique dans une école privée VIP ici à Bujumbura.
    J’ai eu l’occasion de faire face à ces revendications de la part des enseignants, j’ai eu aussi à suivre de près les prestations des enseignants dans ces séances dites « de renforcement ».
    QUE DE PRESSIONS EXERCÉES AUX PARENTS ET A LEURS ENFANTS !!!!

    C’était à peine croyable de réaliser combien les enseignants « aimaient » les enfants plus que leurs parents (ici j’ironise évidemment).

    Les parents finissaient par payer cet argent pour éviter la répression sur leurs enfants, cette répression qui consistait notamment à donner aux uns les questions d’examen/interrogation en l’absence de ceux qui ne voulaient pas prendre payer et assister à ces séances de « renforcement ».
    Et pourtant, les classes ne comptaient pas plus de 35 ou 40 élèves au maximum. Est-ce que l’enseignant n’était-il pas recruté pour faire son travail et faire réussir le maximum?

    TENEZ BON MADAME LA MINISTRE!.

    • Dr J.Isaac Bizimana

      Ces cours de renforcement de capacité sont utiles par endroits et selon les choix, car après tout un eleve peut avoir des faibles en Maths ou en Anglais mais pas dans tous les cours! Or, ces cours ne sont pas organisés en ce sens! Pire encore, je connais une école primaire dont je tais le nom où chaque éleve devait payer tenez bien 50 000 BIf par mois! Directement payé à l’Enseignant! Soit aux alentours d’un 1.5 millions net d’impot par mois en sus de son salaire pour les 30 eleves supposés faire les cours de renforcement de capacité. Si cela n’est n’est pas business, ce mot n’a jamais exister!

    • Bakari

      @Nteturuye Miburo
      Si les enfants des VIP peuvent subir ce genre de pression, que dire alors des enfants des parents ordinaires, ou ceux des va-nu-pieds (car ils en ont malgré leur état de paupérisation)?

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