Originale, parfois déroutante, surréaliste, la pièce Coups de pinceaux s’est jouée, ce vendredi 6 février, devant un public multiracial. Pari réussi pour la troupe Umushwarara.
Une grande toile blanche qui masque la scène. Ensuite, une musique apocalyptique. Soudain, la toile s’anime, des ombres courent dessus ici et là, se croisent, se télescopent. C’est un monde animé, en folie. Puis, le noir complet. Dans la salle, tout le monde retient son souffle, on entendrait une mouche voler. Enfin, le rideau se lève petit à petit et sur une scène chichement meublé, quelques pots de fleurs et une chaise esseulée, on découvre le premier portrait. Ainsi débute le spectacle d’Umushwarara.
Une heure durant, des acteurs au visage peinturluré, tout de noir vêtus, vont nous peindre plusieurs portraits : des caricatures de présidents, de journalistes et de prédicateurs véreux, tantôt cet homme qui retrouve sa liberté en l’absence de sa femme et veut goûter à tout, tantôt des assassins idiots qui tuent pour tuer, parfois juste pour garder la main… Tout est décrit, décrié et dénoncé. Décrié même jusque dans le slam teinté d’anti néocolonialisme que déclame Ezéchiel au milieu du spectacle.
Les textes joués sont issus du groupe ou repris (Voix dans la lumière aveuglante I et II de Matéi Visniec), tous dénoncent l’absurdité, la cruauté, la peur, l’inhumanité qui gangrènent la société.
Mais pas tous, car à la fin, le peuple se révolte, refuse d’être manipulé, c’est la révolution. L’obscurité cède la place à la lumière, les acteurs se retrouvent tantôt en noir, tantôt en blanc. C’est l’espoir qui revient et la naissance d’une nouvelle nation de paix, de respect et de réconciliation.
À la sortie du spectacle, Horliac, jeune touriste français et Sengele, étudiant burundo-congolais, sont d’accord sur un mot, « original », hormis quelques maladresses qui témoignent de la jeunesse de la troupe.
À la fin, Coups de pinceaux s’inscrit dans la même veine de sensibilisation que Le Spectre du prince précédemment jouée. Avec Coups de pinceaux, la troupe Umushwarara accomplit ce tour de force qui consiste à peindre une réalité dure, parfois tranchante, tout en y insérant une note d’espoir, la promesse d’un avenir meilleur.
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Les comédiens de la troupe Umushwarara se sont fait remarquer dès leur premier spectacle, Le spectre du Prince, en 2014. La pièce, qui questionne sur l’héritage du prince Rwagasore, est nominé au Grand Prix Afrique Théâtre Francophone.
C’est en novembre 2013 que la troupe est créée. Des jeunes viennent de lancer une association, Izuba, avec comme but principal la promotion de la paix. « Pour atteindre cet objectif, il faut d’abord changer les mentalités », explique Fabrice Ntamatungiro, le représentant légal de l’association. Le théâtre leur apparaît comme un des moyens d’y parvenir. Ils décident alors de créer une troupe.
Ces jeunes de différents horizons ont en commun deux passions, l’amour de la patrie et le théâtre. Leurs spectacles s’en ressentent par des messages engagés et une originalité novatrice. Leur objectif atteint, ils ne doutent pas que bientôt « le Burundi sera le Japon d’Afrique », affirme Fabrice, non sans humour.
Après une année sur scène, la troupe compte à son actif deux spectacles, Le Spectre du Prince et Coups de pinceaux, trois représentations et une nomination internationale.
Des artistes ces petits!
Il faut au moins assister à une de leurs représentations!
Belle plume