L’Autorité portuaire tanzanienne (TPA) a organisé, du 3 au 4 juillet à Dar-Es-Salaam, un forum à l’endroit des opérateurs économiques empruntant le corridor central. L’objectif de la réunion était d’échanger sur les défis rencontrés par les usagers des ports tanzaniens.
Tracasseries policières, insécurité routière, lenteur dans la délivrance des documents, pots de vin, frais de scellés exorbitants, etc., entre autres défis soulevés par les opérateurs économiques burundais présents dans le forum.
Parfait Ruhiza, responsable commercial à la Sodetra, entreprise d’import-export, dénonce la lenteur des autorités portuaires dans la délivrance des documents nécessaires pour la sortie des marchandises des entrepôts. «Ils veulent que le délai de stockage gratuit de 15 jours des marchandises dans les entrepôts du port s’épuise».
Si ces deux semaines se terminent, explique-t-il, le propriétaire des marchandises doit payer une amende de 20 dollars américains par tonne et par jour durant les sept premiers jours.
Au cours de la deuxième semaine les amendes passent à 40 dollars américains par tonne et par jour, etc. Cet homme d’affaires demande aux responsables de l’autorité portuaire en Tanzanie de proroger la période de grâce jusqu’à trente jours.
Il déplore également le nombre de pesages des camions sur les ponts-bascules. Les camions vers le Burundi doivent passer au moins sur 6 ponts. Là où le bât blesse, regrette-t-il, le poids du camion varie bizarrement d’une balance à l’autre.
Ainsi, l’importateur est contraint de décharger la quantité qui excède. Sinon, il se retrouve obligé de soudoyer les contrôleurs pour franchir ce passage obligé. Au cas où le poids est inférieur par rapport au pesage précédant, la cargaison franchit la balance et passent comme une lettre à la poste. Parfait Ruhiza appelle à la réduction de ces pesages à au moins trois ponts-bascules.
Tracasserie policière, pots de vin, …
Méthussela Niyoyankunze, assistant du directeur général de l’Itracom (International Trading Company), déplore l’insécurité routière en Tanzanie. «Les camions transportant nos marchandises ont été attaqués à maintes reprises.» Un de ses chauffeurs a été sérieusement blessé l’année passée lors d’une embuscade contre son camion. Il sera retrouvé dans la forêt deux jours après.
M. Niyoyankunze pointent du doigt les policiers. Ceux-ci exigent des importateurs des pots de vin. De surcroît, tout le tronçon est parsemé de barrières : «Au moins huit.» Ces arrêts répétitifs augmentent le temps de transport des marchandises qui varient entre quatre et cinq jours dans les conditions normales. Et par conséquent le coût de transport.
Ce responsable de l’Itracom soutient que n’eut été les barrières tarifaires et non tarifaires, le corridor central (Dar-Es-Salaam-Bujumbura) est moins cher par rapport au corridor nord. Les frais de transport d’un camion de 28 tonnes varient entre 3.800 et 4.200 dollars américains. C’est au moment où ils s’élèvent à 6 mille USD pour le corridor nord (Mombasa- Bujumbura).
Face à de nombreux défis, souligne-t-il, certains opérateurs économiques burundais préfèrent faire transiter leurs marchandises par le port de Mombasa. Ce dernier est plus coûteux : «Les transporteurs fixent le coût en fonction du poids de la marchandise et de la distance.» Le trajet Mombasa-Bujumbura est plus long (2.300 km) par rapport à celui de Dar-Es-Salaam Bujumbura (1.600 km).
Alfred Nijimbere, responsable d’import-export à l’entreprise Ubucom et Musumba Steel quant à lui, déplore l’absence d’un entrepôt des marchandises en provenance et vers le Burundi. «Les opérateurs économiques burundais l’ont réclamé depuis longtemps, en vain».
L’existence de cette infrastructure permettra aux commerçants d’éviter des amendes liées à l’expiration de la période de grâce. Et de préciser que les autres pays de la communauté Est-africaine ont leurs propres entrepôts à Dar-Es-Salaam.
M. Nijimbere fustige la lenteur des autorités du port dans la délivrance de la facture des charges portuaires. Et d’ajouter la multiplicité des agences intervenant dans l’octroi des documents. Pour qu’un importateur puisse récupérer ses marchandises, il doit bénéficier de l’autorisation d’au moins 6 organes différents.
L’autorité portuaire de la Tanzanie rassure
Deusdedit C.V. Kakoko, directeur général de l’Autorité portuaire tanzanienne, tranquillise les opérateurs économiques burundais : «Qu’ils soient rassurés. Les solutions à leurs problèmes seront bientôt trouvées».
Il leur promet que le nombre de ponts-bascules sera réduit de 6 balances à trois balances comme ils le souhaitent. Contrairement aux anciennes balances manuelles, précise-t-il, l’Autorité portuaire tanzanienne prévoit l’installation de balances électroniques difficiles à truquer.
Il explique l’incohérence des résultats relevés par les mesures de poids des camions par deux facteurs essentiels. La vieillesse des équipements et la tricherie de certains contrôleurs.
M. Kakoko indique, par ailleurs, que son institution a ouvert une agence à Bujumbura pour faciliter les importateurs burundais dans leurs activités : «Toutes les formalités qui s’effectuent pour le moment à Dar-Es-Salaam seront traitées au Burundi.» Ce qui leur permettra de réduire le coût des services de la TPA sans aucun devoir de se déplacer.
Le directeur général de la TPA promet que l’attribution du terrain destiné au stockage des marchandises à destination ou en provenance du Burundi sera bientôt effective. «Les tarifs de manutention au port de Kigoma et au Port de Dar es Salaam seront prochainement harmonisés».
Il accepte de plaider auprès des autorités tanzaniennes pour faciliter l’octroi du permis de travail et l’établissement des sociétés burundaises sur le territoire tanzanien.
Des mésententes
Aimable Nkezumwami, assistant du ministre du Commerce et chef de la délégation burundaise, dénonce plusieurs cas de mésentente entre la TPA et les opérateurs économiques burundais.
C’est notamment le refus de la liste des marchandises inscrites sur le bill of loading, un document remis par le commandant d’un navire de transport à l’expéditeur d’un chargement accepté à bord. Parfois, souligne-t-il, ce refus intervient souvent au moment de la sortie des marchandises du
port de Dar-Es-Salaam.
Selon lui, cette situation ne favorise pas le propriétaire des marchandises : «Il doit attendre le second paiement.» Sur ce, il demande aux responsables de TPA que la vérification des bills of loading se fasse au moment du déchargement du bateau afin que la facture à payer prenne en considération tous les redressements éventuels.
M. Nkezumwami réclame aussi l’harmonisation des tarifs de manutention portuaires sur les ports de Kigoma (12, 5 dollars américains par tonne) et de Dar-Es-Salaam (9 dollars américains par tonne). Les deux infrastructures portuaires sont sous l’autorité de la TPA.
Le chef de la délégation burundaise fustige aussi le refus d’octroi du permis de travail et d’établissement des sociétés burundaises sur le territoire tanzanien.
Notons que le forum réunissait des délégations en provenance du Burundi, de la Tanzanie, de la RDC, de la Zambie, de l’Ouganda, du Rwanda, du Malawi et des îles de Comores.